De l'anamnèse eucharistique à l'anamnèse ecclésiologique. Étude de l'anamnèse comme principe structurant de l'Église
P. Jacques Sungu-MaigendeTeología - reviewer : Gonzague de Longcamp c.s.j.
Pour répondre à cette question, l'A. commence par une étude historique. Du donné biblique d'abord : faire mémoire est l'acte essentiel de l'Alliance de Dieu avec Israël. Le peuple dans sa prière demande à Dieu de se souvenir de lui et, en retour, Dieu l'invite à se souvenir de l'alliance dans la liturgie, la prière et la vie de la communauté. Malgré la précision de l'analyse, on regrette que l'A. mette peu en lumière la dimension actualisante et eschatologique de l'anamnèse.
Ensuite, dans le 2e chap., l'A. développe la théologie de l'époque patristique au concile de Trente. Dans un style simple et précis, il reprend des sources bien connues et les éclaire de manière nouvelle. Il montre, p. ex., comment l'anamnèse permet de faire le lien entre l'unicité du sacrifice du Christ et la multiplicité des célébrations. L'étude de l'anamnèse apporte, par ailleurs, un éclairage intéressant sur les querelles eucharistiques médiévales et la question de la « re-présentation ».
Enfin, le 3e chap. est tout entier consacré à l'étude de Vatican ii et la problématique de l'anamnèse. Là encore, l'A. analyse des textes bien connus sous un jour nouveau. Il met p. ex. en lumière le lien entre la présence du Christ et la commémoration liturgique (cf. p. 153).
L'étude détaillée des sources et principalement du Concile permet à l'A. d'en venir à sa question théologique principale : la dimension « anamnésico-ecclésiologique » de l'Eucharistie, d'une part (chap. 4), de la Parole de Dieu, d'autre part (chap. 5), et leur circularité avec l'épiclèse. On entre là dans une question centrale. Le mémorial du Christ, particulièrement dans sa dimension liturgique, est inséparable de la dimension épiclétique, c.-à-d. de l'action de l'Esprit, non seulement dans la transsubstantiation, mais dans la constitution de la communauté célébrante. Pour bien comprendre cela, l'A. se livre à une analyse de différents rites, tant catholiques, qu'orthodoxes ou même protestants.
Ce n'est finalement qu'au bout des 347 p. que l'A. en viendra, dans un dernier chap., à l'analyse théologique de sa question : « Les retombées positives de l'anamnèse eucharistique dans la structuration de l'Église ». Et il valait réellement la peine d'arriver jusque-là. La moisson de ce 6e chap. est abondante et permet d'aborder des questions théologiques et pratiques cruciales. L'anamnèse conduit à regarder les relations du Christ et de l'Esprit dans l'Église. Certes, c'est le sacrifice du Christ qui est célébré, mais cela ne peut se faire que grâce à la présence et l'action de l'Esprit qui conduit l'Église dans la vérité tout entière. Prendre toute la mesure du mémorial célébré invite en même temps à regarder la vie des communautés chrétiennes dans le service, la mission et l'unité des chrétiens. Regard qui apparaît, aux yeux de l'A., particulièrement pertinent pour le continent africain.
Dans sa concl., l'A. qualifie son travail de « long pèlerinage intellectuel ». Comme le pèlerinage des Hébreux, il n'est pas dépourvu de quelques longueurs, qui pourraient lasser le lecteur. Pourtant, chaque chap. apporte son lot de rebondissements et de nouveautés. La longueur est sans doute le prix de l'immense précision d'un ouvrage qui, partant de bases bien connues, éclaire la structure de l'Église d'un jour nouveau et stimulant. - G. de Longcamp c.s.j.