Le «tu» auquel l'A., prêtre écrivain, s'adresse dans cet extrait de
journal intime, est une femme, sa collaboratrice vingt ans durant.
Il l'a accompagnée, avec tendre dévouement, pendant les huit mois
de sa dernière maladie. Le texte, soutenu par un leitmotiv
eucharistique, et hachuré de «Notre Père» douloureusement éructés,
est illustré de citations d'auteurs qui les faisaient vibrer: «Je
crois en la vie éternelle, parce que je la vis». C'est l'histoire
d'un dénuement multiple, à la fois charnel, spirituel et affectif…
et partagé. Un mot en surnage: transsubstantiation. Et une question
lancinante: «est-ce que je connais ta souffrance?» Et une prière
surgie des profondeurs: «que chaque visite se fasse un peu plus
'visitation'!» Il peut y avoir, constate douloureusement l'A.,
quelque chose de possessif dans l'accompagnement: ôter ses
sandales… se dévêtir d'une présence trop pleine. Rideau. On entend,
dans les coulisses, le lecteur murmurer: partir, et laisser partir,
après s'être dit l'essentiel. - P.-G.D.