Chercher Dieu dans sa parole. La Lectio divina
Guy-Marie Oury o.s.b.Espiritualidad - reviewer : Alain Mattheeuws s.j.
L’abbaye de Solesmes nous invite à faire une « belle promenade » dans la Parole de Dieu et à mieux comprendre ainsi la valeur spirituelle de la lectio divina à l’école d’un de ses membres. Le livre est facile d’accès, très instructif, sobre et adapté à la vie chrétienne d’aujourd’hui et à la grande soif spirituelle du peuple chrétien. Une brève note biographique sur l’A. aurait fait du bien aux jeunes générations : dom Guy-Marie Oury, historien de l’Église franco-canadien, enseigna à la Faculté de théologie et de sciences religieuses d’Angers, il est décédé en 2000. Qu’est-ce que la lectio divina (chap. i) ? Comment s’est-elle développée dans l’histoire et quelle est sa matière (ii-iii) ? Pourquoi privilégier les Pères de l’Église (iv) ? Les liens entre lectio divina et formation doctrinale et son écho avec la culture contemporaine sont bien envisagés mais mériteraient un déploiement plus large par de nouvelles générations d’auteurs (v-vi).
La Parole de Dieu est présentée dans toute la tradition chrétienne comme l’une des deux « mensae Domini », l’une des deux tables ; St Jérôme, p. ex., dit qu’elle est aussi « pain du Christ, chair de l’Agneau, son corps et son sang (…). La lectio est donc une sorte de communion, une manducation spirituelle. Le moine ne doit rien laisser perdre, veiller à ce qu’aucune miette ne tombe à terre » (p. 22). Ce trésor est appelé à être respecté, aimé, conservé et les Pères de l’Église insisteront sur ce point car « l’Écriture est une manne que nous avons à recueillir dans notre traversée du désert, avec sollicitude » (p. 22). L’intelligence est convoquée pour que le cœur s’ouvre, écoute et parle. « Le but est Dieu ; la lectio est un chemin » (p. 23). L’A. insiste sur les diverses formes de la lectio et nous met en confiance face à un type particulier de lecture qu’il convient de faire dans les dispositions nécessaires : après le travail, la prière, la lectio. Même si les observations et les conseils donnés concernent plus la vie monastique, ils peuvent s’adapter à tout chrétien qui vise une croissance de son union à Dieu et un développement de son intériorité spirituelle.
Dans l’histoire de l’Église, cette lectio est incontournable et les auteurs cités sont nombreux : depuis Clément d’Alexandrie et Origène, en passant par les Pères du désert, les cénobites, St Jérôme, St Cassien, St Benoît et Grégoire le Grand, les moines médiévaux… Nous découvrons les accents des uns et des autres et mesurons les conditions précaires de la lecture. La passion de la lectio divina passe par la lecture et l’écriture et ce ne fut pas toujours aisé. L’A. insiste sur l’alliance entre l’étude et la lectio tout en n’accentuant pas les distinctions modernes et en évitant ainsi toute séparation délétère. La matière de la lectio fut le plus souvent contenue dans de modestes bibliothèques, mais le moine était finalement amené à lire beaucoup (cf. La Règle de saint Benoît) car la lectio est une arme pour la vie spirituelle et le combat pour Dieu. La sainte Écriture est au fondement. « Elle est le Livre par excellence » (p. 72). Mais la Parole de Dieu est aussi entendue dans les offices. Elle est chantée. Cette lectio est flexible et peut se nourrir d’une littérature ascétique et des vies des saints (hagiographie). De fait, la lectio peut être une simple « scriptio » : elle est aussi appelée à se saisir de toute circonstance. L’A. privilégie les Pères de l’Église car « avant de parler, ils ont médité la sainte Écriture devant Dieu, sollicitant la lumière dont ils avaient besoin pour éclairer les fidèles ; beaucoup de commentaires (…) gardent encore leur forme originelle : orale, primitive, directe, pastorale » (p. 98). L’exégèse des Pères est stimulante car leurs commentaires suscitent l’amour. La lectio de leurs œuvres nous fait entrer en amitié avec eux. Le renouveau conciliaire passe par eux.
La formation doctrinale et la lectio divina sont étroitement liées : le courant sapientiel dans la Bible en est une preuve, mais la vraie sagesse se déploie pour l’esprit humain dans cette alliance. Les voies de l’intelligence sont exigeantes, mais elles nous offrent une connaissance vraie de Dieu en résonance avec la lectio. Il n’y a pas de conflit entre les études et la lecture spirituelle : « l’étude est nécessaire à une vie spirituelle profonde ; il y a une manière d’étudier la théologie qui aide la vie de prière ; la lectio est moins conceptuelle ; la lectio et les studia sont complémentaires, non exclusifs » (p. 124). Cette prise de position est encore d’actualité et pourrait inspirer de nombreuses recherches théologiques aujourd’hui. La lectio reste un lieu d’inspiration et de contestation de la manière dont il convient de faire la théologie. Les études profanes entrent aussi dans l’enrichissement du mystère de Dieu dont la lectio finalement nous donne et nous redonne toujours le goût et la consolation. La lectio est une œuvre de foi. — A. Mattheeuws s.j.