Filosofia e teologia in Tomás de Jesús

Elisabetta Zambruno
T. de J., carme, est une figure assez peu connue parmi les grands mystiques du 16e s. espagnol. Sa vie est pourtant comparable à celle d'autres auteurs, surtout sur ce point-ci: la mystique n'empêche pas l'apostolat - on aura en mémoire Jean de la Croix ou Thérèse d'Avila. L'ouvrage de Z. s'attache aux oeuvres mystiques de T. de J., qui vécut de manière apostolique pendant 13 ans dans nos contrées belges - il fonda ainsi, en 1619, le «désert» de la Marlagne, sur les hauteurs de Namur. L'étude de sa mystique est développée en deux temps. Le premier déploie les éléments philosophiques et théologiques de sa doctrine; le second expose la «Censure» qu'il composa contre un écrit protestant - nous sommes à l'époque du développement du luthéranisme, particulièrement dans le nord de l'Europe.
L'exposé de la doctrine considère les caractéristiques de la contemplation. Celle-ci est à distinguer de la pensée (toujours fatigante et sans garantie d'obtenir des résultats) et de la méditation (qui parcourt longuement son sujet); la contemplation saisit en effet d'un coup son «objet», ou plutôt est saisie d'un coup par lui. Elle est elle-même de deux genres: acquise et infuse. La contemplation acquise passe normalement par les étapes de la pensée et de la méditation, mais pour les dépasser, comme si les énergies qui y avaient été mises en oeuvre ne pouvaient pas trouver là leur plein essor, qu'elles devaient passer dans la contemplation. Les étapes préliminaires à la contemplation n'y amènent cependant pas automatiquement - il y a donc déjà quelque chose de «surnaturel» dans la contemplation acquise, à laquelle d'ailleurs l'âme peut s'adonner sans en avoir une claire conscience. La contemplation infuse est par contre une «connaissance spontanée, aigue et claire, dont l'origine est aussi bien le don de l'intelligence que le don de la sagesse» (cité p. 108). Cette contemplation infuse ne résulte pas plus que la contemplation acquise d'une préparation spirituelle (ici surtout maîtrise des passions, etc.), bien que cette préparation soit indispensable. Elle est une connaissance intuitive de la réalité divine, qui entraîne avec elle la saveur supérieure et vive de la sagesse, conséquence d'une union pleinement heureuse avec Dieu. Cette contemplation infuse est unitive, selon le don libre de Dieu, si bien que la connaissance qui y est offerte corresponde en quelque sorte à la voie d'éminence de la tradition mystique. La connaissance de Dieu y est en effet négative, au sens où elle ne saisit pas l'essence de Dieu (quid est Deus), mais «seulement» son acte pur d'être (quia est). Un tel don est adressé avant tout à l'intellect, de manière ponctuelle ou en un instant; il n'est pas un habitus; il rayonne cependant dans la saveur de la sagesse; il est la grâce du passage de Dieu dont l'âme tire sa nourriture.
La seconde partie de l'ouvrage expose une dispute où T. de J. tînt un rôle important. Un texte intitulé Theologia germanica, trouvé et publié par Luther en 1516, était en train d'avoir un sérieux succès en Europe. Ce texte, où l'on trouvait des accents proches de Tauler, définissait une entente de la vie mystique d'une façon privative: dans la contemplation la meilleure, toutes les facultés humaines, tous les apports de notre connaissance devraient être mis entre parenthèses. On aperçoit là des thèses qui pourraient être aussi de T. de J., mais partiellement; d'où son entrée dans la dispute. Une traduction néerlandaise de la Theologia germanica est publiée en 1590, à Antwerpen. En 1609, y répond un certain Jerónimo Gracián dont la Vida del alma met l'accent sur les dangers d'une mystique qui pourrait en arriver à faire croire à ceux qui s'y livrent que tout leur est permis, tellement leur union à Dieu les aurait purifiés. Gracián publie une nouvelle version de sa critique à Bruxelles en 1611. Après avoir résumé la situation spirituelle ainsi bien qu'historique de la Theologia germanica, Z. expose les réactions de T. de J. (qui était arrivé en 1610 dans nos pays) rédigées dans une «censure» écrite elle aussi en 1611. Cette censure suscita la stupéfaction des bons Capucins et provoqua une Responsio du jésuite Jansson. L'année suivante, la Theologia germanica fut condamnée par le saint-Office. Parmi les arguments, notons celui-ci: si les facultés humaines sont mises entre parenthèses dans la contemplation la plus fine, le contemplatif n'est plus que sous le régime de la nécessité et peut imaginer que sa liberté et son intellect sont identiquement Dieu. La Censure publiée est en fait plus brève que son manuscrit original dont Z., y ayant eût accès, détaille les aspects théologiques, anthropologiques et moraux. En conclusion, Z. souligne combien la Theologia germanica est moderne par son éloge démesuré de l'homme. - P. Gilbert sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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