Ayant pu disposer d'archives inédites, l'A. nous donne une excellente biographie d'un homme qui a incontestablement marqué profondément son temps. On ne s'attardera pas ici sur les grandes étapes de la vie de G. B. Montini. Rappelons seulement que, ordonné prêtre en 1920, et après des études complémentaires au Collège lombard à Rome puis à l'Acad. des Nobles ecclésiastiques, il est engagé dans l'administration pontificale, tout en étant pendant huit ans assistant ecclésiastique de la Fuci ; il deviendra un personnage de premier plan de la Curie jusqu'à être nommé pro-secrétaire d'État pour les affaires ordinaires en 1952, avant d'être envoyé comme archevêque de Milan en 1954 ; en 1963, il succédera à Jean xxiii.
Le sous-titre de l'ouvrage est, pourrait-on dire, la « thèse » de l'A. quant à la compréhension de la personnalité et de l'action de Paul vi, qu'il n'hésite pas à comparer « aux monarques du xviiie s. qui avaient voulu réformer l'État en appliquant le programme de la philosophie des Lumières » (p. 11). Certains lecteurs se souviendront sûrement d'avoir vu Paul vi dans des reportages de la presse écrite et audiovisuelle : l'apparence était réservée, mais d'une grande et simple dignité, qui contrastait sans nul doute avec le port hiératique de Pie xii et la bonhomie de Jean xxiii. Tel qu'on peut l'approcher par ce livre, il se posa en héritier de ces deux pontifes. Oui, il fut « souverain », conscient de la gravité de toutes les charges qui lui furent confiées, en particulier celle de pape : il savait qu'à ce titre, il avait un rôle tout à fait primordial dans la vie de l'Église et qu'il devait user de toutes les prérogatives et privilèges attachés à ce ministère pour le bien de cette Église qui eut parfois bien de la peine pour rencontrer un monde en profonde mutation. Oui, il fut « éclairé ». Certes, quelques situations - pour le moins complexes - ont pu quelque peu lui échapper ; mais on ne peut nier que cet homme d'une haute culture n'en aborda aucune à la légère et qu'il eut une capacité de repérer tout ce qui avait de l'importance dans le monde contemporain, que la foi chrétienne, dont il voulut contre vents et marées garder l'essentiel, ne pouvait ignorer. De plus, on ne peut qu'être sensible à son souci, poussé parfois jusqu'au scrupule, du respect des personnes - ce qui ne veut pas dire qu'il ne savait pas être ferme. Souvenons-nous, rien que pour la période de son pontificat, de sa volonté de poursuivre le concile que d'aucuns souhaitaient ardemment voir arrêté après la mort de Jean xxiii, son égale volonté de faire aboutir la réforme liturgique, ses grands voyages qui sortaient l'Église de l'Europe, avec ce qui me semble être un sommet de son action, à savoir son voyage à l'ONU en 1965 où il prononça un discours qui est un authentique chef-d'oeuvre. On ne peut finalement que souscrire à l'expression du pape François au sujet de son prédécesseur, rappelée sur la 4e de couverture : il « n'eut pas peur de la nouveauté ». Oui, un « souverain éclairé », qui eut parfois d'ailleurs quelques opposants déterminés.
J'avoue avoir quelque réticence à avaliser l'ultime phrase de l'A. qui dit qu'à sa mort, « Paul vi laissait de nombreux orphelins, mais il n'eut pas d'héritiers ». L'A. me pardonnera certainement d'é prouver une grande admiration pour ce pape qui fut celui de ma jeunesse. Il me semble précisément que, au vu de certaines de ses grandes décisions et orientations, tout particulièrement cette volonté de poursuivre Vatican ii, il a tracé des voies royales à ses successeurs et que tant l'Église que le monde actuels lui doivent infiniment plus qu'on ne le pense peut-être spontanément.
L'A. me permettra également deux petites rectifications de détails : p. 30, il est dit qu'en 1919, « il reçut les ordres mineurs (exorcistat, sous-diacre, diacre) » ; en réalité, les ordres mineurs n'étaient pas limités au seul exorcisme, et le sous-diaconat et le diaconat étaient des ordres majeurs ; p. 208 : il y est question de la « réduction des corps de garde pontificaux à trois (garde suisse, garde palatine, gendarmerie pontificale) » ; en réalité, seule la garde suisse fut maintenue en 1970.
Cela étant, terminons en soulignant à nouveau la qualité de cet ouvrage dans lequel, par ailleurs, l'A. reconnaît que plus d'un épisode de la vie du pontife ne peut encore être compris de manière totalement satisfaisante du fait de l'absence d'une documentation suffisamment étayée. Car, outre l'étude d'une personnalité fascinante par bien des aspects, il constitue aussi une excellente approche de l'Église et du monde contemporains et introduit fort bien à ce qu'il advint par la suite. - B. Joassart s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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