Bérulle et la question de l'homme. Servitude et liberté

R. Cadoux
Teología - reviewer : Paul Detienne s.j.
La servitude est la clé de voûte de la doctrine de Bérulle (1575-1629). L'A., oratorien, directeur spirituel au séminaire des carmes, en scrute la manifestation à travers les divers ouvrages du cardinal, dont il cite de nombreux extraits. D'abord reconnue comme servitude du péché, dont nous demeurons esclaves même après le baptême, elle manifeste, dix ans plus tard, en 1609, la contingence de la création (néant, fumier, rebut, boue, fange, excrément perpétuel), que Bérulle pense selon le schéma platonicien d'exitus-reditus. Au temps de la fondation de l'Oratoire, ses membres sont appelés à faire partie d'un chorus Mariae et d'un chorus Jesu: ils prononcent, en 1614, le voeu de servitude à Marie (à qui Jésus délègue une part de sa souveraineté) puis, en 1615, le voeu de servitude à Jésus. Bérulle s'est beaucoup interrogé sur l'articulation de ces deux servitudes. Cette même année 1615, il tente d'imposer le voeu marial également aux carmélites (dont il est le visiteur général), ce qui provoque une querelle qui dure huit ans. Bérulle revoit alors sa copie: le voeu de servitude cesse d'être une initiation mystique pour une élite privilégiée; il est proposé comme un renouvellement des engagements du baptême, qui nous fait membres du Corps Mystique du Christ… et par lequel nous devenons esclaves comme Jésus et comme Marie. Analysant cette servitude de la grâce, l'A. note la relative discrétion de Bérulle concernant le Saint-Esprit. Il pose alors la question de l'antihumanisme radical de Bérulle, qui ignore la théologie des réalités terrestres à la manière des humanistes chrétiens pour qui, nous dit l'A., la grâce est une simple élévation de la nature, en une continuité presque sans relief… tandis que Bérulle la voit comme une rupture, un saut qualitatif. L'A. évoque ici un humanisme christologique: plus nous sommes remplis de Dieu, plus sommes-nous hommes, participant au mystère du Verbe incarné: Je vois les hommes être Dieu, écrit Bérulle. L'homme ne devient vraiment libre que lorsqu'il se fait serviteur de Dieu, comme le Christ. En terminant, l'A. s'interroge sur l'actualité de la pensée bérullienne, ce qui l'amène à se pencher sur L'Homme-Dieu de Jules Ferry. Un ouvrage limpide, enrichi d'une abondante bibliographie. - P. Detienne sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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