Les disciplines des sciences des religions entraînent-elles
inévitablement l'extension et l'imposition de catégories
occidentales à toute la planète ? Ou bien la
« religion » serait-elle un concept vide et inutile à
force d'être général et vague ? Fort utilisée depuis plus d'un
siècle, la méthode comparative permet-elle de dégager des
invariants constitutifs de toute religion ou bien aboutit-elle à
constater des phénomènes différents au point d'être
incomparables ? En leur temps, les projets d'étude
globale échafaudés par un G. van der Leeuw ou un M. Eliade avaient
déjà soulevé critiques et objections. La méfiance
« postmoderne » à l'égard de toute généralisation et
l'analyse « postcoloniale » des rapports de force entre
civilisations n'ont-elles pas scellé le sort des sciences des
religions et en particulier de la méthode comparative ? Le
balancier semble toutefois revenir vers des positions moins
extrêmes. Il ne s'agirait plus d'abandonner l'ambition d'une étude
des phénomènes religieux mais d'être davantage conscient des
écueils et de se montrer plus rigoureux dans les méthodes. Il
importe en particulier de se rappeler que les notions et catégories
indispensables (à commencer par « religion ») ne sont pas
des essences immuables mais des outils toujours culturellement
situés et susceptibles d'évoluer.
Cet ouvrage cohérent et bien construit présente douze contributions
réparties en trois sections : les mises en cause et les essais
de réhabilitation de la comparaison ; la phénoménologie (p.
ex. telle que pratiquée par Eliade) et les fondements du travail
comparatif ; la fécondité de la comparaison (notamment
l'« illumination réciproque » prônée par Arvind Sharma)
tant pour les sciences des religions que pour la jeune
« théologie comparative ». Solidement documentés et sans
excès de jargon, ces essais éclairent utilement les enjeux et les
débats actuels. - J. Scheuer s.j.