L'A. refuse la Révélation parce qu'il la comprend mal; une vraie connaissance de l'Écriture et de l'herméneutique actuelle aurait pu l'aider. La foi judéo-chrétienne ne s'appuie pas sur un aérolithe mythologique, mais sur une Présence qui affleure en l'homme et qui conduit son esprit et son coeur, progressivement, à la découverte, bien historique, du Dieu unique, dont Jésus nous a dévoilé l'intimité. Cette intimité ne se confond pas avec la propre identité de l'homme, ou le «sens» qu'il dicte à sa vie; elle se donne comme «filiation divine» qui invite à un acquiescement. Les termes de l'histoire disent cela beaucoup mieux que ceux d'une idéologie abstraite. Mais pour l'admettre, il faut une conception de l'histoire qui ne soit pas positiviste, et une perception de Dieu née d'une rencontre personnelle. Les débuts de l'exégèse biblique scientifique ont aussi amené certains commentateurs à mettre leur foi en question. Tentation qui peut être salutaire dans la mesure où elle aboutit à un dépassement. Au lieu de jeter par-dessus bord les récits bibliques pris à la lettre, sans approfondir la dimension symbolique et le fonctionnement du langage, il eût mieux valu, après une première approche des philosophes du soupçon et de la modernité, réfléchir à l'intérieur de la foi et tenter de comprendre comment l'obéissance à un Dieu «surgi d'en-haut» constituait en fait la libération intérieure. Il est significatif que l'A. ne dise pas grand-chose sur la prière et rien sur la contemplation, comme si l'adoration, la louange et le dialogue avec Dieu étaient inexistants ou illusoires. Il mobilise son attention sur l'action caritative engagée!
Tout n'est cependant pas à rejeter dans ce livre, malgré les hérésies qu'il véhicule (et qu'il concède) et les erreurs d'une réflexion trop courte. Loin de là! Je conseillerais même sa lecture aux évêques, aux responsables et aux professeurs de séminaires. Car, chemin faisant, il dénonce des erreurs de parcours, des maladresses parfois coupables de la hiérarchie, des négligences dans la formation. Il est vrai que la désaffection actuelle pour les choses de la foi vient de la mise en question de toute forme de religion, qui s'origine dans le modernisme et l'humanisme: quand on ne perçoit plus Dieu comme une personne, on est forcément réduit à sa nature humaine. Pareille lecture pourrait même être bénéfique si elle nous fait rechercher, non une parade ou une réfutation, mais une refonte réelle de notre foi, dont le contenu, détaillé dans le symbole des apôtres, est une histoire, non une idéologie, fût-elle de charité. La pratique évangélique est oeuvre de l'Esprit Saint en nous. Aujourd'hui, la modernité s'insinue insidieusement dans les trois religions monothéistes pour les ramener à une religion naturelle. Les jeunes sont des proies faciles, car ils ne sont pas intellectuellement outillés pour répondre à cette vague subversive. Mais nous sommes effectivement confrontés à ces perspectives séculières savamment orchestrées par les médias. Aussi ce livre est-il de nature à semer le trouble dans nombre de consciences! - J. Radermakers, S.J.