Le christianisme et la question du théologico-politique, préf. P. Capelle-Dumont
Bernard BourdinMoral y derecho - reviewer : Matthieu Bernard
Une première section effectue un parcours de la philosophie politique occidentale jusqu'à la Modernité, parcours dont les principaux moments sont Hobbes, Spinoza et Hegel ; les impasses du totalitarisme et de la démocratie libérale sont soulignées : écartelés entre individualisme et universalisme abstrait, il leur manque une double médiation, celle de l'institution politique et celle de la transcendance (religieuse). L'A. effectue alors une lecture critique de la « sécularisation », avec Arendt, Strauss, Blumenberg et surtout Gauchet.
Pour réhabiliter une « image chrétienne de l'histoire », l'A. se tourne ensuite vers Carl Schmitt : sa théorie de la visibilité de l'Église permet de penser une homologie de structure entre Église et État et donc de fonder une pensée de la représentation politique, médiatrice entre l'individu et la société. Comme le montre toutefois la lecture croisée avec Peterson, la pensée de Schmitt risque d'« immanentiser » la médiation chrétienne, par manque de pensée eschatologique.
C'est donc auprès d'une conception juive de l'histoire qu'il convient de corriger l'approche de Schmitt. L'A. relève dans une 3e partie des « divergents-accords » entre Rosenzweig et Schmitt, et finalement entre le christianisme et le judaïsme : la distinction articulée de ces deux approches permet de penser non plus une « théologie politique », désormais impossible, mais une « théologie du politique ». Cette dernière se laissera éclairer par l'enracinement dans l'AT et les médiations royale, sacerdotale et, surtout, prophétique en jeu dans le peuple de Dieu et dans l'histoire avec les autres peuples.
L'ouvrage est de lecture difficile, il ne constitue pas une introd. à la question traitée. Certaines notions, pourtant essentielles, ne sont pas suffisamment définies pour un lecteur non averti et l'articulation entre théologie et philosophie du politique serait à préciser. Nonobstant ces réserves, on trouvera dans cet ouvrage une ample source de réflexions et des pistes précises pour repenser les relations entre société, État et Église. - M. Bernard