Le nom de B.S. Childs est souvent lié au Canonical Criticism, terme que notre A. n'aime pas trop. Il préfère parler d'interprétation des textes bibliques comme Écriture sainte, Écriture qui est reconnue comme telle par la synagogue et par les églises chrétiennes (p. 6). Écrire un commentaire aujourd'hui est une vraie gageure. B.S.Ch. énumère trois raisons pour se lancer dans l'aventure: il règne une telle confusion sur presque tous les sérieux problèmes d'interprétation d'Isaïe qu'il faut absolument proposer un nouveau modèle interprétatif; il importe aussi de surmonter, dans un commentaire d'Is, la division devenue classique en premier, second et troisième Isaïe; en dernier lieu, B.S.Ch., qui vient de publier abondamment sur la théologie biblique, en revient à l'exégèse qu'il considère comme une discipline plus importante et plus spécifique. Du point de vue méthodologique, le grand exégète de Yale manifeste une grande sympathie pour les études récentes sur la rédaction du livre d'Isaïe, à commencer par un article de P.R. Ackroyd sur la «présentation du prophète» (1978). Les phénomènes de réécriture (Fortschreibung) et d'intertextualité permettent eux aussi de mieux comprendre l'unité rédactionnelle du corpus isaïen. Il existe bien, selon Childs, un corpus isaïen cohérent, entre autre si l'interprète tient compte de la «lecture rétrospective» du premier Isaïe (Is 1-39) à la lumière du second Isaïe (Is 40-55) et de l'influence déterminante de ce dernier sur la forme du troisième Isaïe (Is 56-66), tout ceci en vue de repenser le message du prophète après la catastrophe de 587. Childs, on s'en doute, porte une grande attention à l'unité finale d'Isaïe, quoiqu'il ne pense pas en termes d'unité d'auteur comme le font encore certains exégètes récents. Il est critique vis-à-vis de l'exégèse qui se contente de distinguer les strates du texte sans voir que ces strates sont autant de voix différentes à l'intérieur d'un même choeur de témoins attentifs à l'action de Dieu envers son peuple. Il se montre peu enthousiaste face à certaines lectures synchroniques post-modernes lorsqu'elles affirment que le texte ne renvoie qu'à lui-même. Il est enfin réticent quant à la valeur d'une «histoire de la réception» du texte (cf. J.F.A. Sawyer) qui tient trop compte, selon lui, des contextes culturels de chaque nouvelle interprétation et n'accorde pas suffisamment d'importance au texte original.
Il respecte l'intégralité de l'AT, mais il le lit comme chrétien et il est donc conscient des prolongements de l'Ancien Testament dans le Nouveau. Ceci dit, Childs reprend à son compte - malgré les affirmations initiales - la division du livre d'Isaïe en trois grandes parties proposée en son temps par B. Duhm (1892), et même les subdivisions du même auteur pour Is 1-39 (Is 1-12; 13-23; 24-27; 28-35; 36-39). Il rejette la division proposée récemment par M. Sweeney, Is 1-33 et 34-66, parce que la figure du prophète est très différente à partir d'Is 40. Avec Duhm, les auteurs qu'il cite et apprécie le plus sont W.A.M. Beuken et C.R. Seitz. Chaque section du commentaire contient la traduction du texte accompagné de notes philologiques très succinctes; une bibliographie choisie; un commentaire qui peut comporter plusieurs sections lorsque le texte a été l'objet de discussions particulières. Le volume se conclut par une liste des abréviations, une bibliographie choisie (deux pages seulement), une bibliographe d'Isaïe en italien (ajoutée par l'éditeur) et un index des auteurs.
Le commentaire de Childs est certainement d'une très grande utilité pour quiconque veut se mettre au courant des débats de ces dernières années sur le livre d'Isaïe. Il faut certainement considérer son commentaire comme un monument dans son domaine. Les spécialistes ont toutefois noté quelques défauts mineurs. Entre autres, ils ont regretté que la traduction prenne beaucoup de place, alors que les notes justificatives sont très pauvres. Childs discute beaucoup avec les autres auteurs, mais il accorde relativement peu de place à sa propre interprétation. Par ailleurs, le problème de méthode, dès que l'on parle de lecture canonique ou d'intertextualité, reste un problème difficile et très discuté. D'autre part, les endroits où B.S. Childs parle du NT sont assez problématiques (p. 46, 337, 420-423, 507-508). Pourquoi, notamment, voir le messie dans les prophéties d'Is 7,9 et 11 et le prophète lui-même dans le serviteur souffrant d'Is 52,13-53,12? Enfin, Childs accorde, selon certains, trop d'importance au texte final et aux problèmes littéraires et pas assez au contexte historique, essentiel pour bien comprendre de nombreux oracles. Malgré ces critiques, il faut dire qu'il valait certainement la peine de traduire en italien ce commentaire publié en anglais en 2001. - J.-L. Ska sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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