Javier Hervada, professeur à l’Université de Navarre (Pampelune), est décédé en 2020. La traduction anglaise de son introduction critique au droit naturel connaît ici une seconde édition, vu l’importance qu’a prise cet ouvrage dans le domaine de la philosophie du droit. L’inspiration est classique (Aristote, Thomas d’Aquin) définissant réalistement le droit comme ce qui est juste. Par-là, ce manuel pédagogique d’introduction se veut en même temps critique par rapport aux conceptions contemporaines qui réduisent trop facilement le droit à la loi objective. Pour rendre à chacun le sien, il faut en effet tenir compte du fait que, avant même l’énoncé de la loi, la personne humaine se possède en quelque sorte elle-même, et donc détient d’emblée – par nature – un sien, à commencer par sa propre dignité, qui fonde toute la construction juridique ultérieure. L’art juridique consiste alors à vouloir donner à chaque personne le droit, c.-à-d. l’objet qui lui revient en tant que personne. Les données essentielles de la nature humaine fournissent ainsi à la raison pratique les fins qui vont guider le travail de la justice (commutative, distributive ou légale) ; elles seront heureusement complétées par la loi positive qui choisit les moyens par un acte que pose cette même raison pratique. Passant alors de l’analyse des droits naturels inhérents à la personne à celle de la loi naturelle, l’A. garde logiquement la même insistance sur l’objectivité de la nature humaine, et de ses diverses tendances converties en autant d’obligations : c’est à partir de ce qu’il est déjà que l’homme tend et doit tendre vers ce qu’il n’est pas encore.

L’intérêt pratique de l’ouvrage est assurément limité car les exigences « ontologiques » de la nature humaine ne sont décidément pas simples à déterminer ; en outre, ce discernement est souvent perturbé par la nécessité d’appliquer ces exigences-là dans un contexte historique qui oblige quelquefois le législateur à modifier les préceptes qu’il déduisait autrefois de la loi naturelle. Mais, si peu opérationnelle qu’elle soit sur le terrain quotidien des juristes, la référence au droit naturel reste la donnée la plus fondamentale pour résister à ce que l’A. appelle l’arrogance du pouvoir qui se considérerait comme seule instance autorisée à formuler le droit. — X. Dijon s.j.