Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

De Dieu et de son Christ comme êtres de promesse

Jean-Pierre Sonnet s.j.
La promesse scripturaire s'inscrit dans des structures anthropologiques et religieuses. Le récit de la Bible, toutefois, ose inverser la perspective et nous la faire aborder à partir de Dieu qui, le premier, promet, et de son Christ, qui promet de plus belle. La promesse n'est autre chose qu'une déclinaison de la bonté créatrice dans le temps, et notamment le temps messianique.

Un mot est mort quand il est dit, disent certains.

Moi je dis qu’il commence à vivre ce jour-là.

Emily Dickinson (1830-1886)

La première parole divine, en Gn 1,3, yehî ’ôr wayehî ’ôr — « “Que la lumière soit”, et la lumière fut » —, n’est pas une promesse : Dieu n’a pas encore, en face de lui, d’interlocuteur à qui promettre. Ce dire de Dieu, toutefois, porte en soi l’« arc » de toutes les promesses divines à venir. Entre le mot prononcé « lumière » et la réalité advenue (la lumière), aucun décalage — causal ou chronologique — ne se laisse enregistrer2. L’efficacité sans faille de la parole créatrice crée du même coup, dans l’esprit du lecteur, de puissantes premières impressions. En psychologie de la perception, la loi des premières impressions (Primacy Effect) établit que ce qui vient en tête dans la communication d’un message, et singulièrement d’un récit, s’imprime en profondeur dans l’esprit du destinataire et oriente la réception de ce qui suit3. Au seuil de la Bible, le lecteur enregistre la puissance de cette parole qui fait advenir ce qu’elle dit. La loi psychologique est ici, on le devine, au service d’une loi de lecture, tout à la fois littéraire et théologique : le rapport yehî ’ôr wayehî ’ôr est une clé au seuil de la partition, accordant le lecteur à l’intelligence du grand récit qui s’ouvre.

I Dieu dit

1 La création comme parole de bien

« Dans la mesure où tout récit implique un contrat, écrit Paul Beauchamp, la création est la préface du récit de l’histoire : l’histoire est une mise à l’épreuve des promesses de la création4. » L’épreuve de l’histoire sera celle de la distension, ou de la différance5, face à ce qui, dans le régime de la création, s’accomplissait dans l’instant de la parole. L’histoire mise en récit s’insère, pour ainsi dire, dans le petit « et » (wa- en hébreu) glissé entre l’injonction (« Que la lumière soit ») et le récit d’exécution (« et la lumière fut »). En Gn 1,3, ce « et » était l’opérateur d’une immédiateté ; en régime d’histoire, il devient le lieu de toutes les médiations et de toutes les distensions. Sous les yeux du lecteur prennent place en effet les tours et les détours de l’histoire humaine, où les injonctions divines, et en particulier les promesses, connaissent des réalisations problématiques, partielles, inattendues ou différées. Nous entrons dans une temporalité où, comme l’écrit W. Lee Humphreys à propos des promesses à Abraham, « les actions tardent à correspondre aux mots6 » — où la réalisation des promesses se fait attendre. Nous entrons dans un monde où s’exercent des causalités autres que celle de Dieu, à commencer par la liberté des fils d’Adam, interférant de multiples manières, et notamment de manière négative, dans le projet divin, tant et si bien que les promesses et injonctions de Yhwh apparaissent régulièrement comme éludées, déjouées ou mises en échec. Pourtant les impressions premières ont quelque chose d’invincible : ce qui est contracté en Gn 1,3 est prophétique de ce que Dieu peut faire, et de ce qu’il fera, jusque dans la différance de l’histoire — ses non-identités, ses délais, ses détours, ses impasses. Au cas où le lecteur douterait de cette théologie première, le narrateur se charge, de loin en loin, de lui remettre en mémoire la leçon de Gn 1. Ainsi en est-il au seuil des livres de Samuel, où le narrateur fait remarquer que, s’agissant de la mission de Samuel, Dieu « ne laissa tomber à terre aucune de ses paroles » (1 S 3,19)7. Il est celui qui, comme il le dit à Jérémie, « veille sur [sa] parole, pour l’accomplir » (Jr 1,12). Le « comment » de cet accomplissement dans la différance de l’histoire est, précisément, l’énigme proposée au lecteur du récit.

L’énonciation divine en Gn 1,3 est, à un autre égard, un prolégomène de la promesse : la parole créatrice s’y révèle parole « en vue du bien ». Le v. 4 ajoute en effet : « Et Dieu vit que la lumière était bonne ». Toute promesse dans l’histoire sera une déclinaison de cette parole première, ordonnée au bien. Ceci apparaît d’autant plus en hébreu biblique, langue qui, paradoxalement, ne connaît pas de verbe « promettre ». Si la Bible hébraïque est le lieu de nombreuses promesses, l’hébreu ancien ne dispose pas d’un verbe « promettre » ni d’un substantif « promesse ». On n’y trouvera donc pas d’acte de promesse explicite, du type « je promets », même si on y trouvera de multiples promesses (implicites). Toutefois, l’hébreu explicite un aspect de la promesse qui s’entend moins dans nos langues : le fait, précisément, que toute promesse est ordonnée au bien de l’interlocuteur. Ainsi en Jr 29,10, lorsque Dieu promet le retour d’exil : « Quand septante ans seront écoulés pour Babylone, j’interviendrai pour vous et j’accomplirai pour vous ma promesse concernant votre retour en ce lieu ». Ce que la Traduction Œcuménique de la Bible a traduit par « promesse » est en fait exprimé en hébreu par l’expression « ma parole bonne8 ». Voilà qui reconduit à l’essence de la promesse, telle qu’elle est définie par le philosophe du langage John R. Searle : l’acte de la promesse engage le locuteur à l’égard d’une action future9 et en faveur de son interlocuteur, à la différence de la menace. « Une promesse, écrit Searle, est un engagement à faire quelque chose pour vous (for you), et non à vous (to you), mais une menace est un engagement à vous faire quelque chose à vous (to you), et non pour vous (for you)10. » Il y a donc un « pour vous », un engagement en faveur d’autrui, pour son bien, qui sous-tend toute promesse : elle est une parole de bien.

Au-delà de la préface de Gn 1, qu’en est-il de cette parole divine ordonnée au bien ? C’est sur le mode de la promesse, révèle le récit de la Bible, que Dieu décline cette parole dans le temps et dans les contretemps de l’histoire. La première promesse recensée par la Bible est formulée par Dieu, en faveur de Noé : « J’établirai mon alliance avec toi » (Gn 6,18). Dans l’enceinte des Écritures, c’est donc Dieu qui inaugure l’acte de langage en question, enseignant ce qu’il en est de toute promesse. Il y a donc à prendre le chemin de la Genèse pour entrer dans la « grammaire » langagière et théologique de la promesse, divine et humaine.

2 La promesse à Noé : remettre l’histoire dans l’économie du bien

De manière plus précise encore qu’en Gn 1, la promesse de Dieu à Noé en Gn 6,18 manifeste en quoi et pourquoi le Dieu biblique est un être de parole : l’histoire racontée par la Bible tourne autour d’événements qui sont autant d’actes de parole. Les interventions divines les plus décisives ont la forme d’actes de langage ; il s’agit de promesses, de bénédictions, d’accusations et de déclarations de pardon, d’appels et d’envois, de dons et de promulgations de lois, et d’engagements d’alliance. Toutes choses qui ne se font qu’avec des mots, pour faire écho au titre de l’ouvrage de John L. Austin, How to Do Things with Words 11. Les interventions divines qui comptent, ce n’est pas tant la fermeture de la porte de l’arche derrière Noé (Gn 7,16) ou la pluie de soufre et de feu sur Sodome et Gomorrhe (Gn 19,24), c’est la promesse de descendance aux patriarches et c’est la bénédiction qui leur est promise (Gn 12,2.3)12. Ou encore, c’est l’établissement de l’alliance qui, lui aussi, se fait nécessairement par un acte de parole13. À la suite de Walther Eichrodt, bien des exégètes situent dans l’alliance le point focal (die Mitte) de la Bible hébraïque, reconnaissant dans la berît le centre de gravité des Écritures14. L’alliance est bel et bien un événement de parole, scellé dans la parole échangée, comme le manifeste l’hendiadys berît we’âlâh, « alliance et serment » (Gn 26,28 ; Dt 29,11.13.20 ; Ez 16,59 ; 17,18), et ceci pour dire une « alliance par serment15 ». Le noyau du serment en question se trouve dans une parole croisée : « Je serai pour toi pour Dieu — Je serai pour toi pour peuple16 ». La parole initiatrice d’alliance est en outre institutrice d’obligations, de la part d’un des contractants ou, le plus souvent, de la part de chacun d’entre eux. Dans le contexte de l’alliance, la parole est ainsi portée au comble de ses potentialités sociales et éthiques.

Si donc Dieu parle, c’est parce que son histoire avec les hommes se « précipite » dans un ensemble d’actes de parole au centre duquel se trouve la parole instauratrice d’alliance. « Une alliance ne peut être conclue, sous forme de traité, écrit Hans-Peter Schmidt, qu’avec un Dieu qui se fasse concrètement comprendre et qui se manifeste dès lors par voie langagière. Afin qu’entre Dieu et l’homme une loi s’établisse, à l’égard de laquelle ils s’engagent l’un et l’autre, il faut un Dieu qui parle et en outre un narrateur, qui rapporte [au lecteur] les paroles de Dieu et qui explicite son agir17. »

Autour de la parole d’alliance gravite celle de la promesse, qui met l’histoire en perspective d’alliance. Que la première promesse de Dieu porte sur le don d’une alliance — « J’établirai mon alliance (berît) avec toi » (Gn 6,18) — en dit long sur les affinités qui unissent, dans la Bible, promesse et alliance. Ce que la promesse de Dieu à Noé manifeste, comme le fait toute promesse, est que son objet futur est institué pour le bien de la partie conjointe18. Dieu, qui a vu la bonté de la création (Gn 1,4 et passim) et le mal infligé à cette création par la première humanité (Gn 6,5.12), ne peut mieux faire que promettre — c’est-à-dire remettre la bonté en jeu dans un nouvel âge de l’histoire. Bien des promesses et des alliances suivront dans le récit ; elles seront toutes à l’enseigne de la promesse à Noé. La promesse — divine, mais aussi humaine — est ce qui remet le temps dans l’économie du bien.

3 La promesse à Abraham : le ressort de l’histoire

Si la promesse divine fait son entrée dans l’interlocution divine avec Noé, c’est dans le cycle d’Abraham qu’elle donne toute sa mesure — en y étant à nouveau assortie d’une alliance (en Gn 15 et 17). En Gn 6, la promesse divine se détachait sur fond de l’impasse dans laquelle l’humanité première avait engagé l’histoire. En Gn 12, la promesse à Abraham se trouve adossée aux limites humaines, dans ce qu’elles ont d’opaque, de non ouvert sur le futur : « Or Saraï était stérile : pas d’enfants pour elle » (Gn 11,30). Sur un tel arrière-fond se découvre le faisceau de promesses de Gn 12,1-3 :

Pars de ton pays, de ta famille et de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai. Je rendrai grand ton nom. Sois en bénédiction.

Je bénirai ceux qui te béniront, qui te bafouera je le maudirai ; en toi seront bénies toutes les familles de la terre.

Il y a à se rendre sensible au paradoxe qui habite la triple promesse à Abraham. En elle s’engage, d’une part, l’autorité de son locuteur : une telle promesse embrasse toute l’histoire à venir ; elle n’a de limite ni dans l’espace ni dans le temps — « en toi se béniront toutes les familles de la terre » ; il y s’agit d’emblée du dessein total de Dieu sur l’histoire. D’autre part, la même promesse va droit à la contingence humaine. Chacune des trois promesses formulées au patriarche est grevée d’inconnues, d’incertitudes, voire même d’états de fait qui, apparemment, en compromettent la réalisation.

La terre est encore à l’horizon. Ainsi que l’écrit Jean Louis Ska, « l’ancêtre d’Israël échange la terre qui est la sienne non avec une autre terre, mais avec la promesse d’une terre19 » ; elle est « la terre que je te ferai voir », et elle se révèle vite habitée par d’autres (cf. Gn 12,6). Les choses sont encore moins assurées du côté de la descendance. « Je ferai de toi une grande nation », dit Dieu à Abram, c’est-à-dire à un homme dont nous savons que l’épouse est stérile (cf. Gn 11,30). La promesse divine semble ainsi chercher l’homme au point précis de sa finitude, dans la limite éprouvée. Elle se traduit dès lors par une épreuve de patience et de persévérance : la promesse est chez elle dans la durée. Il faudra neuf chapitres pour que naisse Isaac, alors que les généalogies, jusque-là, « coulaient de source » (voir Gn 5 ; 10 ; 11,10-26). Quant à la bénédiction promise à Abraham, elle est assortie d’une bénédiction — ou d’une non-bénédiction — du tiers qui, dans le concert des nations, bénira — ou ne bénira pas — Abraham et sa descendance. Une telle promesse se complique ainsi du plus impondérable, l’imprévisible des libertés humaines : « qui te bénira », « qui te maudira ».

Ce qui est clair dans le cas de la bénédiction est vrai de chacune des promesses divines : adossées aux contingences du présent, elles sont tout autant exposées à celles du futur. Dans chacune des perspectives ouvertes, le dessein du maître de l’histoire se conjugue — délibérément — aux complications de l’histoire à venir20. Dès le v. 12 du chapitre 12, Abraham met ainsi en danger l’ensemble du dessein de Dieu en faisant passer sa femme pour sa sœur. Le patriarche se met en sécurité en mettant son épouse en danger : il expose au désir et à la semence d’autres hommes, à commencer par Pharaon, celle par qui pourrait ou même devrait venir la descendance promise, nonobstant la stérilité passée21. Comment Dieu mènera-t-il à bien sa promesse si non seulement ses opposants mais son élu lui-même, Abraham, met en danger son dessein d’ensemble sur l’histoire ? Telle est l’intrigue des intrigues, que le récit de la Bible excelle à raconter, manifestant les tours et les détours qu’emprunte l’histoire des hommes, pour finalement s’inscrire dans l’accomplissement de la promesse de Dieu.

Les promesses divines sont ainsi le ressort de l’histoire biblique, intégrant dans leur dynamique les élans et contre-élans de l’histoire humaine. Le pouvoir de relance de la promesse s’observe notamment dans sa réitération au profit d’un descendant : « À toi et à ta descendance », dit Dieu à Isaac en Gn 26,3-5, « je donnerai ces terres et je tiendrai le serment que j’ai juré à ton père Abraham » (cf. le renouvellement de la promesse en faveur de Jacob en Gn 28,13-15 ; 35,11-12). Toutefois, relancée au sein de l’histoire racontée, la promesse excède en bien des cas les limites temporelles de cette histoire, jusqu’à rejoindre le lecteur que vise le récit. Ceci est particulièrement vrai lorsque la promesse divine s’énonce comme promesse « à jamais » (au sein d’une alliance elle-même établie comme éternelle). Ainsi en est-il lors de l’« alliance éternelle » (9,16) avec Noé et ses fils au sortir du déluge : « Tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaleur, été et hiver, jour et nuit jamais ne cesseront » (Gn 8,22 ; cf. 8,13-16). Il en est de même dans le cas de l’alliance dynastique avec David : « Je serai pour [ton successeur] un père, et il sera pour moi un fils. S’il commet une faute, je le corrigerai en me servant d’hommes pour bâton et d’humains pour le frapper. Mais ma fidélité ne s’écartera point de lui, comme je l’ai écartée de Saül, que j’ai écarté devant toi. Devant toi, ta maison et ta royauté seront à jamais stables, ton trône à jamais affermi » (2 S 7,14-16 ; 1 Ch 17,1-15). Lire la suite du récit, c’est découvrir comment cette promesse fait son chemin dans la fidélité et surtout l’infidélité des rois d’Israël et de Juda, avant d’être apparemment anéantie par l’effondrement de la monarchie lors de l’exil. Comment Dieu peut-il alors être fidèle à sa promesse « à jamais » ? Il faut s’engager dans la suite des livres prophétiques ou encore dans le livre des Psaumes pour découvrir comment Dieu affronte cette aporie22. Les promesses divines ont ainsi leur répondant dans le récit et dans le macro-récit que forme la séquence des livres canoniques. Elles sont indissociables de ce récit, qui révèle la manière qu’a Dieu de mener à bien sa promesse dans les délais, les contretemps et les déroutes de l’histoire.

II La parole fidèle

1 Répondre de soi

Le discours biblique révèle un autre aspect de la promesse, tout aussi décisif : la promesse répond d’actions futures dans le mouvement où elle répond d’elle-même. À son élan centripète correspond son mouvement centrifuge. Dans son essai Le discours et le symbole, Edmond Ortigues a décrit avec bonheur le double dynamisme qui sous-tend la parole en acte :

Car c’est une loi fondamentale que toute référence de la parole à quelque chose tend à se réfléchir dans le rapport de la parole à elle-même. Sans cela, aucune parole, fût-ce la plus banale, ne pourrait plus répondre de soi. N’étant plus responsable de soi, elle ne le serait plus de rien23.

Plus encore que d’autres actes de parole, la promesse illustre cette loi. En contexte biblique, le phénomène est particulièrement manifeste dans le cas du serment24. Si l’hébreu n’a pas de verbe « promettre », il dispose bien d’un verbe pour exprimer le serment, le verbe shaba c, qui se trouve pourvu d’une série de formules d’appui25. Dans la narration biblique, le serment accompagne ou redouble régulièrement la promesse, et notamment la promesse divine. Le récit du sacrifice d’Isaac débouche sur un tel renchérissement de la promesse en serment. Au terme de l’épreuve à laquelle il a soumis Abraham, Dieu reformule sous la forme d’un serment la promesse initialement formulée en Gn 12 :

Je le jure par moi-même, oracle de Yhwh. Parce que tu as fait cela et n’as pas épargné ton fils unique, pour bénir je te bénirai, je ferai proliférer ta descendance autant que les étoiles du ciel et le sable au bord de la mer. Ta descendance occupera la Porte de ses ennemis ; c’est en elle que se béniront toutes les nations de la terre parce que tu as écouté ma voix.

(Gn 22,16-18)26

Nous avons ici non seulement un performatif explicite — « je jure27 » — mais également une forme emphatique : « je jure par moi-même28 ». Le meilleur commentaire est celui qui se lit dans la lettre aux Hébreux : alors que « les hommes jurent par plus grand qu’eux-mêmes, et pour mettre un terme à toute contestation, recourent à la garantie du serment » (He 6,16), « Dieu, lorsqu’il fit sa promesse à Abraham, comme il n’avait personne de plus grand par qui jurer, jura par lui-même (kath’ heautou) » (He 6,13)29. En disant « je jure par moi-même » ou, ailleurs, « par ma sainteté » (cf. Ps 89,36), en prêtant serment ou en promettant « par ma vie » (cf. Is 49,18 ; Ez 34,8-16), Dieu fait jouer, en version absolue, le mouvement réflexif qui habite toute promesse. De manière intéressante, l’expression « par moi-même () » de Dieu en Gn 22,16 répond à la première parole prononcée par Abraham dans l’épisode : « me voici (hinnénî) » (v. 1), expression elle aussi affectée de l’indice de la première personne. À Abraham qui a répondu en « se commettant », Dieu répond en s’engageant « par soi ». Le dynamisme réflexif de la promesse traduit ainsi l’auto-implication éthique du locuteur, ainsi que l’a décrit le philosophe Donald D. Evans dans son essai The Logic of Self-Involvement 30.

S’il est d’abord éthique, le mouvement réflexif affecte également le signe linguistique. Il est essentiel en effet que l’énoncé linguistique dans lequel se « performe » tel ou tel speech act se présente comme « consacré » par cet acte. Le signe n’est plus, dans un tel cas, l’élément abstrait de la langue, il est le signe ou le syntagme particulier qui émane d’une énonciation et d’un acte singuliers, qu’il lui importe de réfléchir. Ainsi en est-il en Gn 22,16 : l’énonciation divine à Abraham « je jure » n’est plus (seulement) une forme verbale possible de la langue hébraïque ni même une réalisation particulière de cette forme verbale (qui pourrait être une citation, une parodie, ou bien d’autres choses) ; cet énoncé particulier se présente comme investi par un acte singulier, celui-là même qu’il explicite — l’acte d’un serment. Il est dès lors unique, et fait signe de diverses manières vers le statut qu’il détient en cette qualité — un statut suspendu à la reconnaissance de l’interlocuteur. En Gn 22,16, l’ajout du « par moi-même » et de la formule « oracle de Yhwh » participe, de manière latérale, à ce commentaire réflexif31. Ces deux éléments indiquent que l’énoncé « je jure » n’a rien d’une parole vaine : en lui se précipite l’acte d’un serment divin, sanctionnant une promesse.

Actualisé comme il l’est en Gn 22,16, le langage est en effet l’exact opposé de l’usage « vain » du discours constamment dénoncé par les prophètes et les sages : « on assoit son assurance sur du vide, on parle creux, on conçoit le dommage et on enfante le méfait ! » (Is 59,4) Vider le langage de son sens et, plus encore, dénaturer les actes de parole, c’est, en effet, entamer le lien social et religieux. Le Dieu de la Bible est, par contre, le premier à illustrer l’effectivité de la parole, dont il fait le levier le plus puissant de l’histoire, capable de porter sur tous les temps : « Une fois pour toutes, je l’ai juré sur ma sainteté », dit ainsi Dieu dans le Ps 89, à propos de la promesse faite à David (v. 36). Moïse l’a compris, lui qui, dans son intercession lors de la crise du veau d’or, n’hésite pas à représenter à Dieu ce qu’il a promis sous la forme d’un serment :

Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, tes serviteurs, auxquels tu as juré par toi-même, en leur disant : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel, et tout ce pays que j’ai dit, je le donnerai à votre descendance, et ils le recevront comme patrimoine pour toujours ».

(Ex 32,13)

Comme le fait observer avec perspicacité Norbert Lohfink, Moïse ne fait alors autre chose que « jouer Dieu contre Dieu32 ». Mais il le fait en jouant parole pour parole — la sienne propre s’autorisant du serment de Dieu — dans un sommet d’effectivité du langage.

Une promesse énoncée est une parole vive, un symbole habité par un mouvement éminemment réflexif ; elle est, pour parler comme Platon dans le Phèdre, un logos « capable de se porter secours à soi33 ». En contexte biblique, une telle parole est ce qui distingue le Dieu vivant des idoles muettes, « incapables de se porter secours à elles-mêmes », comme ironise le livre de Baruch (Ba 6,57 ; cf. Sg 13,16). Dans sa formulation, Ortigues disait, de manière négative : « N’étant plus responsable de soi, [la parole] ne le serait plus de rien » ; de la promesse divine, il y a à dire : elle répond du tout de l’histoire dans le mouvement où, infiniment, elle répond de soi.

2 Dans la parole de l’homme et du prophète

Qu’en est-il de la parole de l’homme en face du Dieu qui promet ? La Torah est claire : « Lorsqu’un homme fera un vœu à Yhwh, ou un serment pour se lier par un engagement, il ne profanera pas sa parole ; il fera exactement ce qui est sorti de sa bouche » (Nb 30,3). Mais le récit biblique est tout aussi clair, qui enregistre tant et tant de parjures : « Par ma vie », déclare Dieu en Ez 17,19, « le serment de fidélité qu’il a méprisé, l’alliance qu’il a rompue, je les fais retomber sur sa tête ». Le salut de la parole de l’homme se trouve alors dans une imitatio Dei, et plus encore, dans une sanatio par la racine : la parole humaine trouve ou retrouve son effectivité en se fondant dans la parole, la vie et la sainteté de Dieu.

L’homme biblique, en effet, promet en impliquant dans sa promesse le Dieu qui promet — et qui promet sans retour. « Les hommes jurent par plus grand qu’eux-mêmes », rappelle la lettre aux Hébreux (6,16). Le caractère sacré de la promesse, indique Giorgio Agamben dans Le Sacrement du langage, apparaît en ceci : l’homme promet, engage sa parole, par son Dieu. Il allait de soi dans l’Antiquité que le serment humain intègre une référence à l’absolu de Dieu34. Philon a ce beau commentaire dans son De sacrificiis (93) :

Les hommes, étant infidèles, recourent au serment pour obtenir de la crédibilité. Dieu, en revanche, quand il parle, est digne de foi [pistos] puisque ses logoi ne diffèrent en rien, quant à la certitude, d’un serment. Nous ajoutons le serment à nos affirmations, alors que le serment lui-même est rendu digne de foi par Dieu. Dieu n’est pas crédible à cause [dia] du serment, mais le serment est sûr à cause de Dieu35.

Ce que les cultures antiques illustrent à profusion trouve dans la Bible une expression particulière. Le serment biblique en appelle à l’absolu de Dieu à travers des formules caractéristiques, dont la plus fréquente est « par la vie de Yhwh36 ». Ainsi en 2 R 2,2, Élisée répond à son maître Élie : « Par la vie de Yhwh et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! » (la formule a ses équivalents dans les textes akkadiens et égyptiens). Ce qui est sans doute remarquable est que le Dieu biblique mette lui-même sa vie en jeu dans ses promesses et ses serments (cf. Nb 14,21 ; Dt 32,40 ; Ez 34,8-16 ; Is 49,18 : « Par ma vie, oracle de Yhwh, tu revêtiras tous [tes fils] comme une parure »). En promettant « par la vie de Yhwh », l’homme « trempe » ainsi sa parole dans la vie divine, comme Dieu le fait lui-même : on ne pourrait imaginer de parole plus vive. Une autre formule, « que Yhwh me fasse ainsi et encore ainsi si… », en appelle à la sanction divine si l’engagement n’est pas respecté37. L’une des plus belles promesses de la Bible hébraïque est formulée par une non-juive, Ruth la Moabite38. Le serment que Ruth adresse à Noémi, sa belle-mère israélite, s’accompagne en effet de la formule imprécatoire en question. « Où tu iras, j’irai », promet Ruth à Noémi, « là où tu passeras la nuit, je passerai la nuit ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu ; là où tu mourras, je mourrai, et c’est là que je serai ensevelie. Que Yhwh me fasse ceci et encore cela, si ce n’est pas la mort qui me sépare de toi ! » (1,16-17) La réponse de Noémi est un silence buté : « Voyant que [Ruth] s’obstinait à aller avec elle, [Noémi] cessa de lui parler » (Rt 1,18). On peut dire que la suite de l’intrigue du livre de Ruth consistera dans la progressive conversion de Noémi à la bonté en sa faveur qu’impliquait le serment de Ruth — en tant qu’il était aussi une promesse.

Lorsqu’il promet et prête serment, l’homme biblique en appelle ainsi à l’absolu de Dieu, qui lui-même promet et prête serment. Il est un texte qui associe de manière étroite l’acte de parole de l’un et de l’autre ; il s’agit de l’engagement croisé rapporté par Moïse au terme du Code deutéronomique, en Dt 26,17-18. Le consentement d’alliance est alors mutuel au point que chacun non seulement dit — qu’il sera le Dieu du peuple, qu’il sera le peuple de Dieu — mais également amène l’autre à dire les paroles performatives, constitutives du lien, dans une déclaration où chacun somme l’autre d’être libre et de parler librement : « À Yhwh tu as fait dire aujourd’hui qu’il serait ton Dieu, que tu marcherais dans ses voies, que tu observerais ses décrets, ses commandements et ses règles et que tu écouterais sa voix. Et Yhwh t’a fait dire aujourd’hui que tu serais son peuple particulier… » (Dt 26,17-19). Du côté divin, le serment se double manifestement d’une promesse : il n’y a pas, pour Israël, de bienfait supérieur à son adoption par Yhwh. La réciproque est-elle vraie ? Le peuple peut-il être la source d’un bien pour son Dieu ? Dans la mentalité antique, les dieux bénéficiaient très littéralement des sacrifices offerts par les hommes. Les attentes du Dieu biblique — le sacrifice, le jeûne, la vie éthique qui lui plaisent — sont autrement déterminées (cf. Is 58,9 ; Os 1,6 ; Ps 50,19 ; Si 1,26 ; 35,339). Mais ces attentes sont bel et bien révélées, et l’homme, ou encore le peuple entier, peut donc être sujet d’une promesse à Dieu et pour lui. Cette promesse lui sera « en agréable odeur », comme les sacrifices prescrits dans le Lévitique ; très précisément, elle sera un « sacrifice de louange » (Ps 50,14.23 ; cf. He 13,15).

Au-delà des serments et des promesses qu’il voue à son Dieu, l’homme biblique est celui qui s’engage face à autrui à partir des promesses divines ou du bienfait accordé par Dieu : il se prononce en faveur d’autrui, du tiers, de l’étranger à partir du bien que Dieu a promis ou déjà donné. La relation de David et Jonathan est tissée de serments et de promesses mutuelles, impliquant la vie et la sanction de Yhwh, et ce, sur fond de l’élection de David (cf. 1 S 23,17-18). Jonathan en vient ainsi à dire : « Quant à la parole que nous nous sommes donnée, toi et moi, Yhwh est entre toi et moi à jamais » (1 S 20,23). David transmet ses dernières volontés à Salomon en appelant la réalisation de la promesse que Dieu lui a faite : « … afin que Yhwh réalise la parole qu’il a prononcée sur moi : “Si tes fils prennent garde à leur voie, en marchant loyalement devant moi, de tout leur cœur et de toute leur âme, tu auras toujours un successeur sur le trône d’Israël” » (1 R 2,4). De manière plus explicite encore, Moïse adresse une invitation à son beau-père madianite en Nb 10,29 :

Moïse dit à Hobab, fils de Réouël le Madianite, son beau-père : « Nous partons pour le lieu dont Yhwh a dit [il s’agit d’une promesse] : “Je vous le donnerai”. Viens avec nous, et nous te ferons du bien, car Yhwh a dit [c’est-à-dire promis] du bien à Israël40. »

À l’image du Dieu qui promet, et à partir de lui, l’homme (se) promet ; le bien promis dans les alliances divines est source de promesses pour autrui, qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur de cette alliance. Le bonum est ainsi diffusivum sui par promesses divines et humaines interposées.

Il est toutefois un homme qui sait plus que tout autre le prix de la vie « sous la promesse » : le prophète. Pour que les promesses divines rejoignent le peuple, il a fallu que des hommes les profèrent en tant que promesses — comme ils ont eu à proférer les menaces divines en tant que menaces. Au nom de ces paroles en actes « à la deuxième puissance », ils sont mis en procès : « Tu as signé ton arrêt de mort », signifient les autorités de Jérusalem à Jérémie qui a prophétisé les menaces de Yhwh à l’encontre du temple et de la ville (Jr 26,8)41. À propos du Moïse du Deutéronome, Paul Beauchamp écrit : « Sur le devant de la scène parle l’homme sans lequel nous ne pourrions savoir que Dieu a parlé42. » Nous ne saurions rien des menaces ou des promesses de Dieu si des hommes ne s’étaient prêtés à ces menaces et à ces promesses, s’ils n’avaient laissé le « je » divin se mettre en intrigue dans leur propre « je » parlant. Le motif de la mise de l’oracle sur la bouche du prophète traverse la Torah et les livres prophétiques43 ; il en vient à désigner l’existence prophétique : être la bouche de Dieu. Dieu l’entend bien ainsi : « je serai avec ta bouche », dit-il à Moïse qui objecte à sa mission (Ex 4,12). La vocation prophétique a certes quelque chose d’irrésistible dès lors que Dieu a parlé — « Yhwh Dieu a parlé, qui ne prophétiserait ? », proclame ainsi Amos (Am 3,8) ; mais cet irréversible se double d’un drame existentiel, car le prophète sait aussi que Dieu ne parlera pas s’il ne parle à son tour : insoutenable mission que celle de formuler les mots d’un Autre, imprévisible et saint. L’autre nom de l’oracle, en hébreu, est ma?âh, c’est-à-dire le fardeau, la charge (cf. Jr 23,33.34.36.38). Le prophète seul sait le poids de ce parler « à deux voix ». Pour énoncer une promesse divine comme celle d’Is 66,12 — « Car ainsi parle Yhwh : Voici que je vais faire arriver jusqu’à [Jérusalem] la paix comme un fleuve » —, qu’a dû prendre sur lui le prophète, s’exprimant sans doute à un point de l’histoire où tout démentait cette paix ? Qu’est-ce qui rend cet oracle différent des oracles vains, promettant « Paix, paix ! Et il n’y a point de paix », ainsi que le dénonce Jérémie (Jr 6,14) ? À lire les livres prophétiques, on le comprend vite : le prophète est celui qui est configuré à la parole totale de Dieu, en ses oracles de jugement comme en ses promesses de salut. Il est celui qui marche sur le fil des attributs divins, entre justice et miséricorde44. Il faut, pour ce faire, être comme Moïse, « le plus humble des hommes » (Nb 12,3), et le plus libre.

III L’Évangile et la promesse

1 Lorsque Jésus promet

Dans le récit des évangiles, tout ce qui a été dit jusqu’à présent se trouve comme intensifié et abrégé. « Si nombreuses que soient les promesses de Dieu », écrit Paul aux Corinthiens, « c’est en [Jésus] qu’elles sont “oui” » (2 Co 1,20). Le mot grec pour « promesse » est epaggelia. Dans sa créativité, le grec du Nouveau Testament fait entendre le lien de la promesse au « bien », à la bonté promise, en associant régulièrement epaggelia, « promesse », à euaggelion, « évangile », littéralement « annonce de bien (eu-) ». La lettre aux Romains s’ouvre par un beau phénomène d’écho à ce propos : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à être apôtre, mis à part pour annoncer l’Évangile de Dieu (euaggelion Theou), qu’il avait déjà promis (ho proepêggeilato) par ses prophètes dans les Écritures saintes » (Rm 1,1-2)45. L’évangile, en tant qu’annonce de bien, est en quelque sorte l’objet par excellence de la promesse ; par analogie, toute promesse, est une forme d’évangile.

Les écrits du Nouveau Testament présentent Jésus, fils d’Abraham, fils de David, comme celui en qui se trouvent accomplies les promesses divines. « Accomplir une promesse, écrit Albert Chapelle, est plus que tenir une promesse, c’est la porter à son comble. La promesse n’est jamais aussi bien promesse et espérance que lorsqu’elle est accomplie. Accomplir une promesse, c’est la renouveler, c’est la confirmer dans ce qui est sa force radicale46. » Comment Jésus accomplit-il ? En étant « Nai », « oui », répond Paul, et de ce « oui » il fait surgir de nouvelles promesses. Jésus est celui qui accomplit les promesses en promettant de plus belle, en étant lui-même être de promesse47. À preuve les béatitudes qui, dans l’évangile de Matthieu, ouvrent le discours sur la montagne (Mt 5,3-12 ; cf. Lc 6,20-22). Ainsi que l’a bien relevé J. Ratzinger, les béatitudes « sont des promesses dans lesquelles resplendit la nouvelle image du monde et de l’homme qu’inaugure Jésus-Christ48 » ; elles sont l’abrégé de la bonne nouvelle et du bonheur qui lui est assorti. Dans le même évangile, la promesse prend également la forme d’un grand arc traversant tout le récit. Celui qui a reçu au chap. 1 le nom d’Emmanuel, « Dieu avec nous » (Mt 1,23, citant Is 7,14), dans un abrégé des promesses premières, promet, dans le dernier verset du récit : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20).

Pour qui vient de l’Ancien Testament et de ses promesses enjambant les temps, l’évangile est le lieu d’un singulier abrègement. Les promesses que formule Jésus se trouvent toutes accomplies — à tout le moins in nuce — dans l’unité de sa vie. Les promesses de l’Ancien Testament se déclinaient au long d’une histoire déployée en bien des générations ; celles du Christ n’ont pas moins d’ampleur — « Jusqu’à la fin des temps », promet-il en Mt 28,20 — mais ces promesses-accomplissements reçoivent leur pouvoir d’expansion à partir de leur contraction dans l’unicité de sa vie, comme l’atteste le récit évangélique.

La promesse de l’Esprit est le paradigme de toute promesse divine, parce que le Père des cieux ne pourrait donner meilleure chose à ses enfants (cf. Lc 11,11-13). Cette promesse et son accomplissement se touchent dans l’unité biographique du récit. La narration évangélique tient unis en sa séquence la promesse énoncée la veille de la mort (« moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours », Jn 14,16)49, le don au moment de la mort (« Jésus dit : “Tout est achevé” et, inclinant la tête, il remit l’esprit », Jn 19,30), et la réception du don le jour de la résurrection : « il souffla sur eux et leur dit : “Recevez l’Esprit Saint” » (Jn 20,22)50. Le raccourci temporel est stupéfiant dans la promesse formulée sur la croix. À l’homme crucifié à ses côtés, Jésus promet : « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis » (Lc 23,43).

Le corps du Messie est le symbole dans lequel s’unissent la promesse et son accomplissement. À la promesse formulée répond le don du corps. Jésus promet de reconstruire le temple en trois jours — il s’agit du temple de son corps (cf. Jn 2,19). Il promet la vie pour toujours à qui mangera « le pain vivant », et ajoute : « le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie » (Jn 6,51). Le phénomène du self-involvement, de l’auto-implication dans la promesse, est ainsi porté à son comble dans le corps de celui-là qui (se) promet. Le mouvement réflexif que repérait Ortigues trouve son icône dans la réponse de Jésus à la Samaritaine qui l’interrogeait sur le Messie : « Je le suis, moi qui te parle » (Jn 4,26). La promesse messianique — ici, celle de l’eau vive — tout à la fois se noue et s’accomplit dans l’échange de parole, dans le « je » parlant et le corps présent du Messie.

2 Promettre de sa promesse

Comme Moïse qui promettait du « bien » à Hobab le Madianite à partir de la promesse divine, les personnages du Nouveau Testament se surprennent à promettre eux aussi les promesses de Dieu et de son Christ. Dans son discours après la Pentecôte, Pierre fait écho à la promesse de Dieu formulée par le prophète Joël, « je répandrai de mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront » (Ac 2,17 ; Jl 3,1). L’apôtre répond à ceux-là qui l’interrogent « Que devons-nous faire ? » (v. 37) : « Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés », et il ajoute la promesse : « vous recevrez le don du Saint Esprit. Car c’est à vous qu’est destinée la promesse, et à vos enfants ainsi qu’à tous ceux qui sont au loin, aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera » (v. 38-39). Pierre donc réénonce et élargit la promesse du Christ, la promesse de l’Esprit dont il a bénéficié en premier (Lc 24,49 ; Ac 1,4 ; 2,33.39)51. L’accomplissement messianique des promesses catalyse ainsi autant de promesses et de dons en surcroît, au sein même de la distension du temps et de l’histoire.

IV La bonté dans le temps

La révélation avait rendez-vous avec le phénomène de la promesse. Réalité langagière de l’everyday use, comme dirait Wittgenstein, la promesse en dit long sur la relation irréductible de l’homme à la parole. En tant qu’elle saisit l’homme au seuil de la parole, elle est même, écrit Derrida, un « déjà là » de l’homme parlant :

Il y a nécessairement de l’engagement ou de la promesse avant même la parole, en tout cas avant un événement discursif comme tel. (…) Dès que j’ouvre la bouche, j’ai déjà promis, ou plutôt, plus tôt, la promesse a saisi le je qui promet de parler à l’autre, de dire quelque chose, d’affirmer ou de confirmer par la parole52.

La même promesse, écrit encore Derrida, est indissociable de l’émergence du religieux :

Point de religio sans sacramentum, sans alliance et promesse de témoigner en vérité de la vérité, c’est-à-dire de la dire, la vérité : c’est-à-dire, pour commencer, pas de religion sans promesse de tenir la promesse de dire la vérité en promettant de la dire, de tenir la promesse de dire la vérité — de l’avoir déjà dite ! — dans l’acte même de la promesse. De l’avoir déjà dite, la Veritas, en latin, et donc de se la tenir pour dite. L’événement à venir a déjà eu lieu. La promesse se promet, elle s’est déjà promise, voilà la foi jurée, et donc la réponse. La religio commencerait là53.

La promesse biblique s’inscrit, certes, dans de telles structures anthropologiques et religieuses. Le récit de la Bible, toutefois, ose inverser la perspective et nous la faire aborder à partir de Dieu qui, le premier, promet, et de son Christ, qui promet de plus belle. Anthropologique et religieuse, la promesse est aussi, de part en part, théologique, car elle n’est autre chose qu’une déclinaison de la bonté créatrice dans le temps, et notamment le temps messianique. « Nous commençons à peine à imaginer la plénitude de la vie, écrit Denise Levertov, tant encore est en bourgeon (…). Tout se déplie, qui doit accomplir son mouvement. Tant encore est en bourgeon54 ».

Notes de bas de page

  • 1 Cette contribution intègre une part du contenu d’une étude plus générale, « Du personnage de Dieu comme être de parole », dans F. Mies (éd.), Bible et théologie. L’intelligence de la foi, coll. Le livre et le rouleau 26, Bruxelles, Lessius, 2006, p. 15-36. La théorie de la promesse développée dans ces pages est par ailleurs celle que j’ai présentée dans La parole consacrée. Théorie des actes de langage, linguistique de l’énonciation et parole de la foi, coll. Bibliothèque des Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain 25, Louvain-La-Neuve, Peeters, 1984.

  • 2 Voir à ce propos l’analyse de M. Sternberg, The Poetics of Biblical Narrative, Bloomington, Indiana University Press, 1985, p. 105-109 ; cf. également W.L. Humphreys, The Character of God in the Book of Genesis. A Narrative Appraisal, Louisville, Westminster John Knox Press, 2001, p. 28.

  • 3 Voir M. Sternberg, Expositional Modes and Temporal Ordering in Fiction, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1978, p. 93-102 et M. Perry, « Literary Dynamics. How the Order of a Text Creates Its Meanings », Poetics Today 1 (1979), p. 35-64 ; cf. en particulier p. 54-58.

  • 4 P. Beauchamp, Psaumes nuit et jour, Paris, Seuil, 1980, p. 195.

  • 5 Le mot « différance » a été introduit par J. Derrida, L’écriture et la différence, coll. Tel quel, Paris, Seuil, 1967, p. 239, à partir du verbe « différer », qui dit aussi bien « ne pas être identique » que « remettre à plus tard ».

  • 6 W.L. Humphreys, Character of God (cité n. 2), p. 11.

  • 7 L’antécédent du possessif « ses » pourrait être également Samuel ; toutefois, même dans ce cas, c’est de l’accomplissement de la parole divine qu’il est question, puisque Samuel est ici visé dans sa qualité de prophète.

  • 8 Même chose en Jr 33,14 ; 2 S 7,28.

  • 9 Cf. J.R. Searle, Speech Acts, Cambridge, Cambridge University Press, 1969, p. 57.

  • 10 Ibid., p. 59 (je traduis).

  • 11 J.L. Austin, How to Do Things with Words, Oxford, Oxford University Press, 1962 (Quand dire c’est faire, trad. en français G. Lane, coll. L’ordre philosophique, Paris, Seuil, 1970).

  • 12 À propos de la bénédiction, voir la lecture perspicace de C. Lichtert, « Le récit de la bénédiction dans le livre de la Genèse. Un motif rythmant l’intrigue », dans Id., L’intrigante bénédiction. Lectures narratives, Lire la Bible, Paris, Cerf, 2013, p. 13-64.

  • 13 Nous ne nous étonnons pas assez de ce que le Dieu du récit biblique parle, non pas sur le mode d’une communication « intuitive » de son être ou sur le mode d’oracles cryptés, mais en langage articulé — et en hébreu correct — sous la forme d’énonciations qui nous sont sémantiquement et pragmatiquement intelligibles (nous en reconnaissons le sens et la valeur de question, d’ordre ou de promesse). Avec Moshe Greenberg, il faut souligner le contraste sur ce point entre le Dieu du récit biblique et les divinités du Proche-Orient ancien, dont les oracles cryptés nécessitaient l’intervention de légions d’experts. « Aucune expertise humaine n’était nécessaire, écrit Greenberg, pour rendre son message compréhensible » ; en cela se réfléchit « la bienveillance qui motive le Dieu biblique à l’égard de l’homme » (M. Greenberg, Biblical Prose Prayer as a Window to the Popular Religion of Ancient Israel, Berkeley, University of California Press, 1983, p. 4 [je traduis]). Les rêves de Pharaon et de Nabuchodonosor ont certes à être interprétés par Joseph et par Daniel, mais ce sont là, précise Greenberg, des communications divines qui prennent explicitement place au sein de cultures religieuses païennes (p. 3).

  • 14 W. Eichrodt, Theologie des Alten Testaments. Teil I. Gott und Volk, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1933. Plus récemment, voir les travaux, instruits par les analogies mises à jour entre la Bible et les traités d’alliance du Proche-Orient ancien, de E. Kutsch, L. Perlitt, D.J. McCarthy, E.W. Nicholson, N. Lohfink, J. L’Hour, J.D. Levenson, et notamment de P. Beauchamp, « Proposition sur l’Alliance dans l’Ancien Testament comme structure centrale », RSR 58 (1970), p. 161-193 ; repris dans Id., Pages exégétiques, coll. Lectio Divina 202, Paris, Cerf, 2005, p. 55-86.

  • 15 Voir notamment M. Weinfeld, « berît », dans G.J. Botterweck, H. Ringgren (éd.), Theological Dictionary of the Old Testament 2, Grand Rapids, Eerdmans, 1977, p. 253-279 (notamment p. 255).

  • 16 Voir Ex 6,7 ; Jr 7,23 ; 31,33 ; 32,38 ; Ez 36,28 ; 37,23 ; Za 8,8. Pour la réponse du peuple, voir Dt 6,4 ; Jos 24,17 ; Ps 100,3.

  • 17 H.-P. Schmidt, Schicksal Gott Fiktion. Die Bibel als literarisches Meisterwerk, Paderborn, Schöningh, 2005, p. 116-117 (je traduis). Schmidt va jusqu’à ordonner la figure du narrateur à la nécessité littéraire (et théologique) de laisser entendre le Dieu qui a parlé : « Le narrateur biblique naît de la nécessité littéraire de laisser Dieu venir au langage et d’attester la manifestation de Dieu dans l’histoire » (p. 117 ; je traduis).

  • 18 C’est ici l’association du mot ou de la réalité de la berît avec la ?èsèd (« bienveillance ») divine, qui est signe de la bonté attachée à l’alliance (cf. Dt 7,9.12 ; 2 S 7,15 ; 22,51 ; 1 R 3,6 ; Ps 89,25.50 ; Is 54,10 ; 55,3 ; etc.).

  • 19 J.L. Ska, « L’eterna giovinezza di Abramo », Civiltà Cattolica 3603-3604 (2000), p. 215 (je traduis).

  • 20 Voir R. Alter, L’art du récit biblique, coll. Le livre et le rouleau 4, Bruxelles, Lessius, 1999, p. 50 ; voir également P. Ricœur, « Le récit interprétatif. Exégèse et théologie dans les récits de la Passion », RSE 73 (1985), p. 18-19.

  • 21 L’intervention de Yhwh en faveur de Sarah en 12,17 manifeste que Dieu a bien en vue l’unité du couple, et ceci, on peut l’imaginer, en vue de la descendance.

  • 22 Voir notamment D. Janthial, L’oracle de Nathan et l’unité du livre d’Isaïe, coll. Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft 343, Berlin, de Gruyter, 2004 ; B. Gosse, « Le quatrième livre du Psautier, Psaumes 90-106, comme réponse à l’échec de la royauté davidique », Biblische Zeitschrift 46, 2002, p. 239-252 ; Id., « Le livre d’Isaïe et le Psautier. De “mon serviteur” et “mon élu” en Ps 89,4, à “mes serviteurs” et “mes élus” en Is 65,9 », Beihefte zur Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft 125, (2006/115), p. 376-387.

  • 23 E. Ortigues, Le discours et le symbole, coll. Philosophie de l’esprit, Paris, Aubier, 1962, p. 228-229 ; de manière analogue, Paul de Man se permet de transformer l’axiome heideggérien « die Sprache spricht » en « die Sprache verspricht (sich) » (P. de Man, Allégories de la lecture, coll. La philosophie en effet, Paris, Galilée, 1989, p. 331 ; cf. M. Heidegger, « La parole », dans Id., Acheminement vers la parole, coll. Tel 55, Paris, Gallimard, 1976, p. 22).

  • 24 Le phénomène biblique du serment a fait l’objet d’une monographie récente : Y. Ziegler, Promises to Keep. The Oath in Biblical Narrative, coll. Vetus Testamentum, Supplements 120, Leiden, Brill, 2008. Malgré son titre, l’étude porte uniquement sur le serment, et non sur la promesse (en tant que distincte du serment).

  • 25 Un serment est, d’une manière générale, une affirmation solennelle et codifiée qu’une personne fait oralement en vue d’attester la vérité d’un fait, la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de sa fonction. En soi (et en fait dans la Bible) il peut porter sur des promesses comme sur des menaces (et d’autres actes illocutoires encore). Y. Ziegler écrit à ce propos : « Alors que dans la majorité des cas Dieu s’engage au bénéfice des hommes, et en particulier de la nation d’Israël, le contenu du serment divin peut aussi relever de la punition ou de la menace » (Promises to Keep, cité n. 24, p. 3, n. 29 [je traduis]) ; l’auteur de renvoyer à Nb 32,10 ; Is 14,24 ; Jr 44,26 et Am 4,2.

  • 26 Ce serment est mentionné dans la reformulation de la promesse en faveur d’Isaac en Gn 26,3 : « je tiendrai ainsi le serment que j’ai juré à ton père, Abraham » ; il l’est également dans l’intercession de Moïse en Ex 32,13 : « Souviens-toi d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, tes serviteurs, auxquels tu as juré par toi-même ».

  • 27 Voir aussi Gn 26,3 ; Jr 11,5 ; Ps 69,4 ; 105,9 ; Is 45,23 (« Sur moi-même, j’ai prêté serment ; de ma bouche sort ce qui est juste, une parole irréversible ») ; Lc 1,73.

  • 28 Cf. également, mais en contexte de menace, Jr 22,5 ; 49,13.

  • 29 Voir aussi le serment « la main levée » en Ez 20,5.6.15.23.28.42 ; 36,7 ; 47,14.

  • 30 D.D. Evans, The Logic of Self-Involvement. A Philosophical Study of Everyday Language with Special Reference to the Christian Use of Language about God as Creator, London, SCM Press, 1963 ; cf. R. Briggs, Words in Action. Speech Act Theory and Biblical Interpretation, Edinburgh, T&T Clark, 2001.

  • 31 Le renforcement latéral met également en jeu, le plus souvent en contexte de menace ou de verdict, l’attestation « Aussi vrai que je suis vivant » (cf. Nb 14,21.28 ; Dt 32,40 ; Ez 5,11 ; 14,16.18.20 ; 17,19 ; 20,3.31 ; 33,11.27 ; 35,6.11 ; So 2,9).

  • 32 N. Lohfink, « Exodus 32,7-11.13-14 (24 Sonntag des Jahres) », dans J. Schreiner (éd.), Die alttestamentlichen Lesungen der Sonn-und Festtage. Auslegung und Verkündung 20 Sonntag des Jahres bis Christkönig, Würzburg, Echter Verlag, 1971, p. 58 (je traduis).

  • 33 Platon, Phèdre 276a. À Platon fait écho Derrida : « Le visage ne signifie pas, ne se présente pas comme un signe, mais s’exprime, se donnant en personne, en soi, kath’auto : “La chose en soi s’exprime”. S’exprimer, c’est être derrière Je signe. Être derrière Je signe, n’est-ce pas d’abord être en mesure d’assister (à) sa parole, de lui porter secours, selon le mot du Phèdre plaidant contre Thot (ou Hermès) et que Levinas fait sien à plusieurs reprises ? Seule la vive parole, dans sa maîtrise et sa magistralité, peut se porter secours, seule elle est expression et non signe servant » (J. Derrida, L’écriture et la différence, cité n. 5, p. 150).

  • 34 Voir G. Agamben, Le sacrement du langage. Archéologie du serment (Homo sacer II,3), coll. Bibliothèque des textes philosophiques – Poche, Paris, Vrin, 2009, qui intègre notamment, autour des sources bibliques, grecques et latines, les apports de G. Dumézil, E. Benvéniste et L. Wittgenstein.

  • 35 Cité dans ibid., p. 36-37.

  • 36 Voir le chapitre consacré à la formule et à ses emplois narratifs dans Y. Ziegler, Promises to Keep (cité n. 24), p. 81-122.

  • 37 Voir ibid., p. 53-80. La formule, qui demande à Dieu de sanctionner toute infidélité au serment, apparaît douze fois dans la Bible hébraïque ; à côté de l’occurrence en Rt 1,17 tous les autres emplois se lisent en 1-2 S et 1-2 R (voir notamment le serment que prononce Jonathan à l’adresse de David en 1 S 20,13).

  • 38 Booz fait lui aussi appel à Dieu comme garant de son serment lorsque, au cœur de la scène nocturne sur l’aire à vanner, il s’engage à racheter la jeune veuve : « alors moi je te rachèterai, par la vie de Yhwh ! » (Rt 3,13)

  • 39 Dans le Nouveau Testament, cf. Mt 11,26 ; Lc 10,21 ; Ep 5,10.

  • 40 Voir aussi, de manière plus large, Abraham qui promet au roi de Sodome de ne le léser en rien, en levant la main vers Yhwh, « le Dieu très-Haut » qui vient de lui assurer la victoire (Gn 14,22-24) ; Isaac prête un serment similaire à Abimèlek qui lui a rappelé : « Tu es maintenant le béni de Yhwh » (Gn 26,28-31).

  • 41 Dans cet oracle, Dieu disait : « Si vous n’écoutez pas les paroles de mes serviteurs les prophètes que je vous envoie inlassablement — et vous n’écoutez pas —, alors… » (Jr 26,5).

  • 42 P. Beauchamp, L’un et l’autre Testament. 2. Accomplir les Écritures, coll. Parole de Dieu, Paris, Seuil, 1990, p. 314.

  • 43 Le motif de la bouche est en effet associé à la « physique » de l’inspiration ainsi qu’à la « phénoménologie de la prophétie » (voir notamment Nb 22,38 ; Dt 18,18 ; Jr 1,9) ; ce motif fonctionne en contrepoint avec celui de la descente ou de l’emprise de l’Esprit sur la personne du prophète, cf. notamment Nb 11,17.25.29 ; 1 S 10,10 ; Jl 3,1-2 ; voir en particulier Is 63,11, à propos de Moïse.

  • 44 Voir à ce propos J.-P. Sonnet, « Jonas est-il parmi les prophètes ? Une réécriture narrative sur les attributs divins », dans C. Clivaz, C. Combet-Galland, J.-D. Macchi, C. Nihan (éd.), Écritures et réécritures. La reprise interprétative des traditions fondatrices par la littérature biblique et extra-biblique, coll. Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 248, Louvain, Peeters, 2012, p. 137-156.

  • 45 Voir également 2 Co 1,20 : « L’évangile de l’accomplissement de la promesse faite à nos pères » (Ac 13,32-33, cf. Ep 1,2).

  • 46 A. Chapelle, Introduction systématique (polycopié), Institut d’Études philosophiques saint Jean Berchmans, Namur, 1979-1980, p. 98.

  • 47 Cf. He 8,6 : « En réalité, c’est un ministère bien supérieur qui lui revient, car il est médiateur d’une bien meilleure alliance, dont la constitution repose sur de meilleures promesses. »

  • 48 J. Ratzinger - Benoît xvi, Jésus de Nazareth 1. Du baptême dans le Jourdain à la transfiguration, Paris, Flammarion, 2007, p. 92-93.

  • 49 Cf. également Jn 14,26 ; 15,26 ; 16,13.

  • 50 Dans le récit lucanien, le « cœur brûlant » des disciples d’Emmaüs est déjà l’attestation du don de l’Esprit promis (cf. Lc 24,32 et 48 ; cf. également Ac 1,4-5 ; Ga 3,14 ; Ep 2,15).

  • 51 Selon le procédé de la synkrisis (la mise en parallèle de personnages parfois très distincts) récurrent dans l’œuvre de Luc ; cf. J.-N. Alettti, Quand Luc raconte, coll. Lire la Bible 115, Paris, Cerf, 1998, p. 69-112.

  • 52 J. Derrida, « Comment ne pas parler : dénégations », dans Psychè. Inventions de l’autre, coll. La philosophie en effet, Paris, Galilée, 1998, p. 545. Derrida a commenté ces lignes dans un entretien avec Elisabeth Weber publié sous le titre de « Passages — du traumatisme à la promesse », dans Id., Points de suspension. Entretiens choisis et présentés par E. Weber, coll. La philosophie en effet, Paris, Galilée, 1992, p. 58-70 et p. 397-398 : « Maintenant je crois qu’on doit pouvoir dire, au-delà de ces promesses déterminées, que tous les actes de langage comportent une certaine structure de promesse, même s’ils font autre chose en même temps. Tout langage s’adresse à l’autre pour lui promettre de lui parler en quelque sorte. Même si je le fais pour menacer, pour injurier, pour tenir un discours scientifique, pour faire tout autre chose que promettre, il y a dans le simple fait que je parle à l’autre une sorte d’engagement à aller au bout de la phrase, à enchaîner, à affirmer en prenant un engagement. Cette structure générale fait qu’on ne peut pas imaginer un langage qui ne soit pas d’une certaine manière pris dans l’espace de la promesse. Avant même de décider de ce que je vais dire, je promets de vous parler, je réponds à la promesse de parler, je réponds. Je vous réponds dès que je parle et par conséquent je m’engage. C’est ce qui me ferait dire que justement ce langage, je ne le maîtrise pas, même si je voulais faire autre chose que promettre, je promettrais. Je ne le maîtrise pas, car il est plus vieux que moi ; le langage est là avant moi et, au moment où je m’engage en lui, je lui dis et vous dis oui d’une certaine manière ; dire oui, c’est aussi promettre, promettre d’ailleurs de confirmer le oui. Il n’y a pas de oui qui ne soit pas promesse de se confirmer. Il est avant moi. Dès que je parle, je suis en lui. Quelle que soit ma maîtrise discursive, je suis soumis à la fois au langage et à la structure de promesse qui fait que le langage est adressé, et que, par conséquent, il répond à l’autre. Et c’est là que je suis responsable avant même d’avoir choisi ma responsabilité. De ce point de vue, la responsabilité n’est pas l’expérience de quelque chose qu’on choisit librement. Qu’on le veuille ou non, on est responsable. On répond à l’autre, on est responsable de l’autre, avant même toute espèce de liberté — au sens de la maîtrise. »

  • 53 J. Derrida, « Foi et savoir : les deux sources de la “religion” aux limites de la simple raison », dans J. Derrida et G. Vattimo (éd.), La Religion, Paris, Seuil, 1996, p. 43.

  • 54 D. Levertov, « Beginners », dans Selected Poems, New York, New Directions, 2002, p. 137-138 (je traduis).

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80