En Esprit et Vérité. Études sur le traité Sur la prière d'Évagre le Pontique
Gabriel Bunge o.s.b.Historia del pensamiento - reviewer : Gauthier Kirsch
On a fréquemment, relève l'A., l'idée préconçue au sujet d'Évagre qu'il s'agit d'un néoplatonicien égaré dans le monachisme. Cette opinion a été initialement développée par le p. Hausherr, dans le prolongement de la thèse d'Harnack sur l'hellénisation comme corruption du message évangélique. H. U. von Balthasar lui-même qualifie la mystique d'Évagre de « pré-chrétienne », voire de « bouddhique » (!).
G. Bunge s'attaque dans sa première partie à réfuter cette conception, montrant que seul le vocabulaire évagrien - à l'instar de celui des intellectuels hellénophones de l'époque - est pénétré de concepts philosophiques, mais que le contenu de son discours est parfaitement chrétien.
Les 2e, 3e et 4e parties du livre explorent le contexte de l'écriture du traité Sur la prière, qui est celui des débats sur l'hérésie « anthropomorphite », c.-à-d. sur la possibilité ou non de percevoir Dieu par les sens. La position d'Évagre constitue une théologie complète de la prière, utile encore actuellement selon notre auteur.
La 5e et dernière partie se concentre sur la figure de saint Antoine, « père » du monachisme. En prenant appui sur les Lettres conservées d'Antoine, sur les reliques de la tradition orale à son propos, et en soumettant notre principale source à son sujet (la Vie d'Athanase) à une critique serrée, G. Bunge conclut que même si Antoine n'a pas suivi le cursus des études helléniques, il a appris l'Écriture et la théologie en copte auprès de savants ascètes de son temps, et que cette formation était de type alexandrine. Évagre après lui ne se contentera donc que de « mettre en ordre » (et en grec) la tradition reçue de St Macaire, son maître, qui lui-même la tenait directement d'Antoine.
Gageons que ces thèses audacieuses - mais à nos yeux parfaitement plausibles - ne manqueront pas de faire réagir… - G. Kirsch