Hospitalité. Cheminer entre poésie et philosophie

Charles Coutel
Espiritualidad - reviewer : Pascal Ide

Élargissant une réflexion entamée avec son livre, Hospitalité de Péguy (2011), Charles Coutel, philosophe et professeur émérite à l’Université d’Artois, offre une réflexion de fond sur l’hospitalité. Si ce thème est déjà assez exploré en philosophie (Derrida, etc.), l’originalité de cette approche réside dans le croisement de multiples perspectives qui rythment le plan de l’ouvrage : poétique (Péguy, Primo Levi et Edmond Jabès), historique (la mise en œuvre de l’hospitalité par les Lumières, notamment Voltaire et Condorcet), philosophique (Nabert et Popper), théologique (Bible, Charles de Foucauld et Massignon). Le point de départ de la réflexion est le paradoxe assumé de l’hospitalité que résume le vers de Péguy : « Hôte reçois ton hôte » (La ballade du cœur, p. 168. Cité p. 21). En de nombreuses langues, le terme hôte signifie à la fois celui qui est reçu et celui qui reçoit, autrement dit celui qui offre l’hospitalité. Donc, cet unique signifiant recouvre très exactement les deux actes de réception et de donation. Par ailleurs, autre apport novateur, il n’y a pas d’hospitalité sans autohospitalité. L’A. théorise cette notion à partir de l’anthropologie de la liberté et de l’éthique élaborées par Jean Nabert (chap. 7). Il l’illustre à partir de l’exemple de Primo Levi qui, dans le milieu extrême d’Auschwitz, a su instaurer une fraternité hospitalière, loin des égoïsmes utilitaristes et des victimisations plaintives (chap. 9). Enfin, l’hospitalité appelle la communion. Il est, en effet, significatif que le quatrain de Péguy se poursuive ainsi : « Les deux mains pleines / Allons la tête haute / Énergumène ». Or, la métaphore des « deux mains pleines » exprime cette alliance qu’est la communion.

L’on pourra être agacé par les plaidoyers répétés et acritiques de celui qui est membre du Comité Laïcité République, à l’égard des Lumières, ainsi que par ses diatribes tout aussi lassantes contre le cléricalisme. Mais le lecteur sort surtout enthousiasmé par un ouvrage simple d’accès et riche de propositions prometteuses, qui pourrait aussi stimuler les théologiens français encore trop peu au fait de cette notion si féconde (cf. recension de Marco dal Corso (éd.), Teologia dell’ospitalità). — P. Ide

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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