Histoire Utopie Mystique. Ouvrir la Bible comme un livre
Jacques CazeauxSagrada Escritura - reviewer : Jean Radermakers s.j.
Trois parties composent l'essai. La première s'efforce de montrer comment les trois «sacrements» d'Israël que sont le sabbat, le cadastre des douze tribus et l'arche, la royauté et son temple façonnent en quelque sorte le peuple de Dieu. L'A. le montre d'après le récit même de l'ensemble du Pentateuque et les détails des prophètes antérieurs, à partir du début, du milieu et de la finale des cinq livres de la Torah. Il dégage ainsi la stratégie littéraire des Livres saints dans leur ultime rédaction. Dans la deuxième partie, après avoir posé le décor ou établi la grammaire, l'A. analyse en détail trois textes significatifs évoqués à «trois moments de crise, autour de la question centrale: Faut-il un roi à l'Israël de Dieu?» (p. 11). Le premier texte est le récit de la succession de Saül à David, c'est-à-dire de la fédération à la royauté, comme chez les nations (1 S 24-26). Le deuxième concerne la parole des prophètes annonçant le retour d'exil (Jr 31-35) à propos de la question: Comment refaire Juda sans retomber dans les erreurs passées? La troisième a trait au drame sur lequel s'achève le ministère terrestre de Jésus: sa mort et sa résurrection (Jn 18-21), où il s'agit encore du roi d'Israël (ou des Judéens). Dans ces trois textes, le thème de la royauté est en jeu, et celui du sacrifice du prophète pour que Dieu puisse parler en vérité, dans le silence et l'effacement consentis par les protagonistes. L'A. donne ainsi sa profondeur de champ à l'affirmation de Jésus opposant son mode d'agir à celui des «rois des nations» (cf. Mt 20,25s. et par.). L'envoi conclusif de l'A. reprend les éléments traités, en survol à travers toute la Bible, en suivant «les disparus de l'histoire», car la royauté-pouvoir constitue le grand poison destructeur des hommes: Dieu, lui, règne dans la discrétion et l'effacement.
Ce beau livre nous invite à lire intelligemment l'Écriture: non pas en nous représentant des scènes qui se joueraient sur le plateau de notre imagination, mais en suivant le mouvement narratif qui traverse toute la Bible, de l'AT au NT, selon une logique d'enfouissement, d'incarnation de Dieu dans l'histoire des hommes, réticents et réfractaires, jusqu'à se faire complètement oublier. Dieu suit en effet la trajectoire de ces figures qui apparaissent un moment et quittent presque aussitôt le devant de la scène. C'est une terrible et salutaire leçon que nous offre l'A.: l'humilité de Dieu. Qu'il en soit remercié! - J. Radermakers sj