Analogia filii. Filiazione e bioetica da Gaudium et spes a Dignitas personae, préf. R. Tremblay

Ermanno Barucco o.c.d.
Moral y derecho - reviewer : Alain Mattheeuws s.j.

Ce livre est une référence pour traiter les questions délicates posées sur la filiation dans les développements bioéthiques. Nous en percevons l’actualité en milieu francophone. Ce travail long et imposant est le fruit d’un doctorat suivi par le prof. R. Tremblay à l’Academia Alfonsiana à Rome.

La première partie étudie avec précision le chap. 22 de Gaudium et spes et son sens christologique lié à un concept clé : l’adoption filiale. GS 22 est situé dans le contexte global de la Constitution (chap. 1), son vocabulaire biblique est mis en évidence, ses accents liturgiques (chap. 3) et patristiques (chap. 4) sont approfondis. Cette lecture permet de souligner les traits du Christ, vrai Dieu et vrai Homme, et d’aborder l’anthropologie filiale du passage (chap. 5). Ce dernier chap. est dense : il nous offre la base future d’une théologie de la filiation.

La seconde partie est très neuve puisqu’elle nous donne un « fil rouge » pour comprendre la réception de GS 22 dans les documents du Magistère concernant la théologie morale et la bioéthique. De manière diachronique, l’A. met ainsi en évidence le déploiement de la réflexion et de l’interprétation de K. Wojtyła face aux grands défis en ces matières. L’horizon déployé a supposé un long travail de discernement et de découverte de cette richesse. D’abord centré sur le philosophe, le théologien et puis sur les réflexions plus générales de Jean-Paul ii comme pape (chap. 6), l’étude s’attache à repérer cette présence de GS 22 dans Donum vitae (chap. 7), sa créativité dans les textes relatifs à la morale (chap. 8 : CEC, Veritatis Splendor, lettres aux familles, Evangelium vitae), sa transposition dans Dignitas personae (chap. 9). Cette partie atteste déjà la nouveauté conciliaire et sa fécondité dans le temps qui est le nôtre.

Sur ces fondements impressionnants, la troisième partie peut aborder l’analogie filiale, clé d’interprétation théologique des questions bioéthiques. Les premiers pas de cette analogie sont posés en lien avec l’Écriture et les découvertes de S. Yamanaka : nous sommes aux portes d’une analogie « descendante » (Pourquoi ne pas utiliser le terme technique de catalogie ?) qui fixe les articulations d’un discours théologique et moral en bioéthique (chap. 10). Mais il faut en montrer les fondements scripturaires en lisant attentivement Jn 1,1-18 (chap. 11), Rm 8 (chap. 12), Col 1 (chap. 13). Ces trois chap. nous permettent de découvrir les analogies de l’image, de la vie, du corps et du fils et se concluent sur un des aspects les plus riches de la thèse (chap. 14) : la comparaison de ces analogies, leur usage dans les textes de bioéthiques et la véritable fécondité de l’analogie filiale inversée, c’est-à-dire à partir du Fils et sous forme de théologie descendante. Il y a une richesse insondable dans le terme de fils. Pourquoi l’utilisons-nous en l’appliquant à Jésus, aux chrétiens et à tous les hommes ? Ce mot est une analogie, dit l’A., « s’il existe une corrélation de similitude (…) dans la signification qui lie ceux à qui elle est attribuée ». Ces modes divers d’être « fils » du même Père constituent, grâce à l’action de l’Esprit, une analogie filiale descendante : non pas de l’humanum au divinum, mais du divinum à l’humanum, en passant par le christianum. Cette description d’un nouveau « paradigme » (l’analogia filii), de sa force d’application en bioéthique, et de sa fécondité pour d’autres figures d’analogie, est véritablement originale.

Pour susciter la lecture de cette belle œuvre, nous soulignons combien le chemin parcouru, même s’il est complexe et s’il ne renie pas les bases d’un vrai personnalisme, est fécond et original parce qu’il place résolument le « monde symbolique » (issu de l’Écriture et de la Tradition) au centre de toute l’anthropologie chrétienne. Ainsi, nous découvrons le sens profond de certains mots utilisés dans l’argumentaire bioéthique : corps, vie, fils. L’usage de l’analogie en théologie peut la renouveler « jusqu’à le comprendre comme un élément de réflexion rationnelle dans ces questions de bioéthique ». En se centrant sur les symboles, on n’enlève pas une force rationnelle au développement théologique et, par ailleurs, on lui découvre une raison nouvelle et un sens apologétique.

Ce livre nous offre quelques « fondements » pour la réflexion. Sa complexité apparaîtra à la plupart des esprits mais les études scripturaires permettent d’entrer plus facilement dans une logique qui n’est pas la plus courante. Le parcours est cohérent de bout en bout. La réalité de l’homme apparaît dans toute sa grandeur. Pour ceux qui désirent découvrir la créativité de certaines intuitions conciliaires, il leur suffit de se plonger dans cette étude imposante qui vise l’unité de l’être humain à partir de l’unité divine. En témoigne la réflexion « pratique » sur le statut de l’embryon humain.

Concluons par une question qui n’est pas que rhétorique et qui doit intéresser ce courant théologique rassemblé dans le groupe de recherche Hypsosis fondé par Réal Tremblay. Cette étude est axée sur la filiation et ce que l’analogie filiale nous permet d’en dire à partir de la venue du Verbe en notre chair et de l’adoption filiale reçue comme attestation du salut. La lecture de Jean-Paul ii confronte cependant tout chercheur à une autre définition anthropologique : l’être humain est sponsal. Elle permet de mieux appréhender le mystère de l’homme et de la femme, de leur union et de leur fécondité ainsi que la beauté des états de vie. À la racine de son être, tout homme est à la fois « filial » et « sponsal » ! Mais existe-t-il une antériorité structurelle de l’un des qualificatifs sur l’autre ? — A. Mattheeuws s.j.

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80