Forts dans la faiblesse. Au cœur de la non-violence évangélique

Dominique Lang
Teología - reviewer : Gonzague de Longcamp c.s.j.

Cet ouvrage n’est pas, selon son A., un traité systématique sur la non-violence, mais un partage de réflexions, à partir d’expériences vécues, sur la difficulté d’extirper des cœurs croyants des réflexes quasi-automatiques de violence.

Il commence donc par mettre en lumière les profondeurs du cœur humain d’où peut naître la violence et constate combien il est dur de laisser l’Évangile pénétrer les fibres de notre humanité blessée. L’A. interroge ainsi sur la juste attitude – entre le conformisme et la révolution violente – qui oppose une authentique limite non-violente à une violence latente qui peut, facilement, se parer des atours de la justice et de la légalité. On ne peut pas entrer dans une démarche non-violente sans débusquer les mécanismes humains de la violence à la lumière de la radicalité de l’évangile. Au-delà de ce qui apparaît comme une simple dénonciation, il aurait été pertinent que l’A. pousse plus loin l’exploration du cœur humain, de ses blessures et des mécanismes qui conduisent à la violence.

Dans une 2e partie, l’A. choisit de se mettre à l’école de grandes figures de la non-violence comme Martin Luther King ou Franz Jäggersttäter pour manifester les potentialités réelles de la non-violence et démasquer ce qu’il appelle les « paix négatives », acquises au prix de compromissions ou d’une forme de violence sociale dont tout un chacun peut être participant par son silence. Si le questionnement est juste, la dénonciation radicale, tant de la guerre que de la participation des chrétiens au nazisme, semble un peu facile. Comment juger avec tant de sévérité à 60 ans de distance ? Le propos pourra être reçu par certains lecteurs comme… violent.

L’exercice de la violence demande d’avoir la puissance à sa disposition. Cette 3e partie représente une sorte de tournant dans la réflexion et une amorce de réponse. Après avoir entamé son ouvrage par un chapitre consacré aux « persécutés », l’A. s’interroge maintenant sur les « persécuteurs ». On sera surpris d’y trouver le même sujet… et les mêmes personnes. Et pourtant, il est si difficile, martèle l’assomptionniste, même pour le chrétien de se défaire de la violence ambiante. Il s’agit ici de faire l’expérience de l’ambivalence des puissances de vie et de mort en nous pour pouvoir réentendre la nouveauté permanente des béatitudes qui fait de nous des artisans de paix, car seule la paix est juste.

Parvenu au terme d’un parcours théologique, mais surtout intérieur, l’A. nous invite à repenser la puissance en termes de dunamis, potentialité, puissance de vie. Puissance de l’évangile qui opère le seul renversement véritable : « il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles ». Celui-ci nous invite à entrer non pas dans l’impuissance, mais dans la « non-puissance », celle de l’humilité de l’évangile.

Cet ouvrage fourmille de réflexions intéressantes et pertinentes. Parfois, un peu trop rapides ou à l’emporte-pièce. Une dénonciation de la violence fondée sur l’évangile, mais teintée d’un peu d’idéalisme, ce qui est quasiment inévitable dans ce genre de débat. Peut-être aurait-il fallu prendre plus de distance par rapport à l’expérience pour en permettre une analyse plus approfondie. — G. de Longcamp, c.s.j.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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