Dialogue et conversion, mission impossible? préf. Fr. Bousquet

(dir.) Thierry-Marie COURAU (dir.) Anne-Sophie Vivier-Muresan
Religiones - reviewer : Markus Kneer
Ces actes sont le fruit du colloque qui se déroula les 22 et 23 sept. 2011 à l'Inst. Catholique de Paris sous la présidence de l'archevêque de Vasaï (Inde) et ancien sous-secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, F. Machado. Ce dernier souligne dans son intervention l'importance mais aussi les tensions du document curial «Dialogue et Annonce», paru en 1991. Le 20e anniversaire du document a été l'occasion pour les responsables du groupe de recherche «Dialogue et Conversion» de l'Inst. de science et de théologie de religions (ISTR) d'organiser cette réflexion interconfessionnelle et interdisciplinaire. À la suite du rapport plutôt historique de Mgr Machado, le directeur actuel de l'ISTR, H. de La Hougue, donne une analyse théologique du document: comme concept théologique, le dialogue exige une double écoute parce que Dieu est présent dans chaque rencontre interreligieuse. À la suite de l'exemple du Christ, il exige aussi une attitude kénotique issue de l'Incarnation. Conversion signifie alors un changement de notre regard sur l'autre auprès duquel l'Esprit Saint est aussi à l'oeuvre.
Dans une 2e partie, Ph. Haddad, rabbin aux Ulis, M. Nokkari, juge musulman au Liban, et Ph. Cornu, président de l'Inst. d'études bouddhiques et prof. à Louvain, commentent «Dialogue et Annonce» à partir de points de vue non chrétiens. Haddad et Cornu soulignent l'importance d'un engagement éthique commun mais ne dissimulent pas les divergences théologiques entre leurs religions et le christianisme, tant sur le plan conceptuel que sur le plan historique. Nokkari accentue plutôt les convergences entre l'Islam et l'Église.
Avec la contribution de Y. Matta, exégète du NT à l'ICP, commence la 3e partie «Dialogue, annonce et conversion à l'épreuve de la réflexion théologique». À partir des discours missionnaires de Pierre et de Paul dans les Actes des Apôtres, elle jette un regard sur l'articulation entre annonce et conversion dans les écrits de Luc. Elle constate malgré tout des malentendus dans le «dialogue» interculturel en Ac 10 tout comme en Ac 17. D'un point de vue systématique, J.-L. Souletie, dir. de l'Inst. supérieur de Liturgie, soumet les différentes approches de la théologie des religions à une critique clarifiante: les modèles ont représenté des étapes nécessaires mais ne fournissent plus aujourd'hui de repères raisonnables pour avancer. Pourtant, dans chacune de ces approches, on trouve la qualification christologique selon laquelle, d'une part, Jésus-Christ se fait homme pour toute l'humanité et, d'autre part, la volonté salvifique de Dieu comprend tous les hommes. Cette qualification constitue le fondement du dialogue. À partir de là, Souletie propose des éléments pour un modèle alternatif nommé «théologie dialogale de la mission». Les contributions de Fr. Moog, d'A.-M. Reijnen, de B.-M. Roque, de L. Villemin et d'A. Dupleix donnent un tour d'horizon sur les répercussions du problème dans les autres disciplines et champs de la théologie, comme la nouvelle évangélisation, l'oecuménisme, l'eschatologie, l'ecclésiologie et la théologie des arts.
La 4e partie donne la voix aux jeunes chercheurs d'origines et de disciplines diverses: la rencontre entre la religion traditionnelle burkinabé et le christianisme est au centre de l'article de P. Tondé; S. Brison réfléchit sur l'apport occidental à l'articulation dialogue/conversion et sur l'attitude du théologien dans sa quête de la vérité; A. Pandarakappil s'interroge sur la manière appropriée d'annoncer l'Évangile en dialoguant avec la culture indienne.
La clôture du recueil est en fait une ouverture. T.-M. Courau, doyen du Theologicum de l'ICP, aborde les douze chantiers qu'il a identifiés à partir de la tension fondamentale entre dialogue et mission, ressentie par nombre de personnes en Occident: 1) l'étude des concepts: quelle réalité est désignée par quel concept? 2) le travail sur la dimension sotériologique de Jésus-Christ: que signifie son Incarnation pour le dialogue et la mission de l'Église? 3) la redécouverte de la Bible comme document où Dieu éduque l'homme pour le dialogue; 4) les développements dogmatiques à l'égard du dialogue; 5) l'anthropologie théologique: dans quelle mesure dialogue, annonce et conversion font-ils l'objet d'une réflexion qui rende compte de la réalité relationnelle de l'être humain? 6) la prise en compte du monde non-religieux et les défis liés à celle-ci; 7) la prise en compte des sciences humaines pour la vérification des résultats de l'anthropologie théologique; 8) à l'égard de l'ecclésiologie, il est nécessaire que le dialogue soit plus fortement enraciné au sein de l'Église; 9) l'approfondissement de l'annonce par une vraie attitude de dialogue; 10) le contexte d'une société en dialogue et l'horizon eschatologique qui s'y reflète;
11) comment penser le dialogue, comme méthode ou comme fin, entre Dieu et l'homme ou entre les personnes humaines? 12) quel est le statut épistémologique «d'une telle théologie du dialogue et de la conversion» (p. 235)?
Ces actes témoignent d'un dialogue à plusieurs voix, un dialogue inachevé mais non pas confus. C'est une chance pour le lecteur de pouvoir s'engager sur tel ou tel chemin abordé par les interventions, et de redécouvrir un document curial qui donne beaucoup à penser. Par-delà, il faut souligner la dimension spirituelle de cet ouvrage qui peut être lu comme un «itinéraire pascal», mais aussi, dans le même temps selon nous, comme un «itinéraire pentecostal». - M. Kneer

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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