Aimé Forest et une «sagesse plus haute que le thomisme…»

Michel Mahé
Filosofía - reviewer : Hubert Jacobs
Le philosophe Aimé Forest commencerait-il à sortir du silence où, depuis sa mort, il semblait disparu? Après Pierre Fontan et Pierre Masset, Michel Mahé s'efforce de nous le faire connaître. En 1999, il avait publié Christianisme et philosophie chez Aimé Forest. Voici maintenant un petit ouvrage où il resitue la philosophie du réalisme spirituel dans toute l'ampleur de son horizon. Bien sûr, A. Forest a été thomiste: c'était un philosophe thomiste. Dans sa formation comme dans son oeuvre, saint Thomas occupe une place fondamentale. Face aux idéalismes, la philosophie forestienne fut une pensée de l'être. Son intuition se trouve dans le consentement à l'être qui seul permet à l'élan métaphysique de s'accomplir, car seul ce consentement permet de reconquérir l'être sur l'ensemble de ses déterminations, en le rejoignant dans la profondeur de son acte. C'est ce consentement qui permet à la démarche métaphysique de saisir l'être dans sa vérité et dans sa valeur. Cette attitude, Aristote l'avait découverte, mais de manière seulement inchoative car, s'il constatait l'être, il ne parvenait pas à en rendre complètement raison. C'est Thomas d'Aquin qui, dans la lumière de sa foi, a pu conduire les limites aristotéliciennes à leur achèvement ontologique.
Mais la réflexion d'A. Forest ne pouvait en rester au seul thomisme. Le mouvement de son esprit l'amena à trouver lumière et plénitude chez saint Augustin, chez saint Bernard, chez d'autres penseurs encore. Ils lui firent découvrir que le réalisme véritable ne peut être que spirituel. Sa propre philosophie s'élabora dans le refus d'un réalisme non réflexif, tout autant que d'un spiritualisme sans souci de l'être. Le consentement n'est plénier que lorsqu'il conduit à ce lien spirituel où se trouve l'unité indissociable des deux pôles du cheminement métaphysique. La pensée d'A.F. s'est ainsi révélée philosophie du lien spirituel, par delà un thomisme d'ailleurs jamais renié, dans une métaphysique de l'amour, elle-même finalisée par l'expérience religieuse. L'affirmation de la découverte d'une sagesse plus haute que le thomisme n'a pas détourné A. F. de saint Thomas. Par delà la lettre, A. F. a retrouvé l'esprit, mieux il y a trouvé une philosophie de l'esprit et l'ouverture à une sagesse chrétienne intégrale. Ainsi que le dit l'A., le réalisme thomiste portait pour lui les germes d'un spiritualisme et d'une mystique que développent la spiritualité augustinienne et la mystique bernardine et sanjuaniste. Mais, ajouterions-nous, A.F. n'en a pas pour autant négligé l'enracinement corporel de notre esprit: il n'est que de relire ses pages d'introduction à Gabriel Madinier pour s'en convaincre. - H. Jacobs sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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