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Herméneutique et Eucharistie chez Albert Chapelle

Alexandre Comte
Le problème herméneutique tel qu'il est posé par la modernité consiste à prendre en compte à la fois l'irréductibilité de l'événement et du texte biblique en lesquels Dieu se révèle et la rationalité universelle de l'histoire et du langage humain. Fondée dans l'expérience de la prière, l'herméneutique d'Albert Chapelle permet de comprendre que «la modernité a raison plus qu'elle ne le croit». L'article montre comment le réalisme eucharistique de cette herméneutique honore jusqu'en son fond la critique rationnelle de la lettre et comment la réalité ultime de l'Eucharistie porte jusqu'à son accomplissement l'aspiration universelle de la raison.

Introduction

« Le Seigneur est l’herméneutique consécratoire de tout dire de l’homme »1. Cette expression du père Albert Chapelle (19292003) est sibylline, à tout le moins concise et audacieuse. L’auteur, cependant, explicite sa pensée en précisant les deux conséquences qui découlent de son assertion. La première est que « tout événement du langage et de la liberté comporte un sens qui dépasse sa visée et sa représentation. En d’autres termes, puisque le Seigneur est l’herméneutique consécratoire et de Soi et de toute histoire, toute parole et tout geste d’homme se révèlent comme les espèces et apparences de cette conversion de l’Univers à une unique Eucharistie ». La seconde conséquence est que « la spécificité autonome de chaque geste et de toute parole s’en trouve confirmée (…) car le donné n’en est que plus indéfectiblement donné quand apparaît la générosité donatrice insurpassable »2.

Autrement dit, quand Chapelle écrit que « le Seigneur est l’herméneutique consécratoire de tout dire de l’homme », il reconnaît deux choses. La première est l’unité du monde. Il n’y a qu’un seul Seigneur qui est Créateur et Sauveur. Ainsi, la vocation à la gloire divine est unique pour tous les hommes en vertu de l’unité de la Création et du Salut. La seconde découle de la première. Si la fin de l’homme est unique, la bonté et l’unité irréductible de la vie de chacun est confirmée. Cette réflexion est proprement eucharistique qui honore à la fois l’unique vocation de l’humanité à former un seul corps dans le Christ et l’unicité irréductible de chaque homme dont le propre corps est nourri par le Christ.

Nous souhaitons montrer le caractère eucharistique de l’herméneutique proposée par Chapelle en tant que les mots réfèrent à la réalité transcendante comme à leur unique vocation3 et en tant qu’une histoire particulière informe l’Histoire du Salut comme un pain de vie pour la vie de tous les hommes. Nous nous appuierons principalement sur le cours d’herméneutique donné par notre auteur en 1972 à l’Institut d’Études théologiques à Bruxelles et publié en 20104.

I Position du problème

1 Dimensions philosophiques : Kant et Spinoza

Dans Herméneutique, Chapelle discerne dans la pensée de Schleiermacher les deux problèmes majeurs qui occupent la réflexion herméneutique contemporaine : le rapport du phénomène à la réalité et le rapport du particulier à l’universel5. L’auteur expose avec originalité les racines philosophiques de ces deux problèmes. Il rapporte la question du phénomène et de la réalité à Kant et celle du particulier et de l’universel à Spinoza. C’est un trait tout à fait original dans la réflexion herméneutique. En effet, bien que l’on rappelle la dette de Schleiermacher envers Kant6 et que l’on mentionne Spinoza dans la préhistoire de la réflexion herméneutique7, aucun auteur ne définit le problème herméneutique de façon aussi tranchante.

Schleiermacher est dans la tradition kantienne quand il fonde l’interprétation de la pensée sur l’analyse de la langue en vertu du fait que la pensée ne se forme que dans l’usage individuel d’une langue finie. L’étrangeté de l’expression — celle d’autrui ou la nôtre quand nous l’abordons en position de lecteur — appelle une critique de la langue et une critique du style indépendamment de la recherche de la réalité visée par le discours. La critique de Kant sur les limites de la raison et sa postérité dans la philosophie allemande, notamment chez Schleiermacher, ouvre à l’exégèse l’espace d’une recherche au niveau de la langue « sans avoir à poser le problème de l’interprétation, du sens, de la pensée, du vrai, de la réalité en jeu à l’intérieur de ce discours »8. En effet, dans la perspective kantienne, la vérité absolue n’est jamais une fin à la portée de la raison. Dans la lignée de Chapelle, P. Piret précise :

la Vérité absolue n’a point accompli l’histoire. Les successives Critiques de Kant ne font que poser et postposer l’idée d’une « fin » qui jamais ne se trouve réellement immanente au mouvement portant de lui-même vers elle, qui jamais ne sera atteinte sinon dans une vie éternelle seulement postulée comme bonheur par la rectitude morale. La science exégétique, dès lors, renverra « négativement » la conscience humaine à la rectitude morale, seule vérité de l’Évangile9.

Kant honore la raison en confirmant son pouvoir et en délimitant son impuissance. Mais la Vérité finale est toujours postulée ; transcendante, elle n’est jamais immanente au phénomène. Seul le devoir moral donne à l’homme l’occasion de s’accorder à la Vérité. Tel est l’héritage kantien reçu par Schleiermacher.

Le second problème, celui du particulier et de l’universel, « est imposé à Schleiermacher par Spinoza »10. En effet, Schleiermacher, qui souhaite honorer la particularité du Nouveau testament, ne veut l’envisager qu’à partir d’une herméneutique générale. Puisque les textes inspirés sont également des textes humains, les règles de l’interprétation biblique doivent être les mêmes que celles de la littérature générale. Selon Chapelle, cette approche est celle de Spinoza, pour qui l’unité du monde — en tant qu’il est réglé par la raison universelle — conduit à subsumer toute réalité particulière sous la règle universelle. Ainsi la Bible est une réalité particulière au sein de la nature qui doit être soumise aux lois universelles de la nature11. Notre auteur cite un long passage du chapitre 7 du Traité théologico-politique 12 dans lequel Spinoza explique que sa méthode d’interprétation de l’Écriture se veut analogue à toutes les sciences de la nature. Basée sur l’observation des données factuelles, elle entend dégager les définitions universelles qui rendent compte des faits particuliers.

Chapelle conclut en estimant que le « problème de Spinoza, comme celui de Kant, commande tout l’ensemble de la problématique herméneutique » :

D’une part, selon Kant, il est nécessaire de séparer l’étude du texte (le phénomène de discours) de la reconnaissance de la réalité (en soi), de la vérité, qui s’y livre. D’autre part, d’après Spinoza, le texte apparaît comme un phénomène historique particulier dont il est nécessaire de dégager à partir de lui le caractère hypothétiquement absolu et normatif. On ne peut inférer du texte à sa vérité ultime, selon Kant, puisqu’il est un phénomène tangible et sensible ; on ne peut pas privilégier un texte sans voir qu’il est un cas particulier à l’intérieur de la rationalité en général, selon Spinoza, et Lessing et Kant aussi : l’Écriture est un cas particulier d’une loi générale, la distinction d’une loi générale, tels sont les présupposés de la question herméneutique à partir de Schleiermacher13.

La question herméneutique posée par Schleiermacher croise donc deux problèmes. Avec Kant, le passage du texte à sa vérité ultime n’est jamais praticable et la prise de conscience des limites de l’entendement motive le développement de la critique historique et linguistique ; avec Spinoza, le texte particulier de l’Écriture n’est reconnu que comme une manifestation parmi d’autres de la raison universelle et la croyance en l’unité de la raison motive le développement d’une méthode herméneutique générale applicable à tous les contextes particuliers.

Chapelle fait apparaître la difficulté posée à la fois par la lettre dans sa prétention à révéler la réalité ultime et par l’événement particulier dans sa prétention à révéler la raison de l’histoire. La tentation est de résoudre cette double difficulté par la négation de la réalité que le texte est censé manifester — la foi n’est plus qu’un genre littéraire — et par la négation de la particularité de l’événement historique — la raison universelle élimine toute contingence. Ceux qui ne veulent pas résoudre cette difficulté par la négation sont contraints de ménager une place marginale et silencieuse à la foi et au particulier. Cependant, ni l’une, ni l’autre n’est source d’intelligence. Chapelle met ainsi en évidence que le problème herméneutique est de « prendre en compte, et l’irréductibilité de l’Événement fondateur et du texte néotestamentaire, et la rationalité universelle de l’histoire et du langage humain »14.

2 Arrière-fond juif et grec du problème herméneutique contemporain

Notre auteur fait ensuite un pas décisif vers la résolution de ce problème en montrant que le double problème philosophique qui le constitue est celui que la théologie rencontre dans l’élection juive et dans la pensée grecque15.

Sans entrer dans la profondeur de l’argumentation, disons que le premier problème formulé par Kant — celui du phénomène et de la réalité —, est celui que la théologie rencontre dans la pensée grecque qui pose la question archéologique du fondement de la vérité. L’antinomie du phénomène et de la réalité se résout dans la pluralité des sens spirituels de l’Écriture. Le second problème, formulé par Spinoza — le problème du particulier et de l’universel —, est celui que la théologie rencontre dans l’élection juive qui pose la question téléologique de la vocation universelle. La dialectique du particulier et de l’universel se résout dans l’harmonie de l’Ancien et du Nouveau testament. Autrement dit, le réalisme de la tradition chrétienne, celui de l’exégèse spirituelle, repose sur la foi raisonnable que l’origine du monde — l’archéologie du langage — et la vocation du monde — la téléologie des libertés — sont toutes deux données. L’origine et la vocation n’ont pas à être gagnées : elles sont déjà données.

II Prière

Le double problème posé par l’herméneutique est celui de la subjectivité assumée dans la modernité. Les phénomènes ne sont plus immédiatement la manifestation de la réalité pour le sujet. Celui-ci, au pouvoir de lui-même, ne reçoit plus la révélation du sens de l’histoire mais mesure l’intelligence du monde et de l’histoire à l’aune de sa propre raison. La distance entre le phénomène et la réalité qui engage la critique du phénomène coupé a priori de la réalité, ainsi que l’intelligence de toute particularité à la mesure de la raison de l’homme, définissent encore la posture moderniste16. Chapelle fait le choix de répondre aux interrogations de l’homme pétri par la modernité en ancrant sa réflexion dans l’expérience du sujet. Cette expérience est totale qui est celle de la prière17, « l’acte libre par excellence : acte humain et acte de Dieu »18. Elle accueille les contingences et les nécessités qui marquent dans l’histoire le sujet en son corps ; elle fait place à la tâche rationnelle et au don de la contemplation. Cette expérience de la prière, qui est la matrice de la première partie d’Herméneutique intitulée « la tradition vécue »19, nous permet déjà de relever son mouvement eucharistique. En effet, Chapelle y rend compte d’une expérience où le corps est engagé, et avec lui la totalité de l’existence (liberté et langage, histoire et société). Cette expérience ne se comprend que devant le mystère du Christ, dans l’écoute de la Parole de Dieu qui révèle Dieu comme elle révèle l’homme à lui-même dans toute l’épaisseur de son être20. Les discours théologiques servent de médiations dans l’écoute et l’assimilation de la Parole de Dieu21. Cette expérience s’accomplit dans la communion22.

L’expérience spirituelle décrite dans le « journal d’une expérience mystique » est fondamentale. Elle fonde l’irréductibilité de toute histoire particulière en lui donnant de participer de l’universalité du Christ. Elle est également ce qui fonde la prétention à la vérité du langage. Cependant, cette expérience spirituelle ne se confond pas tout à fait avec la subjectivité moderne. Chapelle, tirant parti des travaux de G. Fessard sur La dialectique des Exercices spirituels de saint Ignace, distingue quatre temps dans l’expérience mystique. Le deuxième et le troisième temps coïncident avec la conscience moderne : l’élection et la mort au choix qui a été fait23, « c’est ce que la subjectivité expérimente et pense en tant que “fondement” de son projet »24 quand le sujet est « la source de son initiative »25. Par contre, le premier et le quatrième temps sont étrangers à la subjectivité moderne26. Chapelle identifie deux négations qui affectent le sujet dans son intégrité et sa solitude. La première est une négation « fondatrice »27 qui est enracinée « dans le corps »28, ce « lieu de passage de mouvements que je ne connais pas »29. La seconde négation est médiatrice au sens où elle institue une communion entre le sujet et la vérité dans le passage du « silence de Dieu » à « la réconciliation et la joie ». Chapelle utilise l’image de la « morsure »30 pour faire entendre que le quatrième moment de la prière n’est pas un moment idéal où l’esprit, bien que dépassé par plus grand que lui, commanderait encore ce dépassement dans la ligne de la maîtrise qu’il a tracée depuis l’élection. En parlant de morsure, Chapelle indique que la « réconciliation et la joie » sont un don que le sujet ne maîtrise pas mais qu’il reçoit comme une nouveauté. Cependant, ce don ne lui échappe pas puisqu’il en est affecté. La vérité, donnée comme un fruit de grâce, « mord » le sujet en sorte que celui-ci a réellement part à la joie de la vérité.

Les deux négations, la fondatrice et la médiatrice, sont négatives en ce qu’elles mettent le sujet en rapport avec ce qui échappe à sa maîtrise. Elles sont en revanche foncièrement positives puisqu’elles constituent le sujet dans une « surabondance principielle » et un « surcroît final »31. L’expérience spirituelle est en fin de compte l’expérience d’une liberté qui n’est pas totalement adéquate à la liberté moderne qui se fonde sur la subjectivité transcendantale.

Nous mesurons combien pour notre auteur la description phénoménologique de la prière est fondamentale dans l’élaboration d’une herméneutique. En dégageant le mouvement de la prière, en décrivant une structure d’expérience, Chapelle découvre les ressources qui vont lui permettre de « proposer un système de la liberté et du langage »32.

1 Liberté

À partir du « journal d’une expérience mystique », Chapelle démontre que la liberté décrite de l’intérieur de la conscience « ne se découvre pas en elle-même » : « Se découvrir en elle-même serait contredire sa propre expérience où elle est jetée à soi d’en deçà de soi et réconciliée avec soi d’au-delà de soi : la liberté se précède et se succède »33.

La liberté se découvre dans une histoire qui est révélatrice de l’esprit. Chapelle cherche à définir l’histoire et l’esprit dans leur interdépendance à partir de l’expérience de la liberté décrite précédemment : « la liberté se découvre encore en projet, (déjà) au passé d’elle-même, et toujours présence (de soi), c’est-à-dire histoire »34. Cette phrase fait comprendre que la liberté se découvre dans une temporalité linéaire mais que celle-ci est toujours débordée dans son passé et son avenir : elle est en quelque sorte saturée35. Autrement dit, la liberté se découvre dans une histoire révélatrice de la dimension spirituelle de la liberté36 :

(L’histoire) n’est pas l’espace-temps dans lequel l’homme se réfléchit extérieur à lui-même et qu’il a à nier pour se gagner en liberté, car l’histoire est le lieu dans lequel la liberté se conçoit et d’où elle se reçoit, parce qu’elle s’y découvre plus intérieure à elle-même qu’en soi : la liberté se découvre spirituelle là où elle n’est pas elle-même. Extatique, son unicité s’enracine dans le donné corporel et sa négation fondatrice. Elle se réfléchit dans l’altérité qui la médiatise et elle accède par là même à son immédiateté propre37.

L’histoire n’est pas un lieu circonscrit que l’homme doit nier pour mieux se trouver lui-même. Elle est l’espace spirituel où la liberté est déjà engagée et auquel elle doit accéder38. La liberté se découvre extatique selon une double négation : fondatrice (celle du corps) et médiatrice (celle de la réflexion).

L’homme ne se trouve donc lui-même que dans une expérience dont il ne dispose pas : celle de sa conception, de sa naissance, celle de sa mort, de sa survie. Et l’expérience spirituelle, en tant qu’expérience extatique de la conscience, renvoie, se réfère à une histoire qui la donne à elle-même et dont le nom lui est livré sans qu’elle puisse en disposer39.

Le corps de ma naissance m’adosse à ma conception qui m’échappe. Le corps de ma mort me fait passer à ma survie qui m’échappe. Cet adossement et ce passage sont extatiques. Autrement dit, l’homme se trouve dans l’expérience naturelle de l’histoire commune (marquée par la naissance et la mort) qui est spirituellement l’expérience d’une histoire particulière (celle de la liberté de l’être).

Cette réflexion permet à Chapelle de proposer une double définition de la liberté : « Il y a donc deux manières de concevoir et de penser la liberté : la première, en tant qu’elle se perçoit comme “puissance”, comme principe et terme de son acte ; la seconde, dans la genèse de son acte »40.

La définition de la liberté comme puissance l’envisage dans la « présence accomplie de soi à soi ». La définition de la liberté dans la genèse de son acte l’envisage comme « cheminement vers soi »41, c’est-à-dire dans son rapport à ce qu’elle n’est pas et doit devenir. Chapelle montre que ces deux considérations de la liberté sont nécessaires l’une et l’autre en raison de la réalité de l’histoire et du don initial : « D’une part, la présence de soi à soi est toujours livrée à une histoire et, d’autre part, cette histoire n’est pas née de la pénurie mais de la capacité de la liberté donnée à elle-même »42. Notre auteur définit ainsi la liberté par le don qui lui est fait initialement et par le rôle de l’histoire qui donne à la liberté d’accéder à soi à partir de ce qu’elle n’est pas.

2 Langage

Dans sa réflexion sur l’acte théologique, Chapelle propose de définir le langage à partir de la liberté spirituelle. Il entend « dégager la forme du discours théologique en découvrant dans la liberté spirituelle le principe de son articulation “systématique” »43. La liberté spirituelle ayant été définie dans sa genèse, d’une part, et au principe et au terme de soi, d’autre part, le langage théologique peut être défini à la fois « comme genèse et comme globalité d’un acte libre »44.

Dans l’ordre de la liberté accomplie, le langage théologique se révèle en plénitude dans la doxologie :

L’acte théologique ne consiste pas à « comprendre » — dans le sens restrictif du terme — ce que disent l’Écriture et la Tradition. Il y a acte théologique là où le mouvement de l’esprit épouse celui de la liberté en tant qu’elle est transparence de soi à soi, là où le langage exprime qu’en vérité il s’agit de Dieu : dans la doxologie45.

Nous retrouvons dans cette définition de l’acte théologique les deux problèmes philosophiques qui caractérisent l’herméneutique depuis Schleiermacher. D’une part, il y a acte théologique là où la liberté égale l’esprit, là où la liberté est pleinement elle-même. Il s’agit ici du problème du particulier et de l’universel : il y a acte théologique là où la liberté particulière s’égale pour devenir spirituelle, c’est-à-dire présence à soi d’au-delà de soi. D’autre part, il y a acte théologique là où le langage exprime la vérité de Dieu qui est Dieu. Nous retrouvons ici le problème du phénomène et de la réalité : il y a acte théologique là où le phénomène du langage réfère en vérité à la réalité de Dieu. L’acte théologique est finalement défini en termes d’alliance : « le mouvement de l’esprit épouse celui de la liberté ». Cette alliance nuptiale est glorieuse et se dit telle parce qu’il s’agit de Dieu (doxologie46).

La doxologie, qui caractérise l’acte théologique, l’accomplit en un double sens, comme une « fête » et comme une « contemplation »47. La doxologie est à la fois l’acte théologique en tant qu’il est la fête de la tâche rationnelle, et en tant qu’il est la contemplation du don de Dieu. La doxologie est donc tout ensemble le terme logique d’une tâche d’homme et la grâce du don de Dieu48. C’est ce double accomplissement de l’acte théologique dans la doxologie qui définit le langage théologique comme symbole, et donc comme ce qui scelle l’alliance de la liberté de Dieu et de l’homme dans le langage49.

A Les caractéristiques du symbole

Pour notre auteur, le symbole se caractérise d’abord par son hospitalité. Cette hospitalité lui est conférée non par son indétermination mais par sa gratuité et, partant, par son ouverture à la réinterprétation50. Le symbole se caractérise également par sa dimension ontologique.

Il est utile de rappeler que Chapelle a défini le langage à partir de sa fonction référentielle51. Celle-ci se diffracte dans les différentes catégories de la désignation (langue), de la référence (discours), de la signification (parole) et de la révélation (langage). Notre auteur fait correspondre ces quatre catégories référentielles aux transcendantaux52. Une telle correspondance met en valeur le langage comme monstration de l’être53.

Nous pouvons alors comprendre que le symbole, comme accomplissement du langage, révèle la réalité qui échappe à l’homme et qui lui donne d’exister, c’est-à-dire l’être, qui est le « concept limite à travers lequel la pensée occidentale a symbolisé les régions ultimes de son effort »54. En revenant au caractère doxologique du langage théologique, on peut affirmer que l’esprit, en rendant grâce à Dieu, « découvre le caractère ontologique de sa démarche »55 (le fait d’être mis en présence de ce qui lui échappe, comme nous l’avons vu précédemment). Cela signifie encore que Dieu, en étant le terme ultime de l’esprit, engage l’esprit tout entier en tant que celui-ci est affecté de la présence de ce qu’il ne peut saisir et qui lui est réellement donné comme ce qui lui échappe :

Dieu n’est pas le terme ultime de l’esprit s’il n’existe pas un acte dans lequel l’esprit tout entier se découvre engagé en se donnant à Dieu. La doxologie, et donc la théologie, n’est pas l’acte d’affirmation ultime qu’elle entend être si l’esprit humain ne s’y réfléchit pas comme engagé tout entier et irréductiblement, ontologiquement, dans cette affirmation. Cette rationalité ontologique du concept qui lui est immanente distingue le symbole de la représentation imaginaire et affective et du fantasme mythique56.

La définition du caractère ontologique du symbole repose donc sur une double réalité : celle du don à l’homme de ce qui lui échappe et qu’il n’est pas mais qui lui donne d’exister ; et celle de l’engagement de l’homme tout entier, de tout ce qui le constitue, dans l’expérience de l’au-delà de toute pensée (c’est-à-dire dans l’expérience mystique).

B Réalité ultime et profondeurs réelles

Le symbole touche la réalité ultime comme il prend en charge les profondeurs de l’homme : il intègre la rationalité immanente du concept, la représentation imaginaire et affective comme le fantasme mythique. Si le symbole n’était pas tout ensemble ce qui présente la réalité ultime de l’esprit — c’est-à-dire Dieu — et les profondeurs réelles de l’homme, il ne pourrait prétendre manifester Dieu comme Dieu. Le symbole peut donner à penser ce qu’il y a d’ultime pour l’esprit de l’homme — Dieu même — parce qu’il donne à l’homme de découvrir en lui la racine de ce qu’il est : « il n’y a pas de théologie si Dieu comme Dieu n’est pas l’objet formel de l’affirmation et si, à l’intérieur de cet acte, l’être (de l’homme) ne se découvre pas engagé »57.

On peut ainsi qualifier de « mystique » l’expérience théologique par laquelle l’homme se ressaisit (intègre toute la profondeur de son être) en saisissant celui qui le saisit. Ainsi, Chapelle peut terminer son développement sur le caractère ontologique du symbole comme accomplissement du langage théologique en disant : « C’est la joie de l’esprit de découvrir comment être homme en devenant chrétien »58. Une telle affirmation n’est intelligible que si l’on comprend que l’acte théologique engage la liberté — c’est-à-dire l’être de l’homme tout entier — et donne à celle-ci de se découvrir donnée pleinement à elle-même dans la louange doxologique.

III Réalisme

Ce détour par la définition de la liberté et du langage à partir de l’expérience spirituelle nous a permis de recueillir le réalisme ontologique du symbole qui plonge dans les profondeurs réelles de l’homme, comme il touche la réalité ultime. Nous pouvons maintenant préciser le caractère eucharistique de l’herméneutique d’Albert Chapelle.

1 Réalité eucharistique

Comprendre le langage à partir du symbole, c’est recevoir la bonté des mots humains dans lesquels Dieu parle. Cette bonté s’enracine dans une profondeur réelle dont l’homme n’est pas le maître mais qui lui est donnée. Les mots, dans leur valeur symbolique, ne se réduisent ni à la représentation imaginaire, ni à l’abstraction conceptuelle. Ils témoignent d’une vie dont le corps de l’homme est le témoin et le gage si l’histoire est réellement donatrice de sens. Reconnaître que Dieu parle dans les mots de l’homme, c’est reconnaître que Dieu assume la création et l’histoire. De même que le Créateur se livre à nous dans le pain eucharistique, fruit de la terre et du travail des hommes, de même il se livre à nous à travers tel ou tel mot, fruit du don de Dieu — qui donne à l’homme d’avoir part au Verbe — et de l’histoire humaine — qui pétrit le Verbe en paroles de toute la vie.

Le réalisme de l’Alliance que contemple le père Chapelle met en valeur la particularité de la lettre du langage. Il ne s’agit pas de lire derrière les mots pour découvrir l’universalité cachée par la particularité. Il s’agit au contraire de se tenir devant les mots pour voir le surcroît de vérité — comme on se tient devant Jésus-Christ pour voir le Père59.

Chapelle entend donc l’herméneutique à la lumière du mystère de l’Incarnation : non comme un dépassement de la lettre mais comme son approfondissement. Cet approfondissement du réalisme de la lettre qui contient le Verbe de Dieu est analogue à celui des oblats eucharistiques. De même que le réalisme de la transsubstantiation ne réduit pas la réalité des oblats mais l’exhausse, de même le réalisme de la présence réelle du Verbe de Dieu dans la lettre des hommes ne réduit pas la réalité littérale. Au contraire, elle se découvre plus profonde. Ainsi, « la langue de tous les jours n’est pas étrangère à la densité spirituelle de la réalité scripturaire »60 si bien qu’elle peut être créée et recréée par les mots de l’Écriture pour que le Pain de Vie puisse étendre son énergie jusqu’au « babillage quotidien » de l’homme61.

2 Renversement herméneutique

L’approfondissement du réalisme eucharistique — non seulement celui de la transsubstantiation mais aussi celui des oblats eux-mêmes — conduit à reconnaître le nécessaire renversement du double problème posé par l’herméneutique : le rapport du phénomène à la réalité et le rapport du particulier à l’universel.

L’adoration eucharistique renverse le premier problème puisqu’il s’y agit « de discerner dans les apparences la réalité qui s’y trouve contemplée »62. L’opération de renversement ne consiste pas ici à passer des apparences vers la réalité mais à convertir les apparences dans la réalité puisque celle-ci est déjà présente en elles. Dans l’Eucharistie, la Parole et le Corps du Christ s’assimilent les apparences. Les apparences deviennent ce qu’elles sont63.

Le second problème est également renversé dans la mesure où il ne s’agit pas de dépasser la particularité objective par l’universalisation subjective de la raison mais de discerner dans le réel du pain et de la lettre l’universalité de toutes choses. La réalité du Christ, originelle et finale, intègre tout l’univers.

Par le double renversement opéré dans l’assimilation et l’intégration de toute la création à la réalité du Christ, l’homme peut véritablement devenir créateur de soi64. En faisant l’expérience en son corps de ce qu’il est irréductiblement (1) — à partir du Corps du Christ (2) — l’homme se découvre donné à lui-même pour être créateur de soi dans l’alliance avec la liberté absolue (3) et ainsi entrer dans la communion vivante de l’Église (4). C’est à ce rythme, formalisé par les quatre semaines des Exercices spirituels, que l’homme accomplit son humanité en devenant chrétien, c’est-à-dire en étant théotokos, « en engendrant le Fils et en respirant l’Esprit », selon l’expression d’A. J. Wehrlé65.

3 Offrande de soi et héritage universel

Le dernier trait eucharistique que nous voudrions mettre en valeur n’est pas le moindre. Il s’agit de l’héritage universel reçu dans la communion au Corps du Christ. En effet, celui qui communie au Corps du Christ reçoit en héritage toute la Création. L’union la plus étroite ouvre à la communion la plus large. Cependant, l’univers n’est pas à accueillir comme une totalité grossière (ce serait en rester à une communion imaginaire). Son accueil appelle le discernement.

C’est tout un, pour la raison humaine, de devenir transparente de la lumière transcendante dont la Condescendance lui échappe et de se faire lucidement et rigoureusement critique de ses incohérences et de son inadéquation à son objet66.

Il y a un rapport entre la lumière en surcroît que je ne peux mesurer et la lumière qui mesure l’inadéquation de la raison à son objet. Plus la raison devient transparente de la lumière qui vient d’en haut, plus elle peut lucidement critiquer son langage. C’est la contemplation de Dieu dans le mystère du Fils incarné qui donne à l’homme de recevoir la révélation de lui-même. Ainsi, la réalité de l’Alliance qui révèle Dieu en même temps qu’elle révèle l’homme à lui-même donne à l’homme de recevoir la libre autonomie de sa raison en accord avec le mystère. Plus la raison humaine est transparente à la contemplation du mystère divin, plus elle reconnaît le lien harmonieux qui l’unit à Dieu dans sa parole d’action de grâce. C’est alors que tous les moments de la raison trouvent leur lieu et leur langage, leur mouvement et leur harmonie67. Il faut de nouveau noter ici l’originalité de la pensée du père Chapelle rapprochant de la sorte « la nuit de l’Esprit et l’effort de validation scientifique » :

Dans la contemplation, la Parole du Père, en se proférant en nous, se prononce sur l’univers. Certes la contemplation ne se réduit pas formellement à l’exigence méthodologique d’un langage mis en question pour rendre raison de son universalité objective ; et réciproquement. Mais la nuit de l’Esprit et l’effort de validation scientifique se rejoignent dans un même appel à un surcroît qui ne nous comble qu’en déterminant précisément les limites mortifiantes de nos langages d’hommes68.

La contemplation du Père, par le Fils et dans l’Esprit, donne à l’homme d’accueillir l’univers entier et l’appelle à discerner par un effort rationnel les limites de chacun des champs de l’univers69.

Conclusion

L’herméneutique au début du xix e siècle se développe dans deux directions apparemment contradictoires : a) en direction de la lettre, par la critique historique et linguistique ; b) en direction de l’universel, par l’édification d’une méthode herméneutique générale. Un double mouvement définit donc l’herméneutique qui, d’une part, confirme la raison dans ses limites (a) et qui, d’autre part, l’assure de son extension (b).

Ce double mouvement de la rationalité moderne n’est pas contrarié mais accentué par Albert Chapelle, qui pousse plus loin l’approfondissement de la lettre afin d’élever plus haut l’ascension spirituelle. En effet, notre auteur oppose au rationalisme le réalisme de la tradition chrétienne que caractérise une double prétention : celle de la lettre à révéler la réalité ultime et celle de l’événement particulier à révéler la raison de l’histoire. Cette double prétention est fondée sur la compréhension théologique des deux problèmes philosophiques.

De toute évidence, le sacrement de l’Eucharistie nourrit la pensée du père Chapelle. La présence de Dieu dans l’hostie du sacrifice, sans se confondre avec les choses créées, confirme la bonté de la Création et sa capacité à manifester Dieu. Le sacrement eucharistique rassemble le monde créé dans l’alliance entre Dieu et les hommes à travers toute la Création. C’est ainsi que la communion au Dieu Un et trine est assomption de toute la Création.

L’Eucharistie donne de comprendre que l’anagogie et l’histoire sont liées du fait de la réalité du Christ qui témoigne de l’unité de la Création et de son accomplissement. Ainsi, la réflexion de Chapelle est portée par la foi dans le Dieu Créateur. Sa confiance en l’acte créateur de Dieu lui donne de recevoir l’histoire et ses contingences comme donatrices de sens. L’histoire n’est pas marquée par la carence et le manquement mais par le don et la fidélité. Cette théologie fondée dans la contemplation du mystère du Christ permet à Chapelle d’accueillir l’expérience moderne du sujet et d’assurer qu’elle « a raison plus qu’elle ne le croit »70. Le don, en effet, est plus profond et plus haut que la subjectivité moderne ne l’envisage. La double négativité dont l’homme fait l’expérience dans la prière lui donne de recevoir le don de Dieu d’en deçà et d’au-delà de soi. Cette double négativité lui fait donc toucher la réalité du Christ qui est au fondement et à la fin de la Création. Ainsi, l’intelligence spirituelle de l’Écriture n’est réelle que si elle descend jusqu’au plus intérieur de l’homme, non pour y creuser l’isolement subjectif, mais pour y réaliser l’union au Corps du Christ qui est toujours une union ecclésiale — œuvrée dans l’histoire et s’accomplissant dans l’éternité.

Nous comprenons donc que la réflexion herméneutique d’Albert Chapelle est une théologie de l’Alliance. Dans celle-ci, l’irréductibilité de la lettre est honorée ; le phénomène et l’histoire particulière de Jésus-Christ sont les normes de la réalité et de l’histoire universelle ; la Création reçue en héritage dans la communion au Corps du Christ se découvre en sa plus grande autonomie. En effet, la contemplation du mystère du Christ donne à l’homme de participer à la vie du Christ, c’est-à-dire d’entrer dans la contemplation même du Fils qui contemple le Père et toute la Création dans le don de l’Esprit. Créée par Dieu pour avoir sa fin en lui, la liberté de l’homme est affermie dans son autonomie à la mesure de son intégration au mystère du Christ. Plus l’homme est en alliance avec Dieu, plus son aisance est grande dans les opérations naturelles. Plus il contemple Dieu, plus il entre dans le travail propre de la rationalité. L’Alliance eucharistique confirme l’irréductibilité de la Création et ouvre la contemplation. Elle engage au plus grand respect pour la lettre des hommes, à la mesure de l’adoration de Celui qui s’y livre71. Telle est la dimension eucharistique de l’herméneutique d’Albert Chapelle.

Notes de bas de page

  • 1 A. Chapelle, « Notre travail est celui d’un théologien », texte inédit, manuscrit dactylographié, c.1966-1967, p. 3.

  • 2 Ibid., p. 4.

  • 3 Les mots ont en quelque sorte une vocation s’ils ont véritablement un sens, c’est-à-dire s’ils réfèrent à une réalité transcendante qu’ils sont appelés à désigner ou à manifester.

  • 4 A. Chapelle, Herméneutique, coll. Institut d’Études théologiques de Bruxelles, 21, Bruxelles, Lessius, 2010.

  • 5 Dans Herméneutique, la terminologie employée par Chapelle pour désigner ces deux problèmes est fluctuante. Pour le premier, il parle du rapport « langue/pensée » (p. 25) ou du « phénomène de la langue et de la pensée de la vérité » (p. 33) ou encore de « phénomène » et de « réalité » (p. 35, 36, 37, 48, 67). Plus loin, il oppose, dans les termes mêmes de Kant, le phénomène et le noumène (p. 115, 143). Pour le second problème, il oppose le « particulier » tantôt à « l’universel » (p. 25, 48, 115, 143), tantôt au « général » (p. 31, 35, 38, 67).

  • 6 Paul Ricœur écrit que la « subordination des règles particulières de l’exégèse et de la philologie à la problématique générale du comprendre constituait un renversement tout à fait semblable à celui que la philosophie kantienne avait opéré par ailleurs, par rapport aux sciences de la nature principalement. (…) on comprend que c’est dans un climat kantien qu’a pu être formé le projet de rapporter les règles d’interprétation, non à la diversité des textes et des choses dites dans ces textes, mais à l’opération centrale qui unifie le divers de l’interprétation » (« La tâche de l’herméneutique : en venant de Schleiermacher et de Dilthey », dans Du texte à l’action. Essais d’herméneutique ii, coll. Points Essais, Paris, Le Seuil, 1986, p. 86). Voir aussi C. Berner, La Philosophie de Schleiermacher. Herméneutique, Dialectique, Éthique, Paris, Cerf, 1995, p. 114s.

  • 7 Cf. H.-G. Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Le Seuil, 1996, p. 184s.

  • 8 A. Chapelle, Herméneutique, p. 26.

  • 9 P. Piret, L’Écriture et l’Esprit. Une étude théologique sur l’exégèse et les philosophies, coll. Institut d’Études théologiques, 7, Bruxelles, éd. de l’Institut d’Études théologiques, 1987, p. 120.

  • 10 Ibid.

  • 11 « Spinoza entend interpréter, non l’être, la “nature des choses”, à partir de la Bible, mais la Bible elle-même comme partie de l’être, soumise en tant que telle à ses lois universelles. Elle n’est pas une clef de la nature, elle en est un élément ; aussi doit-elle être traitée selon les mêmes règles qui valent pour toutes les espèces de la connaissance empirique » (E. Cassirer, La philosophie des Lumières, Paris, 19702, p. 196-197, cité par P. Piret, op. cit. n. 9, p. 109).

  • 12 Cf. B. Spinoza, Traité des autorités théologique et politique, ch. 7, « De l’interprétation de l’Écriture », dans Œuvres complètes, coll. Bibliothèque de la Pléiade, trad. M. Francès, Paris, Gallimard, 1954, p. 768-769 (cité par A. Chapelle, Herméneutique, p. 27-28, qui renvoie à E. Cassirer, op. cit. n. 11, p. 196-197).

  • 13 A. Chapelle, Herméneutique, p. 28.

  • 14 Ibid., p. 33.

  • 15 Ibid., p. 34-37.

  • 16 Cf. P. Colin, L’audace et le soupçon. La crise du modernisme dans le catholicisme français, 1893-1914, Paris, Desclée de Brouwer, 1997 ; F. Laplanche, La crise de l’origine. La science catholique des Évangiles et l’histoire au xx e siècle, Paris, Albin Michel, 2006.

  • 17 La première section de la première partie d’Herméneutique est consacrée à l’expérience de la prière décrite et réfléchie (« Le journal d’une expérience mystique », p. 47-108).

  • 18 A. Chapelle, Psychologie et morale, cours dactylographié, Faculté de philosophie et lettres, Namur, 1965, p. 47.

  • 19 Cf. Herméneutique, p. 43-150.

  • 20 Cf. la deuxième section de cette première partie (« Les sens de l’Écriture », p. 109-122).

  • 21 Cf. la troisième section (« Le discours théologique », p. 123-136).

  • 22 Cf. la quatrième section (« L’expérience mystique », p. 137-150).

  • 23 Chapelle intitule ces deux moments de l’expérience mystique respectivement « l’image et sa réflexion » et « le silence de Dieu et le broiement de l’homme ».

  • 24 A. Chapelle, Herméneutique, p. 69.

  • 25 Ibid.

  • 26 Chapelle intitule le premier temps : « la pesanteur et la grâce » ; le quatrième : « la réconciliation et la joie ».

  • 27 « L’angoisse, dans “la pesanteur et la grâce”, est la négation première et fondatrice, cet abîme dans lequel l’homme découvre son initiative surgir sur fond de nuit » (Herméneutique, p. 69). En 1970, Chapelle décrivait cette négativité fondatrice comme une « transcendance fondatrice » : « l’homme découvre à l’intérieur de sa liberté la motion, le dynamisme, la puissance qui fait qu’il est lui-même avant qu’il en décide ; qui l’amène à se trouver dépassé. Au concret, c’est le corps de l’homme : le corps apparaît comme ce qu’il y a d’irréductible au choix puisque je ne l’ai pas créé. Cette transcendance fondatrice de la liberté humaine est liée effectivement au corps : celui-ci est le donné immédiat de la liberté humaine dans ce qu’elle a de plus radical : elle est originairement donnée à elle-même. Le corps est la liberté incarnée, la liberté qui s’inscrit dans les faits » (L’homme et le salut, cours dactylographié, Institut d’Études théologiques, 1969-1970, p. 79).

  • 28 A. Chapelle, Herméneutique, p. 70.

  • 29 Ibid., p. 53.

  • 30 « La négation dans « la réconciliation et la joie », n’est pas seulement la limite de l’esprit, cet au-delà de quoi l’esprit ne pense pas, au-delà de quoi il n’est pas possible de penser. La négation mord sur l’homme et elle nie la pensée qui s’y adonne, c’est-à-dire qu’elle a prise sur l’esprit » (ibid., p. 70).

  • 31 B. Pottier, « Albert Chapelle, lecteur de Hegel », dans Dieu à la source. La théologie d’Albert Chapelle, Actes du colloque « Albert Chapelle, un théologien », tenu à Bruxelles et à Paris du 10 au 13 février 2009, coll. Donner raison, 26, Bruxelles, Lessius, 2010, p. 131.

  • 32 A. Chapelle, Herméneutique, p. 67.

  • 33 Ibid., p. 72.

  • 34 Ibid.

  • 35 Les trois adverbes (« encore », « déjà », « toujours ») expriment cette saturation. Ils étendent temporellement la « tente » de la liberté.

  • 36 « En d’autres termes, aucune liberté ne se définit en soi par elle-même, mais par les autres libertés, par l’histoire de la liberté et la liberté de l’être, l’esprit » (a. Chapelle, Herméneutique, p. 72).

  • 37 Ibid., p. 72-73.

  • 38 Il y a un double approfondissement de l’intériorité et de l’extériorité. La liberté se conçoit dans l’histoire plus intérieure à elle-même qu’en soi (concipere : contenir ; elle se contient, s’éprouve de façon intérieure) ; la liberté se reçoit dans l’histoire là où elle n’est pas.

  • 39 A. Chapelle, Herméneutique, p. 74.

  • 40 Ibid., p. 89.

  • 41 Ibid.

  • 42 Ibid.

  • 43 Ibid., p. 94.

  • 44 Ibid.

  • 45 Ibid., p. 97.

  • 46 La dimension doxologique qualifie le langage théologique comme son surcroît dans la mesure où ce discours ne consiste pas seulement à démontrer la vérité de Dieu mais à le montrer dans l’Alliance éternelle de notre humanité avec Dieu.

  • 47 A. Chapelle, Herméneutique, p. 97.

  • 48 Comme appropriation, la doxologie est la fête de la tâche accomplie que l’on s’est donnée pour l’avoir reçue ; comme donation, elle est la contemplation de ce que l’on a reçu comme nous étant donné.

  • 49 « Cette action de grâce et cette contemplation, cette tâche et cette fête définit le langage théologique comme symbole » (A. Chapelle, Herméneutique, p. 98, souligné dans le texte).

  • 50 « Le symbole théologique, l’affirmation théologique se caractérise par une gratuité dans laquelle le nécessaire a sa place au niveau où l’acte théologique emploie des concepts, mais où la dominante est la gratuité, puisque l’acte théologique n’est jamais déterminé par une épreuve rationnelle. […] L’ouverture du concept théologique lui permet d’être réinterprété indéfiniment. Elle permet au pluralisme des théologies et des appareils conceptuels différents de se trouver plus ou moins à l’aise à l’intérieur de la symbolique chrétienne » (Ibid., p. 98-99).

  • 51 Cf. A. Chapelle, Le Symbole 1. Langage et Corps, cours dactylographié, Institut d’Études théologiques, 1971-1972, p. 31 et p. 76 n. 1 ; Le Symbole 2. Liberté et ontologie, 1972-1973, p. 17.

  • 52 Cf. id, Le Symbole 1 (op. cit. n. 51), p. 77-81. La désignation, en tant qu’elle est une « visée négative », renvoie à l’unum ; la référence, qui dévoile le secret de la vérité, renvoie au verum ; la signification, en tant qu’elle livre à l’autre la vérité comme son bien, renvoie au bonum ; enfin, la révélation, en tant qu’elle est la transparence de la splendeur et de l’unicité des choses, renvoie au pulchrum.

  • 53 Le langage « est, dans sa portée universelle et comme référence, monstration de ce que la philosophie occidentale appelle l’être » (A. Chapelle, Le Symbole 1, op. cit. n. 51, p. 77).

  • 54 A. Chapelle, Herméneutique, p. 99-100.

  • 55 Ibid., p. 100.

  • 56 Ibid.

  • 57 Ibid., p. 101.

  • 58 Ibid.

  • 59 Cf. Ibid., p. 200 : « Car nous ne passons jamais au-dessus du langage pour voir ce qui est derrière le langage : l’événement ne se livre que dans le langage. »

  • 60 Ibid., p. 171.

  • 61 Ibid., p. 176.

  • 62 Ibid., p. 143.

  • 63 Si les apparences deviennent ce qu’elles sont, dans la prière de l’adoration eucharistique, c’est que l’homme y découvre le don qui lui est fait dès l’origine. L’accomplissement révèle la promesse et sa fidélité.

  • 64 « Par l’acte d’adoration, ma liberté se trouve donnée à elle-même en son corps d’une façon qui la manifeste créatrice de soi » (A. Chapelle, Herméneutique, p. 146).

  • 65 A. J. Wehrlé, 13 février 1908, Correspondance Blondel-Wehrlé, Aubier, 1969, t. 2, p. 400 (cité par H. de Lubac, « mystique et mystère », dans Théologies d’occasion, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, p. 72).

  • 66 A. Chapelle, « Contemplation et rationalité », leçon inaugurale de l’année académique 1968-1969, Institut d’Études théologiques, p. 5.

  • 67 « Il semble bien possible à cette lumière de valider théologiquement la méthode scientifique, les recherches expérimentales, l’exigence historico-critique et la spéculation philosophique. Toutes ces disciplines, en nous faisant disciples de vérité, se comprennent comme l’exacte rigueur appelée par la purification profonde que la contemplation du Verbe incarné suscite dans le devenir spirituel de l’humanité » (ibid).

  • 68 Ibid.

  • 69 Chapelle parle de la « polarité de l’accueil et du discernement, de l’Alliance et de l’Élection » (ibid., p. 6).

  • 70 A. Chapelle, Herméneutique, p. 107.

  • 71 « Car si la facticité de la lettre et de l’histoire est révélatrice de Dieu, la lettre et l’histoire ont à être scrutées dans leur spécificité : l’épaisseur littéraire et textuelle de l’écrit, l’immédiateté spatio-temporelle de l’histoire. Dans la mesure même où la facticité des choses n’est pas seulement le fait de l’homme mais de Dieu, l’irréductibilité des choses et de l’écrit s’impose avec une force infinie. L’importance de la lettre lui vient non pas d’elle-même, ni de nous, mais de l’Esprit de Dieu qui se livre en elle » (ibid., p. 117).

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