Le titre est paradoxal ! Mais cet oxymore est aussi un très
bel éloge de la patience sans faille de Dieu envers nous… en
« réponse » à ce qui peut être aussi parfois notre
patient désir… envers Lui ! En tout cas, Zachée sera rencontré
par Jésus : « Bienheureux les éloignés » !
Développant ce croisement de regards et soulignant encore que c'est
Jésus lui-même qui se rend chez ce publicain curieux et
hospitalier, l'A. nous offre une méditation-réflexion stimulante
sur la démarche la plus appropriée, à son estime, pour
« voir-et-aller-vers » l'homme en recherche de la
postmodernité. Car celui-ci aussi, s'il est sincère et reste en
éveil « sur son » sycomore, est de ceux « qui
cherchent (…) et ne doivent jamais en avoir fini du Mystère de Dieu
(…) ». L'expérience de l'A., prêtre dominicain ayant connu le
régime communiste, écrivain et prédicateur demandé, lui intime
cette conviction et son espérance : « peu de choses
renvoient autant à Dieu que l'expérience vécue de son
absence », et précisant cette remarque, il ajoute :
« Sans la douloureuse expérience d'un « monde sans
Dieu », nous ne comprendrions que difficilement le sens de la
quête religieuse et de tout ce que nous voulons dire sur « la
patience de Dieu » et ses trois aspects : la foi,
l'espérance et la charité » (p. 14). Le rappel fréquent
de l'« expérience mystique », que l'A. attribue
paradoxalement à notre xxie siècle
nietzschéen, ouvrira les portes de ce Zachée postmoderne chez qui
Jésus s'invitera et opèrera une venue à la lumière hors de ses
paresseuses indifférences ou de ses fausses certitudes. Si nous
acceptons de quitter la foule versatile, de suivre l'Agneau dans sa
Pâque, de consentir à cette oeuvre de miséricorde et d'oser
fréquenter dans leur maison ces « âmes tourmentées, qui,
transcendant le chaos et l'absurdité de leur vie, font l'expérience
d'attendre le Dieu caché », alors, pour notre Zachée pénitent
aussi, le Royaume se sera invité chez lui. « L'histoire de
Zachée est un récit de conversion et de pardon, de repentir et de
retrouvaille, de réconciliation et de salut : Le fils
de l'Homme est venu sauver ce qui était perdu »
(p. 230). Et de citer cette étonnante réflexion de Simone
Weil : « Un des plaisirs les plus délicieux de l'amour
humain, servir l'être aimé sans qu'il le sache, n'est possible dans
l'amour de Dieu que par l'athéisme » (La connaissance
surnaturelle, Paris, Gallimard, 1950). Un livre très fort à
méditer et à entendre, à écouter avec le « présupposé
favorable » ignatien, en épousant la patience miséricordieuse
de Dieu à notre égard et à l'égard de
chacun. - J. Burton s.j.