«Je crois en l'Église». Précarité institutionnelle et Règne de Dieu

Chr. Duquoc
Teología - reviewer : Etienne Rousseau
Forgée, ou mieux ciselée au fil d'un enseignement de haut niveau, cette «profession de foi» ne manquera pas d'étonner le lecteur. Disons d'emblée que le théologien de Lyon ne s'adresse dans ces pages qu'à un lecteur initié, et que celui-ci en tirera profit. La foi en l'Église ne peut aller sans remise en question, non seulement de l'Église elle-même dans son mystère, mais aussi du croyant dans son adhérence, et des «institutionnels» dans leurs responsabilités.
L'hypothèse de départ est que l'Église témoigne d'une «violence institutionnelle» (p. 28) liée à une prétention. D'où elle pâtit d'un écart entre ce qu'elle promet à ses fidèles et interlocuteurs, et la réalisation historique de ces promesses. Promesses de Dieu d'être qui il est pour chaque être, intention de l'Église d'être le témoin exclusif de cet être-là. Au fil des siècles, l'institution a joint des violences implicites et explicites à ce dont elle «prétendait» être le signe, et même le sacrement (cf. Vatican II).
Inutile de détailler toutes ces «violences», il suffit d'en rappeler quelques-unes: la question de la présidence des communautés, de la confiscation par l'autorité (romaine) de la juste interprétation du sensus fidei (p. 86). Bien sûr, le Magistère a une fonction essentielle de vigilance, d'épiskopè, mais celle-ci doit s'exercer en interaction avec le peuple qui devrait pouvoir disposer de lieux et d'instances où faire l'expérience de (la justesse de) son propre jugement. On reconnaît là autant de violences faites à la démocratie, à tout le moins au respect du peuple croyant qui, alors qu'il est partenaire d'une alliance avec l'Autre et l'autre «frère», éprouve des difficultés à être reconnu par «l'Église-institution» comme adulte dans la foi. Cette attitude est, selon Ch.D., liée à une «prétention haute» (p. 124) de l'Église à s'inscrire dans l'histoire comme témoin incontournable de la vérité et sacrement du salut. Est-elle suffisamment sensible à s'accueillir humblement du tout Autre?
En marche, en interaction avec les Églises, les chrétiens et théologiens d'écoles différentes, l'Église romaine dans sa dimension magistérielle ne peut que s'effacer devant «l'acte seigneurial du Christ» (p. 162) et non pas s'imposer elle-même. Cette dynamique invite l'institution et ceux qui la font vivre à entrer dans une symbolique, lire les signes des temps et parfois renoncer à imposer des décisions qui n'ouvriraient pas sur un avenir; en effet, l'intérêt du peuple prévaut à long terme sur celui de l'institution (cf. p. 174). Bref, il est urgent que l'Église-institution mette en oeuvre et en action une dynamique du service, où le peuple en marche célèbre la libération dont il est le bénéficiaire, mais également où le sens soit ouvert, car «s'approcher avec amour et affection du prochain» a du sens en soi-même (p. 197). Invitation faite à l'Église de «prêcher le messianisme en refusant de l'exercer» (p. 227).
Refermant ce livre, on se prend à rêver d'espaces ouverts où tant et tant d'actes de foi pourraient entrer en dialogue et en synergie, et où ceux qui ajouteraient «moi, également, je crois en l'Église» seraient les éveilleurs d'un supplément de vie et de sens, d'un accueil inébranlable du Vivant de Pâques - au milieu des vicissitudes d'un monde traversé de mille et une questions et blessures.
Merci au P. Duquoc pour l'aide qu'il apporte à cette tâche, en mettant en question des certitudes figées, en invitant aussi ses frères théologiens à dépouiller leur art de toute prétention. - Ét. Rousseau.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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