Ce livre attachant, qui prend l'allure d'une thèse, est introduit
avec bonheur par M. Gourgues, l'exégète dominicain bien connu,
spécialiste de Luc-Actes. Entreprise originale qui touche les
rapports entre AT et NT à travers une question herméneutique
importante: la manière dont les auteurs néotestamentaires «donnent
un coup de pouce» aux textes prophétiques qu'ils citent.En
l'occurrence, Luc se réfère à Jl 3,1-5 en Ac 2,16-21 (discours de
Pierre à la Pentecôte), à Ha 1,5 en Ac 13,40-41 - à propos de
l'oeuvre pour laquelle l'Esprit saint dépêcha Paul et Barnabas à
Antioche; cf. Ac 13,2 et 15,38 - à la fin du discours de Paul à
Antioche de Pisidie, juste avant la citation d'Is 49,6 en Ac 13,47,
où le titre «lumière des nations» est appliqué par Dieu à Paul. Par
ailleurs, Am 9,11-12, cité par Jacques à l'assemblée de Jérusalem
(Ac 15,16-17) a fait l'objet d'une étude analogue dans la ligne
universaliste. Tel est, en bref, le sujet de la thèse: Luc ouvre à
l'universalité la portée de ces textes d'AT en une sorte de
«novation», dont l'A. rend compte pas à pas.Cette étude, construite
avec rigueur, élaborée avec acribie, judicieusement informée,
établit comment les auteurs chrétiens ont compris la prophétie à la
lumière du salut universel acquis par le Christ Jésus en
accomplissement des Écritures. Il s'agit d'un travail de
réinterprétation, détectant dans une certaine hésitation du
texte-source les prémices d'une orientation vers l'universel. L'A.
s'efforce de faire percevoir la légitimité du procédé, en comparant
les versions hébraïque et grecque.On devine sans peine la
préoccupation pastorale de l'A., soucieux de la mission universelle
du christianisme. Il fait oeuvre d'herméneute de Luc interprète des
prophètes, selon une méthode en usage chez les rabbins, le hiddoush
qui renouvelle la lecture à l'intérieur d'une tradition. Remercions
l'A. de son travail qui profitera surtout aux exégètes de Luc,
professeurs ou étudiants. - J. Radermakers sjLÉMONON J.-P., Ponce
Pilate, préf. M. SARTRE, Paris, L'Atelier, 2007, 24x17, 301 p., 23
€. ISBN 978-2-7082-3918-0.On connaît bien J.-P. Lémonon, professeur
émérite à l'Univ. cath. de Lyon, historien des origines du
christianisme et du monde juif à l'époque du Christ, renommé pour
sa probité et sa clarté (cf. NRT 121 [1999] 650). Ce livre est une
réédition de 1981, complétée et adaptée aux nouvelles données de
l'archéologie et aux acquis récents de l'histoire. Il est préfacé
par l'éminent historien de l'Univ. de Tours qui, de son côté,
souligne les mérites de l'A.Après une introduction, l'ouvrage
comprend trois parties. La première, à partir de l'inscription
dégagée ces dernières années provenant d'un siège honorifique du
théâtre de Césarée maritime, tente de reconstituer la genèse de la
province romaine de Judée et rappelle la succession des
gouverneurs, mettant en évidence la titulature de Pilate et des
gouverneurs de Judée jusqu'à Claude. Il détaille les rapports
qu'entretenaient ces gouverneurs avec leurs collègues voisins, de
même que les droits et pouvoirs dont ils jouissaient, et leur lieu
de résidence. La deuxième partie, basée sur les travaux de Flavius
Josèphe, commente le récit de l'épisode des effigies de César afin
de relever le comportement de Pilate. Il y ajoute l'incident
provoqué par la construction d'un aqueduc pour approvisionner
Jérusalem. Il parle aussi de l'exécution de Jésus de Nazareth en
analysant les traditions évangéliques et dessine le portrait du
gouverneur qu'elles se font. Il rappelle encore deux épisodes de
son gouvernement: les boucliers dorés, cités par Philon, avec le
récit d'Agrippa, et le massacre des Samaritains, puis mentionne le
départ de Pilate pour Rome. Ces récits, dûment examinés et
critiqués, permettent de tracer un portrait assez objectif du
personnage. Reste une troisième partie qui vise à épingler l'image
caricaturale que la tradition chrétienne a conservée de Pilate, en
recourant notamment aux Actes de Pilate, apocryphe mentionné par
les Pères de l'Église. La conclusion tente de rétablir la vérité:
un homme fidèle à l'empereur et intransigeant avec les habitants de
la Province, dont il ne comprenait pas la sensibilité, qui n'était
pas cruel, quoiqu'il fût parfois dépassé par la brutalité des
troupes romaines.Cette étude, fouillée et abondamment documentée,
est un modèle de littérature historienne. Elle jette une vive
lumière sur le milieu romain de l'époque et sur les rapports entre
l'occupant impérial et la Palestine en état d'effervescence. Une
bibliographie précise achève de donner à ce volume son caractère
d'objectivité scientifique. À lire en surimpression des évangiles.
- J. Radermakers, sj