Aujourd'hui, les hindous considèrent en général que leur religion
n'est pas missionnaire. Cette opinion semble corroborée par les
observateurs extérieurs qui se sont succédé au fil des siècles:
pèlerins bouddhistes chinois, voyageurs musulmans, marchands
européens, orientalistes… Mais ne s'agirait-il pas d'un cliché ou
encore d'un slogan? Hindou, professeur de religions comparées à
l'université McGill (Montréal), l'A. reprend la question en
parcourant les grandes périodes de l'histoire de l'Inde. Ce que,
d'un terme vague et somme toute récent, nous appelons 'hindouisme'
a dû se répandre progressivement dans tout le sous-continent
indien, mais probablement par des processus d'osmose et
d'assimilation dont nous ignorons presque tout: est-il permis d'y
voir un mouvement missionnaire? Nous ne sommes guère mieux
renseignés sur ce qui a permis à l'hindouisme de réduire, puis
d'éliminer, l'influence bouddhique. Pendant les longs siècles de
domination politique musulmane, il est parfois question de
reconversions à l'hindouisme: s'agit-il pour autant de mission? À
partir de la fin du xviiie siècle, sous le double impact de la
colonisation britannique et des missions chrétiennes, l'hindouisme
paraît se ressaisir et même, avec Vivekananda et des gourous plus
récents, amorcer un mouvement d'expansion, notamment vers
l'Occident. Enrichi de notes abondantes, le dossier ainsi rassemblé
rendra service. Certes, tous les éléments présentés ne sont pas
également convaincants et surtout ne pèsent pas d'un poids égal
dans la balance. L'A. s'estime toutefois en mesure de conclure que
l'hindouisme est une religion universelle, qu'il est missionnaire
(sans être prosélyte), et qu'il ne l'est pas devenu par simple
imitation du christianisme ou par réaction. Dans des pages nuancées
(p. 125-138), il tente d'affiner la terminologie et souligne que
chaque religion missionnaire a sa manière propre de comprendre
cette dimension et de la mettre en oeuvre. Ce plaidoyer a le mérite
de rouvrir un débat trop souvent négligé. - J. Scheuer sj