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La communication publique de l'Église catholique aux États-Unis pour le respect de la vie

Emmanuel Dumont
Aux États-Unis, entre 1970 et 2000, l'Église catholique a affronté la montée en puissance des promoteurs de l'avortement, puis de l'euthanasie, en investissant sur le terrain de l'éducation et de l'information publique, des services aux personnes et de la mobilisation civique. Pour porter cet engagement moral et spirituel auprès des fidèles et de l'opinion, la Conférence épiscopale a voulu améliorer sa communication pastorale. Son Secrétariat pour les activités «pro-vie» a recouru à des professionnels des relations publiques pour «faire campagne». Sont présentés ici le contexte, l'évolution et l'impact de cette collaboration qui signale une inculturation originale de la mission ecclésiale dans la rhétorique et l'apologétique de l'ère des médias et du marketing.

Au printemps 2000, les habitants de la région de Washington (D.C.) et de Baltimore (Maryland) ont pu entendre une annonce peu ordinaire à la radio. Des femmes faisaient confidence de ce qu’elles souffraient depuis leur avortement : Something inside of you dies after an abortion. Aux auditrices qui reconnaissaient là leur expérience, une invitation était faite : Don’t suffer alone. Call 1-888-456-HOPE. D’où venait ce message inouï ? From Project Rachel. D’autres n’ont pu manquer ces panneaux d’affichage le long des routes, ou sont tombées sur un encart dans la presse, ou encore se sont connectées au site web indiqué sur des autocollants pour voiture : www.hopeafterabortion.com. Et là, ou au numéro d’appel gratuit, ces femmes de tous âges, conditions et croyances qui, comme plus de trente millions d’entre elles depuis la légalisation nationale de l’avortement (1973), avaient vécu cette tragédie sans en parler, ont découvert qu’elles pouvaient être écoutées et reconnues dans leur souffrance. Celles qui souhaitaient en savoir plus apprenaient que le « Projet Rachel » (établi dès 1984 à Milwaukee) était le nom du ministère de guérison déployé par l’Église catholique pour les personnes impliquées dans un avortement. Le réseau de conseillers professionnels et de prêtres formés à cet accompagnement individuel spécialisé avait été renforcé à l’occasion de cette opération publicitaire originale, conçue comme une œuvre missionnaire pour annoncer la délivrance et susciter l’espérance en cette Année de grâce du grand Jubilé.

Mais à qui devait-on l’initiative de cette étonnante campagne, à la fois spirituellement opportune et très professionnelle ? En fait, ce savoir-faire inédit représentait la dernière opération de toute une expérience menée depuis dix ans par un service de la Conférence des évêques, le Secrétariat aux Activités Pro-Vie, dépendant d’un Comité épiscopal du même nom. C’est ce groupe d’agents qui a su concevoir, organiser et faire financer toute l’opération, en lien avec l’équipe du Projet Rachel, les diocèses concernés et des agences de communication. Or ce genre de collaboration avait été inauguré en mars 1990 lorsque la Conférence épiscopale avait retenu, notoirement et non sans scandale, une agence de relations publiques pour l’aider à communiquer en faveur du « respect de la vie »1, avec un but plus politique alors, puisqu’il s’agissait d’influencer l’opinion courtisée par les défenseurs de l’avortement comme droit absolu de la femme (les « pro-choix »). Notre article porte sur la mise en place de cette activité promotionnelle de 1970 à 2000, où l’Église américaine a donné droit de cité officiel, dans sa pastorale éthique, à une approche dont elle s’était servi jusque là de manière épisodique ou à des fins de représentation institutionnelle.

Nous resituerons d’abord cette initiative au sein de l’engagement moral public de la Conférence épiscopale américaine face aux promoteurs de la contraception et de l’avortement (cf. infra I). Nous expliquerons alors comment a été décidée et développée une collaboration plus étroite entre les pasteurs et les professionnels de la communication (cf. infra II). On abordera enfin quelques questions suscitées par une telle inculturation de la charge pastorale, tout en relevant les résultats obtenus (cf. infra III).

I Un affrontement historique sur la place publique et le marché social

Replaçons l’intervention des évêques dans le champ historique de la question débattue, face à leurs principaux opposants.

1 Les promoteurs du contrôle des naissances ont su étendre leur influence

Aux États-Unis entre 1830-1973, les pratiques et les idées relatives à la transmission de la vie humaine avaient évolué depuis l’émergence d’une légitimation du contrôle des naissances à sa pleine institutionnalisation sous diverses formes (contraception et stérilisation d’abord, puis avortement2) dans la politique intérieure et extérieure du pays. Cette progression avait été freinée notamment par la lutte contre l’avortement déjà menée dans la seconde moitié du XIXe s. par de nombreux médecins, pasteurs et féministes, ainsi que par l’opposition constante de l’Église catholique. De tels obstacles ont été franchis ou contournés à partir de la première guerre mondiale par les promoteurs du birth control, en particulier Margaret Sanger, souvent appuyés par de puissants hommes d’affaires et leurs riches fondations (Rockefeller, Ford, Packard…). Ces derniers ont su provoquer ou accélérer l’évolution des mœurs et la demande sociale pour ces moyens de limitation des naissances, par un triple investissement : en recherche bio-médico-sociale, en activisme politico-judiciaire et en communication d’influence.

Parallèlement, les principaux groupes religieux avaient pris position, chacun à leur manière, dans l’espace public et commercial qui s’ouvrait avec les moyens de communication de masse, en cherchant à adapter leur pastorale. Cette modernisation eut un impact certain dans le domaine de la moralisation publique (lutte contre l’esclavage, l’alcool puis l’immoralité au cinéma) ou de la médiatisation de la culture religieuse (édition, presse puis radio et télévision), malgré les effets indésirables et les tensions internes provoqués. Les limites de cet engagement chrétien, la difficulté pour l’Église catholique de définir et de promouvoir une parenté responsable, ainsi que la maîtrise acquise très tôt et entretenue par les contrôlistes en matière d’action sur l’opinion, ont eu une incidence sur le succès public obtenu. À cet égard, la rapide libéralisation de l’avortement dans les années 60 sanctionna aussi la notable différence entre les moyens d’influence des uns et des autres.

Après 1973, le savoir-faire contrôliste en matière de commercialisation et de communication continua à se fonder d’abord sur une approche rigoureuse de l’opinion, des attitudes et des pratiques, profitant de l’expérience acquise, des progrès survenus dans la discipline commerciale et de l’apport de leaders médiatiques. Après l’institutionnalisation du birth control, cette expertise a permis d’assurer à la fois l’extension de la clientèle, en plaçant l’offre sur le terrain de l’éducation et de la santé des adolescents, et le maintien d’un coût bas, en contrôlant les dommages infligés à l’image des services et des produits maison, tout en ternissant la réputation des opposants et de leur offre. La distribution et la promotion ont été adaptées en conséquence3.

2 Une intervention épiscopale précoce à la pastorale modernisée

Après le Concile Vatican II et dans son esprit, la hiérarchie américaine a été amenée à son tour à collaborer de plus en plus étroitement, mais discrètement, avec des professionnels de la communication d’influence, à mesure qu’elle s’impliquait de manière plus soutenue dans la lutte pour le respect de la vie humaine à tous ses stades. Ainsi, dès 1968, le Bureau de la Vie Familiale, où œuvraient le P. James McHugh et son assistante Gail Quinn, recruta une entreprise de « veille informationnelle » qui lui signalait les mouvements de législation sur l’avortement dans les États. Car si le mouvement pro-vie américain s’est développé à partir de la base, dans des associations de laïcs principalement catholiques qui ont surgi sur place (l’apport des protestants évangéliques n’est intervenu massivement qu’à la fin des années 70), il a reçu des évêques un soutien idéologique et organisationnel qui fut sans doute décisif pour son émergence au niveau national. C’est ainsi que naquit en 1970 le « Comité National pour le Droit à la Vie » (National Right to Life Committee — NRLC). Outre cette organisation destinée à fédérer les efforts locaux, la Conférence nationale des évêques établit en novembre 1972 un Comité ad hoc pour la Population et les Actions Pro-Vie, présidé au départ par le Cardinal Cody, qui sera, sous sa forme définitive avec un Bureau-Secrétariat à partir de 1974, la cheville ouvrière de son engagement institutionnel, tant à l’intérieur qu’au niveau international.

À partir du moment où la Cour Suprême tranchait la question par-dessus les États et avant même qu’elle ait été traitée en tant que telle par le Congrès (affaires Roe v. Wade et Doe v. Bolton, 22 janvier 1973), celle-ci était propulsée sur la scène politique nationale, et il revenait à la Conférence épiscopale d’assumer un rôle public central. Elle s’en acquitta par des déclarations sur les dimensions politique, légale et sociale de l’avortement, des directives précises pour qu’institutions et personnels de santé catholiques témoignent en faveur de la vie, la promotion immédiate d’une législation protégeant leur intégrité, et l’élaboration d’une stratégie pastorale diversifiée. Pour éviter de donner prise à une caricature de la question de l’avortement en une problématique religion-État, les évêques convinrent en juin 1973 de laisser le NRLC et ses sections locales voler de leurs propres ailes. Mais pour ce qui est de l’engagement en leur nom propre, ils développèrent en 1975 (et réactualisèrent en 1985 et en 2000) un plan d’action ambitieux à trois niveaux : informatif-éducatif, caritatif et politique. Outre une explicitation de son rapport au politique, une visée d’éducation morale et une intégration croissante dans la vie écclésiale, la pastorale post-conciliaire de la vie aux États-Unis a eu en effet pour caractéristiques la planification précise des actions à entreprendre (dans un esprit managérial) ainsi que la thématisation large et hiérarchisée de l’objectif, à savoir le respect de la vie (dans une « éthique cohérente » chère au Cardinal Bernardin), avec un effort sensible dans l’argumentation et la mobilisation des ressources de la communauté en sa faveur.

a Faciliter l’interface avec l’opinion publique

Pour reprendre les trois niveaux mentionnés, la dimension communicationnelle était évidente dans l’information publique et l’éducation, mais elle faisait aussi partie intégrante des services, qu’il fallait faire connaître, et de l’engagement politique, qui requérait des relais d’opinion. La pastorale de la vie a mis à contribution les arts et les sciences de la communication et de la gestion (management et marketing) de manière de plus en plus méthodique. Le Plan de 1975 et le discours de maints agents pastoraux développent leur analyse en termes de public à atteindre, de support médiatique ou de demande à satisfaire. À partir de l’expérience acquise et diffusée par les militants sur le terrain local et national, l’épiscopat progressait dans sa capacité d’intégrer les médiations indispensables pour interagir avec l’opinion publique. C’était visible par exemple dans le réflexe de chercher à créer l’événement et à entretenir de bonnes relations avec la presse de manière à défrayer positivement la chronique. La Conférence épiscopale a nettement amélioré ses propres produits médiatiques et y a aidé ses correspondants diocésains. Elle s’est dotée d’un Bureau des Communications très structuré, solidement financé et à multiples compétences, dont l’une des tâches consiste à assister les Comités et Bureaux de la Conférence dans leurs actions médiatiques. Le Bureau pro-vie y a recouru pour gérer ses relations de presse et ses publications. Parmi elles, il faut noter une initiative inédite : l’édition et la promotion annuelles depuis 1972 du manuel Respect Life, servant à nourrir la prière et l’étude du « caractère sacré de la vie humaine » avec « des programmes éducatifs sur la dignité de la vie humaine et la responsabilité de la société de protéger tous ses membres — l’enfant-à-naître, et aussi les personnes âgées, malades ou défavorisées ». Cette « boîte à outils » pour la conscientisation et l’engagement des fidèles fut publiée au départ à l’occasion du « Dimanche du Respect de la Vie » (le premier d’octobre) comme un lot de fiches théoriques ou pratiques (avec une proposition d’aides pédagogiques sur divers médias). En outre, dès 1977, les écoles catholiques depuis la maternelle jusqu’au lycée, les aumôneries et institutions de formation pour adultes dans les paroisses ou diocèses, disposaient d’un recueil de directives détaillées pour élaborer leurs propres programmes et des activités extra-scolaires (clubs, retraites…) pour le « Respect de la vie » et la promotion de la chasteté.

Le souci d’une organisation cohérente et d’une promotion adaptée des pratiques se retrouve au niveau théorique, dans l’interdépendance proclamée par les pasteurs entre les différents aspects du respect dû à la vie, ainsi que dans le placement étendu d’une proposition que l’on pourrait dire « à meilleur marché ». Une fois les découplages mariage/sexualité, sexualité/fécondité, fécondité/parenté entrés pleinement dans les mœurs et les lois du pays, le principal « argument de vente » catholique s’est développé sur deux fronts : faire mesurer d’un côté l’ampleur des coûts humains cachés, directs et indirects, en les comparant avec les promesses ayant servi à promouvoir l’amour libre, la contraception ou l’avortement ; faire mesurer ensuite l’étendue des bénéfices méconnus à retirer de l’approche alternative proposée par l’Église (mariage fidèle à la fécondité régulée naturellement ; accueil inconditionnel de la vie conçue) dont les coûts propres ont été parallèlement réduits, tant dans leur présentation par les documents épiscopaux que par des offres d’aide concrète.

b Organiser les services aux personnes impliquées

Car les responsables épiscopaux développaient également, avec les responsables des services sanitaires ou sociaux catholiques (hôpitaux, Catholic Charities…), une démarche complémentaire, typique de l’intervention sur un marché social. En sus de l’accompagnement spirituel des militants, le soin pastoral pro-vie s’adressait aux personnes directement concernées et souvent désorientées : femmes attendant ou pleurant un enfant, jeunes ou couples assumant leur sexualité ; personnes âgées ou malades. L’Église, tout en appelant la collectivité à faciliter l’accueil de la vie, a ainsi été conduite à investir elle-même dans la proposition de soins médicaux pour les femmes enceintes à faibles ressources financières. Pour celles qui n’envisageaient pas d’élever elles-mêmes leur enfant et reculaient devant l’adoption, l’image de cette option fut améliorée et un service adapté fut mis en place. L’expertise reconnue chez les promoteurs de la cause adverse fut un aiguillon de ces progrès catholiques en matière de savoir-faire commercial au nom de la charité. L’offre d’alternatives à l’avortement se voulait d’une qualité réelle, mesurée notamment par leur accessibilité, leur disponibilité et leur capacité d’innovation et d’adaptation. De nombreux évêques se sont engagés sur ce terrain, directement ou en encourageant les centres spécialisés locaux qui pouvaient s’affilier à des organisations nationales — plus de trois mille en 1990. On assurait un conseil aux abords des cliniques (sidewalk counseling). Ces solutions nouvelles s’inspiraient notamment de l’expérience et de l’information recueillies dans les programmes de réconciliation post-avortement. Toute cette démarche, visant à mieux placer l’offre catholique pour le début de la vie face aux options ouvertes par la technologie et le droit, s’est reportée, avec un certain décalage, sur les propositions relatives à la fin de vie.

c Favoriser une prise de conscience politique

De son côté, l’implication politique et juridique pro-vie amplifiait les modalités classiques de l’engagement inspiré par la hiérarchie. Elle revêtait aussi des formes d’action plus directe. La Conférence a entrepris un gros travail de communication rapprochée auprès des instances gouvernementales fédérales. Cet exemple venu d’en haut devait encourager les fidèles à faire de même à leur niveau, avec l’aide des Comités diocésains pro-vie. La forme de mobilisation et de pression civique à la base ainsi suggérée a été épaulée à partir de 1975 par un appareil spécifique, en vue de promouvoir d’abord un amendement à la Constitution qui aurait représenté un idéal de protection juridique au plus haut niveau pour les enfants-à-naître. Le National Committee for the Human Life Amendment (NCHLA) quadrillerait le pays avec des « lobbys de citoyens » établis afin « d’organiser les gens pour persuader leurs élus ».

En faisant du respect de la vie une priorité pastorale et en planifiant l’engagement des moyens ecclésiaux en conséquence, les évêques des États-Unis ont donc mobilisé à partir de 1970 tout un réseau, existant ou créé spécialement dans ce but, d’animation, de distribution et de promotion. C’était une démarche missionnaire (outreach), souvent œcuménique, qui a combiné publicisation et personnalisation des contacts, avec des doses variables de bénévolat et de professionnalisme. Ce faisant, la mission pro-vie a exploité et dynamisé les ressources civiques, caritatives et éducatives de la communauté ; mais cela ne suffisait pas.

II L’épiscopat recourt ouvertement au conseil de spécialistes en opinion

C’est sur le plan médiatique et politique que les résultats de cette initiative pastorale d’envergure furent les moins probants jusqu’en 1990. Mais cette contrariété, au lieu de les faire renoncer, allait pousser les évêques à investir plus avant dans la communication professionnelle.

1 Des résultats politiques et pratiques qui laissent à désirer ; frustration et bavures

L’amendement constitutionnel n’aboutit pas, mais le Comité épiscopal pro-vie appuya à partir de 1976 le vote d’un amendement au budget (nommé d’après son promoteur, Henry J. Hyde) qui visait à interdire le financement par le gouvernement fédéral d’avortements pris en charge par les États. L’action politique locale, surtout par campagnes référendaires, aboutit aussi à certains résultats au niveau des États (en termes de consentement parental pour les mineurs par exemple). Mais dans l’ensemble, au cours des années 80, le réveil des forces pro-choix, leur emprise sur le parti Démocrate, les dissensions internes au mouvement pro-vie et les difficultés rencontrées avec l’opposition judiciaire (la censure par la Cour Suprême de lois votées dans les États) puis législative, contrebalancèrent le ralliement à la cause du « droit à la vie » du parti Républicain touché par la « révolution conservatrice » et de Ronald Reagan lui-même (1980-1988). Sa politique de containment, pour endiguer l’extension du recours au droit à l’avortement, fut globalement poursuivie, mais avec moins de diligence, par le président George Bush (1988-1992).

Les manques à gagner politiques, législatifs ou judiciaires du mouvement pro-vie pendant cette période où il était organisé et vivace, furent mal compris des militants et exaspérèrent les tensions. C’est sur ce fond de frustration que se développa dans les années 80 un militantisme d’action directe échappant aux appareils des partis, du mouvement et de l’Église catholique elle-même. Il se traduisit par des actions collectives destinées à bloquer l’accès aux lieux où se pratiquait l’avortement, actions se voulant non-violentes mais en marge de la loi civile : sit-ins, rescues. Quelques activistes extrémistes dégradèrent ou détruisirent des installations et s’en prirent même au personnel. Ce qui affecta l’image du mouvement tout entier, car ces faits ont été amalgamés et présentés par ses adversaires comme une illustration du caractère violent, dangereux pour les femmes et menaçant pour les libertés publiques, d’un combat réactionnaire.

Le message pro-vie était donc troublé par l’écho de débats relatifs à ces actions, et recouvert par la voix pro-choix encore dominante sur le forum médiatique et le marché social, notamment éducatif. Or il avait déjà du mal à déboucher dans l’espace public pour d’autres raisons convergentes. Les progrès de la diversité religieuse et de la sécularisation dans la société américaine, tout en ménageant à l’Église catholique une certaine plage d’action, affectaient son intervention publique et sa capacité de mobilisation interne. Son influence était amoindrie par le manque de supports à large diffusion, les blocages intérieurs dus au dissentiment des cadres pastoraux ou à l’inertie administrative, et l’inhibition promotionnelle de pasteurs ne saisissant pas encore la vraie nature d’une société pluraliste ni la manière d’y agir. De fait, la pratique abortive a augmenté alors même que la société américaine devenait matériellement plus prospère. De 550.000 en 1973, le nombre d’avortements chirurgicaux annuels légaux est passé à environ 1,6 million en 1990, soit plus du tiers du nombre total des naissances, avec le taux d’avortement pour 1000 femmes d’âge fécond le plus haut de tous les pays occidentaux. Une industrie s’est ainsi constituée, largement entre des mains privées, opérant surtout dans des unités spécialisées, avec un chiffre d’affaires annuel d’au moins 400 millions de dollars. Un secteur économique modérément concurrentiel, financièrement profitable et très peu réglementé.

Pour ce qui est de la légalité de l’avortement, la forte polarisation des militants ne se retrouvait pas dans le grand public qui restait ambivalent. L’enquête de Gallup en mai 1990 indiquait des positions tranchées de chaque côté du débat et une position médiane importante (autour de 60 %). Si les résultats sont à manier avec précaution, apparaissait pourtant un déficit d’image pour le mouvement pro-vie et le trouble d’une opinion dont la majorité restait partagée entre la réprobation morale et l’acceptation de l’état de fait légal. Sur cet arrière-plan tendu, une circonstance juridico-politique dramatique en 1989-1990 conduisit l’épiscopat à recourir, ouvertement et stratégiquement cette fois, à des spécialistes en études d’opinion et relations publiques.

2 La crise du cas Webster

Les années 1989-1990 constituèrent un tournant dans la controverse. La stratégie pro-vie de reconquête juridique progressive se retourna contre ses initiateurs à l’occasion d’une décision attendue de la Cour Suprême (le cas Webster)4. Le mouvement héritier de M. Sanger montra en la circonstance qu’il possédait encore au moins une longueur d’avance sur ses opposants en capacité d’influence. Il pointa habilement son message avec des slogans tels que : « Qui doit décider d’avoir un enfant ? L’État ou vous ? », « Laissez le choix aux femmes ! », et le diffusa en orchestrant une campagne médiatique et événementielle à gros budget. Cette agitation de l’opinion par l’opposition pro-choix remobilisée exacerba dans l’Église catholique des problèmes de discipline interne qui faisaient, par leur nature politique, l’objet d’un large commentaire à l’extérieur aussi. Les évêques américains eurent beau affirmer en novembre 1989 que l’avortement était « à ce moment particulier la question fondamentale pour les droits de l’homme » et qu’« aucun catholique ne peut de manière responsable prendre une position ‘pro-choix’ quand le ‘choix’ en question implique d’ôter une vie humaine innocente », nombre de politiciens catholiques intimidés firent défection. C’est dans ce climat que germa l’idée de prendre des leçons là où l’adversaire lui-même puisait une part de sa puissance, à savoir l’expertise professionnelle en communication.

Celui qui assura le changement dans la pratique de communication épiscopale fut le Cardinal John O’Connor, archevêque de New-York depuis 1984, présidant le Comité pro-vie à la suite du cardinal Bernardin. Il craignait que sur cette question, l’Église fût bientôt définitivement réduite au silence, ou du moins marginalisée dans l’espace public, si elle ne prenait pas les moyens adéquats d’y intervenir efficacement. Après consultations, il formalisa en mars 1990 un plan d’action pour une campagne nationale en ce sens. Essayons de saisir les lignes de force mais aussi les tensions parcourant ce processus au cours des années 1990-1995.

3 La communication se rationalise et se diversifie

a Une offre formulée selon des méthodes professionnelles

Un tel chantier ne pouvait être entrepris qu’avec des ressources importantes5, que procurèrent généreusement les fidèles Chevaliers de Colomb, en connaisseurs de ce type d’action6. Avec le cabinet sélectionné (Hill & Knowlton), la campagne qui visait à « éduquer tous les Américains, et en particulier les catholiques, quant à la portée et à la gravité de la tragédie nationale de l’avortement », suivit au départ une méthodologie classique dans les relations publiques, avec une phase d’investigation préalable. Il fut procédé d’avril à septembre 1990 à un audit de communication sur le mouvement pro-vie et sur les tendances de l’opinion en matière d’avortement et leur genèse. Les informations furent analysées avec l’aide d’une société d’études et de sondages (The Wirthlin Group au départ). Ce n’est que sur la base de cette recherche quantitative et qualitative qu’ont été établies les nouvelles priorités du projet épiscopal puis, par un processus en partie expérimental incluant des tests sur des petits groupes, le positionnement (rallier les ambivalents), l’axe sémantique (intégrer la dynamique du « choix » à l’intérieur d’un processus finalisé par la « vie », via la « nature »), la formulation marquante : The natural choice is life. Choose life. On déclina l’offre pro-vie en une gamme de messages à diffuser : redéfinir choice en choices en valorisant notamment l’adoption ; utiliser les deux leviers symboliques de Thomas Jefferson dont la Déclaration d’Indépendance identifie « la vie, la liberté et la poursuite du bonheur » comme droits inaliénables, et de Mère Teresa dévouée aux pauvres et aux enfants-à-naître. Mais si cet axe « choix-nature-vie » a orienté toute la première partie de la campagne, curieusement dès 1992 il s’estompe ; et c’est finalement au profit d’une thématique plus proche de celle de la communion catholique.

b Une prise de position à l’offre redéfinie en fonction de discernements ecclésiaux

Les recherches en matière d’opinion publique avaient abouti à une formulation tentant de spécifier une inclination positive à l’auto-détermination. Cependant se poursuivait la réflexion sur les implications des choix posés. La cohérence propre à l’éthique de la vie, en particulier entre ses dimensions familiale et sociale, a été approfondie, y compris à travers la prise de conscience d’une écologie humaine7. En a émergé un nouveau fil conducteur mettant l’accent cette fois sur une vertu à cultiver, la fidélité. La « Réflexion morale » publiée par les évêques en septembre 1995 est intitulée précisément Faithful for Life, « Fidèles pour la vie », dans l’esprit de l’encyclique Evangelium vitae et en s’inspirant de la parabole du Bon Samaritain (Lc 10,29-37). Le discours civil et religieux promouvant la fidélité dans l’exercice des responsabilités de chacun et dénonçant le choix comme valeur en soi, y amorce une critique fondamentale de l’extension du libéralisme dans le domaine moral, alors même que la communication épiscopale est décidée à jouer le jeu rhétorique de ce type d’échanges. La réponse « pro-vie » au slogan « pro-choix » est en effet moins un autre slogan que la promotion d’options vantées comme authentiques et compatissantes (Real Choices) face à un « choix » abstrait qui tend en fait à ne pas en être un, que ce soit pour les personnes éprouvées en fin de vie ou pour les femmes enceintes en situation de détresse.

Le courant pro-vie identifié dans l’Église américaine, en confluence plus nette encore à présent avec le flot correspondant provenant de Rome8, a sans doute poussé à re-spiritualiser et re-théologiser le respect de la vie, tout en développant et en régulant ses dimensions les plus incarnées : action éducative, attention aux personnes, engagement civique. D’autant que la pastorale de la vie affrontait en première ligne une tendance, sensible dans les tribunaux et quasi-inédite aux États-Unis, à exclure le religieux en tant que tel de la vie publique9. Dès lors, la pastorale épiscopale ne put que tirer les conséquences de sa position reconnue comme contre-culturelle : ne pas rêver à un ralliement aisé au respect de la vie, mais ne pas s’isoler non plus.

c Une campagne vigoureuse avec distribution et promotion diversifiées

Pour accroître leur capacité de discernement en prise sur l’actualité et les exigences médiatiques, les évêques et leurs agents ont organisé une vigilance informationnelle qui permet de repérer les tendances émergentes dans les champs du début et de la fin de vie. L’analyse qui en est faite alimente la réflexion, puis le travail des relations publiques. Si ce travail aidait à positionner l’offre catholique, celle-ci devait encore être valorisée, promue, placée. Plusieurs mesures y ont concouru. Entre la détermination des messages et leur diffusion aux publics, les médiations furent mises à contribution de manière plus méthodique. Le Secrétariat situe à présent les rapports avec la presse dans le cadre opérationnel des relations publiques, selon une ligne d’action plus personnalisée et professionnelle, systématique et équilibrée, car fondée sur la notion de service mutuel et de bien commun. Il s’adapte au milieu comme à l’événement, qu’il soit impromptu ou programmé10. Cette mise à niveau fut accélérée par les impératifs de la campagne et le choix critique d’une laïque comme porte-parole spécialisé, avec la nomination en octobre 1990 d’Helen Alvaré, jeune avocate mariée, élégante et brillante, d’origine hispanique, qui a su se préparer à l’intervention dans les médias, en préservant l’intégrité du message comme du messager, en particulier lors d’interviews pour émissions télévisées à grande audience gratuite. À ce progrès dans les relations extérieures correspondit une interaction accrue avec la communauté ecclésiale. Malgré les turbulences de l’après-Concile, le réseau des institutions catholiques restait un vecteur de choix pour la campagne. Encore fallait-il pouvoir le solliciter d’une manière collaborative, tout en modernisant les produits d’information et les outils de mobilisation. Ce fut fait tant pour les journalistes de la presse catholique des diocèses ou ordres religieux que pour les pasteurs et professeurs, les aidant à mettre à jour leurs connaissances et à affiner leur jugement sur les développements de l’actualité en bioéthique.

Pour l’engagement autour des batailles électorales et législatives, l’échafaudage institutionnel très stratifié prévu au départ fut rendu plus opérationnel localement (organisation de chaînes téléphoniques entre paroissiens, enregistrement comme électeurs) et complété par l’établissement de liaisons plus directes entre l’instance nationale et la base (campagne de cartes postales distribuées dans les paroisses pour être envoyées aux élus), afin de pouvoir réagir massivement et en temps utile auprès des élus ou du gouvernement quand le besoin s’en faisait sentir. Les campagnes référendaires relatives à la fin de vie dans les États (Washington en 1991 et Californie en 1992), pilotées par les Conférences locales et suivies de près par l’équipe du Secrétariat, ont mis en œuvre une rationalisation et une mobilisation pastorale plus larges encore, aboutissant au rejet populaire des premières propositions légalisant l’assistance au suicide.

L’amélioration de la promotion s’est manifestée notamment par un effort en direction des jeunes et une diversification accrue dans les formes ou les supports choisis pour le message : symposium itinérant, production audiovisuelle (The Right Choice11) lancée à Denver et kiosque promotionnel multimédia à destination des responsables de l’enseignement catholique et des aumôneries (lycées et facultés). La modernisation de la pastorale a conduit l’épiscopat à expérimenter ainsi des approches qui lui étaient jusque là peu familières, y compris la publicité. La professionalisation a porté aussi sur la forme des documents papier édités par le Comité, qui deviennent plus pratiques et plus parlants, avec le lancement en outre de deux lettres d’information, l’une sur le début et l’autre sur la fin de vie (Life Insight et Life At Risk).

À mesure que les évêques intégraient une part des exigences de la communication contemporaine à leurs propres publications, la marge de manœuvre rhétorique de la pastorale pro-vie s’élargissait. Montant à présent régulièrement en première ligne sur le front médiatique, que ce soit en personne ou par publicité ou communiqué interposés, les agents épiscopaux ont dû y adopter un type d’argumentation et d’expression plus nerveux et plus frappants. À l’occasion, ils ont même joué délibérément sur les passions de l’auditoire, tout en gardant le souci d’une communication honnête et respectueuse dans les limites du raisonnable et du civil. L’intervention du Secrétariat consiste en effet à expliquer les enjeux réels et à recadrer autant que possible le débat. Ce qui fait veiller au langage, en combattant l’euphémisation et la dévaluation, et remettre en question les présupposés factuels ou conceptuels, d’abord par un apport d’informations. Pour chaque dossier important, est établie une « Feuille de Faits » (Fact Sheet) présentant les données médicales, sociales, juridiques, politiques. Elle est mise à jour régulièrement. Pour les idées, les porte-parole contestent ce que l’opposition présente comme allant de soi : le choix comme bien le plus élevé et tous les choix comme étant d’égale valeur ; la vision négative d’une catégorie de personnes (l’enfant in utero ou le patient gravement atteint qui serait le problème) ; l’idée qu’un droit à l’avortement serait la clé de voûte d’une société libre. Les tactiques favorites de contre-attaque sont la rétorsion et la mise en contradiction de la position adverse avec elle-même, où pointe à l’occasion une ironie polémique. L’art de tenir sa place dans la controverse inclut ainsi une « apologétique » plus systématique, où l’orateur se met à l’écoute de l’opposition, déconstruit son discours et le réfute point par point. La parole sait en outre s’adapter au contexte de réception : aux fidèles, elle parle d’Évangile ; au public profane, elle fournit des preuves factuelles ; aux médecins, elle rappelle leur serment d’Hippocrate et leur contrat avec la société.

En bref, l’attention à la topique et à la sémantique se combine avec une dialectique plus serrée et une rhétorique mieux ajustée. Dès lors, le franc-parler (parrhèsia) épiscopal, aguerri et amplifié, sert une persuasion morale aux ressorts affermis et différenciés, avec des registres expressifs étoffés. Ces progrès ont rapidement acclimaté le discours d’origine ecclésiastique à la sphère médiatique en le sortant de l’alternative paralysante entre le notionnel pur et le sensationnel, avec leurs risques respectifs de didactisme insipide ou de surenchère émotive.

III Conclusion : une modernisation de la pastorale, critiquée mais fructueuse

Historiquement, on peut considérer cette opération, elle-même améliorable notamment dans sa dimension mercatique et sa productivité, comme une des étapes d’un processus long et complexe, celui de l’incorporation des modalités conceptuelles et techniques du rapport à l’opinion publique dans la culture ecclésiastique. De fait, une telle collaboration entre la hiérarchie catholique et des agents professionnels qui servent bien d’autres clients à la moralité parfois douteuse, n’a pas manqué de susciter diverses réactions négatives. Parmi ceux qui partagent dans l’ensemble les convictions des évêques, la désapprobation repose soit sur un doute quant à l’efficacité concrète d’une telle dépense, soit sur le principe traditionnel : la fin ne justifie pas les moyens. Selon cette objection, même si de telles relations publiques fonctionnaient, leur usage ne pourrait pas être moralement acceptable. Les critiques de fond sur la légitimité de cette initiative promotionnelle de la part de l’Église, et les réponses données, portent principalement sur trois valeurs solidaires. L’autorité de l’institution d’abord : s’agit-il d’une mésalliance de la hiérarchie ou d’une opportune modernisation pastorale ? La question de la vérité ensuite : le résultat de la campagne est-il une altération ou plutôt une valorisation du message ? La question de la liberté : aboutit-on à une manipulation ou à une éducation de l’opinion ? En fait, c’est toute l’histoire des rapports entre les professions de l’influence et les champs politique ou confessionnel qui est marquée par ces tensions, exacerbées par la crise contemporaine du sens et du langage affectant l’échange public contemporain. C’est pourquoi une appréciation complète de ce type d’expérience implique le développement d’une éthique philosophique et théologique actualisée pour la persuasion morale publique de l’Église. Cependant, en prenant acte de ce qui se gagne, ou du moins se cherche dans cette initiative inédite rationalisant son rapport aux publics en matière d’éthique, on peut déjà identifier quelques effets positifs obtenus.

Les retours d’un tel investissement sont difficilement quantifiables, vu le nombre et la puissance des autres intervenants qui conjugent leur effort dans le même sens (les grandes associations pro-vie et les élus notamment), ainsi que les autres variables à prendre en compte. Mais on peut dire qu’il a participé de manière non négligeable au mouvement qui a vu les positions en faveur du respect de la vie humaine gagner du terrain sur le plan de l’opinion (en particulier chez les jeunes), des politiques (notamment auprès du parti Républicain) ou des pratiques (tassement du nombre d’avortements), progression qui s’accentue à la fin des années 90. Il est clair que l’amélioration des rapports avec la presse a contribué à l’augmentation de la « part de voix » de l’Église catholique sur le marché moral. En interne, l’investissement consenti a abouti à plus d’articles publiés dans les journaux diocésains sur ces questions et à une meilleure compréhension des positions de la hiérarchie. Bref, à travers le pays, l’Église est devenue sur ces sujets un interlocuteur quasi-obligé des médias et un point de référence incontournable. Portée par un projet réformateur central et stimulée par la militance locale, l’action institutionnelle pro-vie a aussi été un point focal où se sont négociés presque en douceur, c’est-à-dire avec fidélité et inventivité, les changements d’attitude appelés par le renouveau conciliaire et l’ouverture au monde. La collaboration rendue ainsi possible et même souhaitable avec des professionnels de l’influence et de la médiatisation, et l’appropriation de leur savoir-faire, ont accéléré cet aggiornamento. L’entreprise a permis de mettre en circulation plus d’informations et de mieux former les consciences ainsi que les volontés militantes. Elle a aussi suscité ou promu des soins pastoraux et épaulé l’engagement sur le terrain législatif et judiciaire. Un des fruits en a été la campagne jubilaire citée en introduction pour la réconciliation dans la miséricorde des personnes blessées par l’avortement. L’expérience contemporaine du catholicisme pro-vie aux États-Unis illustre donc, ainsi que l’apologétique antique, comment une juste manière de vivre l’Église « en procès » stimule l’éclaircissement de la foi, le témoignage de l’espérance (cf. 1 P 3,15) et la mobilisation de la charité. À ce titre, cette approche pionnière, marquée par le contexte nord-américain, n’en est pas moins intéressante pour bien d’autres Églises et domaines pastoraux.

Notes de bas de page

  • 1 Il s’agit du respect par les hommes et les femmes directement concernés (parents et proches), par l’Église elle-même ainsi que par la société et ses grandes institutions, de la vie humaine au sens le plus concret, et tout spécialement en ses extrémités les plus vulnérables, pendant la période de gestation avant la naissance et celle de dégradation avant la mort. L’expression américaine abrégée pour l’engagement en ce sens est pro-life et il s’est développé là-bas tout un mouvement « pro-vie ». Pour l’arrière-plan historique, voir notre thèse, La communication de l’Église catholique aux États-Unis pour le respect de la vie (1990-1995) : Genèse, étude mercatique et évaluation éthique d’une rhétorique ecclésiale professionnalisée, Lille, ANRT, Thèse à la carte, 2001.

  • 2 Ces pratiques ne sont certes pas à mettre sur un même plan moral, mais elles ont été promues par les mêmes personnalités et institutions, car elles correspondent à une même mentalité « contrôliste », à savoir visant le contrôle absolu sur la transmission de la vie.

  • 3 Sous la présidence de Faye Wattleton (1978-1992), Planned Parenthood s’est orientée vers le marché du contrôle global de la reproduction, en accentuant sa promotion publique de l’avortement, en accroissant le recours aux spécialistes des médias et des sondages, ainsi que le lobbying et par là le rendement de la récolte de fonds. En 1990, l’organisation comptait 172 filiales, 911 cliniques, 26.000 salariés et bénévoles et 480.000 donateurs. Dès la fin des années 70, les dirigeants de NARAL (National Abortion Rights League) ont professionnalisé pareillement leur communication publique.

  • 4 Dans sa décision de juillet 1989 sur la loi du Missouri défendue en appel par le Procureur de l’État, William Webster, la Cour Suprême ne renversa pas Roe, mais indiqua qu’elle était prête à laisser plus de latitude aux États dans la réglementation de l’avortement.

  • 5 Huit millions de dollars au total sur la période étudiée (1990-1995). À titre de comparaison, le Strategic Plan for Securing Abortion Rights lancé en 1990 par Planned Parenthood budgétait 201 millions de dollars sur dix ans.

  • 6 Fondés dans les années 1880 par le P. McGivney dans le Connecticut comme une société de secours mutuel pour les ouvriers catholiques immigrés, les Knights of Columbus ont prospéré en commercialisant de l’assurance-vie. Sa gestion prudente et le nombre de ses membres (1,5 million) assurent à l’Ordre laïc une puissance philanthropique souvent mise au service de causes éthiques promues par l’Église, à qui il a prêté aussi son expertise en communication.

  • 7 Le concept d’intendance (stewardship) sert analogiquement pour la responsabilité vis-à-vis de la nature et celle à l’égard de la vie humaine, notamment là où elle est le plus fragile, en ses extrémités. Il permet de différencier cette attitude respectant l’ordre « naturel », du « contrôle à tout prix », et de rouvrir un espace à la dimension proprement religieuse du respect de la vie.

  • 8 Comme l’ont montré les deux visites pastorales du Souverain Pontife aux États-Unis : en août 1993 à Denver et octobre 1995 sur la côte Est.

  • 9 Et que les scandales déjà suscités par les défaillances de représentants de l’Église avaient de quoi troubler les esprits : révélations et procès pour affaires de mœurs se multiplient et s’aggravent au début des années 1990.

  • 10 En ce cas, l’information est méticuleusement préparée et la disponibilité maximale, comme lors des visites de Jean-Paul II (1987 et 1993/1995) ou des conférences du Caire (1994) et de Pékin (1995) auxquelles Gail Quinn, alors « Directrice exécutive » du Secrétariat, participait comme déléguée du Saint-Siège.

  • 11 Un court téléfilm de vingt minutes, de facture hollywoodienne, montrant « le voyage d’une adolescente depuis le désespoir d’une clinique d’avortement à l’espoir d’une vie nouvelle », et incluant des publicités pour des alternatives.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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