Une énorme thèse de doctorat qui passionnera plus d'un chercheur
intéressé par le livre de Job. Elle fut défendue en septembre 2001
au Collège dominicain de philosophie et de théologie d'Ottawa,
après avoir été composée sous la direction des P. M. Gourgues, o.p.
et L. Laberge, o.m.i.D'emblée, l'introduction développe le propos
et la problématique: le sens incertain de ces trois versets - qui
semblent pressentir la résurrection - dans l'original hébreu exige
une comparaison avec la traduction qu'en font la Septante et les
commentateurs grecs, puisque l'Église a communément adopté cette
version; un travail semblable devrait être entrepris pour la
traduction syriaque comme pour la Vulgate et les Pères latins, ce
qui dépasse l'intention de l'A. Dès lors, celui-ci présente «la
Septante de Job», puis il mène une critique textuelle rigoureuse de
Jb 19,25-27 et dégage la signification de ces versets dans la
version grecque puis chez les auteurs patristiques, depuis Clément
de Rome et Origène jusqu'à Hésichius de Jérusalem et Olympiodore,
en passant par Cyrille de Jérusalem et Jean Chrysostome. En
rappelant l'histoire de la réception du passage chez les Pères
grecs, il fait un détour par «les Pères grecs qui auraient dû citer
Jb 19,25-27», comme Justin, Irénée ou Grégoire de Nysse dans leurs
développements sur la résurrection. Après plus de 400 p., l'A. se
trouve enfin à pied d'oeuvre pour analyser la traduction des fameux
versets à partir du texte massorétique, dont le vocabulaire est
soigneusement passé au crible, compte tenu d'une possible version
sous-jacente (Vorlage). Il s'efforce d'en rétablir le fil avant de
conclure que le traducteur grec ajoute au texte de base la question
de la résurrection, en ce sens qu'il explicite ce que l'hébreu
contenait en germe, et que ce même traducteur évite une autre
question, celle de la vision directe de Dieu. Il reste que cette
traduction grecque s'avère correcte, quoique personnelle, sans
pourtant que l'original hébreu soit absolument assuré. Ainsi, le
sens eschatologique serait une réinterprétation théologique du
traducteur. En fait, dès avant le christianisme, des Juifs, lisant
ce texte en hébreu, l'interprétaient de la résurrection, du moins
dans la perspective pharisienne, si bien que la version grecque
demeure pertinente.
Certes, consacrer plus de 500 pages à trois versets du texte grec
de Job 19 peut paraître exagéré, mais la rigueur minutieuse de l'A.
de la thèse permet d'en justifier la prolixité. Aux spécialistes
d'en évaluer le bien-fondé ou de faire valoir leur conviction, mais
puisque le travail est réalisé, on ne pourra plus l'ignorer
désormais. Merci à l'A. d'avoir fourni ce gigantesque effort, en
grande partie personnel, mais soutenu par une abondante
documentation bibliographique de première main. Ainsi se trouve
expliqué le sous-titre du livre: «Unanimité d'une tradition». - J.
Radermakers, S.J.