Dans sa collection de thèses de théologie, l’Université San Damaso a individué une série consacrée au père Le Guillou. Même si 13 vol. ont déjà été publiés, c’est seulement le deuxième livre rédigé par un auteur et consacré à sa théologie, l’autre concernant l’expérience spirituelle. Ce livre de M. Taba, qui fut d’abord une thèse, expose l’ecclésiologie de Le Guillou. Mais, loin d’en rester à celle-ci, il l’encadre d’abord en amont par un exposé de l’enseignement de Vatican ii sur la Tradition et la Mission (1^re partie). Face à une conception plutôt objectiviste de la Tradition, il a souligné que l’Église en est le sujet vivant, rendant ainsi la Tradition vivante. Toutefois, le concile n’a pas développé cette intuition en ecclésiologie ; de même, Dei Verbum 8 n’a pas inclus « la mission parmi les éléments causaux du progrès de la Tradition » (p. 154). La 2^e partie montre que Le Guillou répond à ce manque. En effet, dans le sillage du concile, il propose une ecclésiologie mystérique ou sacramentelle qui conjugue visible et invisible. Or, cette constitution théandrique s’actualise progressivement dans l’histoire par l’exigence missionnaire. Celle-ci donne naissance à la Tradition vivante qui joint le passé au présent, mais ouvre aussi celui-ci à la plénitude eschatologique dans le futur, ce que Le Guillou appelle « la plénitude catholique » (p. 351). Dès lors, Tradition et mission sont ordonnées dans l’histoire et fondées dans le sujet immanent qu’est l’Église et transcendant qu’est l’Esprit. Mais, développant ces intuitions sur la Tradition dans le cadre du dialogue œcuménique, Le Guillou ne les a pas systématisées, de sorte qu’une 3^e partie propose, en aval, quelques pistes en ce sens : la Tradition et la mission à la lumière des missions trinitaires ; la présence d’une paradosis déjà dans l’AT ; le rôle maternel de l’Église et de la Tradition comme « milieu » (p. 450).

Ainsi, de manière rare, avec une véritable hauteur de vue et une belle culture théologique, l’A. a su tout à la fois honorer la pensée du père Le Guillou et proposer de féconds dépassements. Rappelons qu’aucune monographie francophone n’existe encore à ce jour sur l’œuvre pourtant novatrice du dominicain français. — P. Ide