Professeur de philosophie morale en Sorbonne, l'A., elle-même mère
d'une fille handicapée (cf. son ouvrage Les petits-fils de
Job, 1990), présente le polyhandicap de naissance comme une
cause de souffrances permanentes. Après avoir considéré les
solutions légales concernant le droit à l'avortement (la loi Veil
de 1975, qui répond à un besoin réel de solidarité et de
compréhension envers les femmes; la loi Guigou de 2001, qui
déresponsabilise le couple), elle étudie la genèse de l'arrêt
Perruche: alors que la mère et la Caisse d'assurance-maladie ont
déjà été indemnisées, la Cour de Cassation prononce un jugement de
compassion qui n'est pas de son ressort; au lieu de laisser aux
services sociaux la responsabilité de l'aider à vivre dans la
dignité et la sécurité, elle reconnaît à l'enfant handicapé
lui-même (discutablement représenté par sa mère) le droit à une
indemnisation en raison du préjudice qu'il subit d'être en vie.
Cette reconnaissance du droit à ne pas naître (une effarante
élucubration) fera jurisprudence, elle aura de graves conséquences
juridiques, financières, éthiques, elle ouvre la voie à la
tentation d'euthanasie eugénique. L'A. se penche alors sur les
droits inaliénables du polyhandicapé, qui est une personne humaine
à part entière, qui est notre égal, et qui veut vivre: la société
lui doit ce qu'il n'a pas reçu. Elle étudie le problème délicat de
sa vie affective et sexuelle. Elle nous met en garde contre notre
désir obsédant qu'il soit autre qu'il est. Elle montre comment la
peur de la mort et l'orgueil de l'intelligence nous empêchent
d'accepter l'humanité de celui qui semble en être privé. Elle
termine en évoquant Mt 25,40: le polyhandicapé, le plus petit
d'entre mes frères, c'est Moi. - P. Detienne, S.J.