L’Église brûle. Crise et avenir du christianisme

Andrea Riccardi
Moral y derecho - reviewer : Marie-Laetitia Calmeyn o.v.

Et si l’incendie de Notre-Dame reflétait la crise actuelle que traverse l’Église ? Elle brûle ! Est-ce le signe de la fin du christianisme ? Personne ne peut nier le bouleversement émotionnel mondial qu’a suscité l’événement. Face à un possible écroulement de l’édifice s’exprimait une affection universelle. L’incendie de Notre-Dame laissait soudain apparaître, selon les mots de J. Fourquet, « un inconscient spirituel et théologique qui peine certes à renouer avec le fil de sa propre histoire, mais qui existe ». Oui, malgré une forme d’effondrement de la structure ecclésiale, Dieu est présent au monde et dans nos cités. Il nous précède toujours… C’est à cette lumière que l’A. va réfléchir sur la vie de l’Église et sur sa mission. L’analyse du fondateur de Sant’Egidio se veut d’abord historique. Il convient d’aborder l’ampleur de la crise avec réalisme. « Tout est très complexe. Les Églises peuvent disparaître. L’histoire rappelle que, par le passé, certaines grandes Églises ont dramatiquement disparu, comme l’Église latine d’Afrique du Nord. » Pourtant, selon la promesse faite à saint Pierre, la mort n’aura pas de pouvoir sur l’Église. Cette pérennité, comme le rappelle le Cardinal Martini (cité par l’A.), « est assurée à l’Église et non pas aux Églises ; les Églises individuelles sont coresponsables de leur avenir. Leur survie est liée à leur réponse ». Après l’enthousiasme suscité par le concile Vatican ii est arrivée une forme de déception. Selon les mots de Benoît xvi (cité par l’A.), il en va de « l’expérience que le péché originel existe et se traduit toujours à nouveau en péchés personnels qui peuvent également devenir des structures de péché (…). Nous avons vu que la fragilité humaine est présente également dans l’Église (…) ». Bien avant son pontificat, le Cardinal Ratzinger percevait déjà comment l’Église de demain sortirait de la crise actuelle. Il s’agira d’« une Église qui aura beaucoup perdu (…). Avec la réduction du nombre des fidèles, elle perdra de nombreux privilèges (…). [Elle] sera perçue comme une société de personnes volontaires, qui s’intègrent librement et par choix. En tant que petite société, elle sera amenée à faire beaucoup plus souvent appel à l’initiative de ses membres ». Ce sont donc ces soixante dernières années qu’il convenait de revisiter pour mieux comprendre les défis liés à la crise du catholicisme occidental. A. Riccardi tente de discerner les différentes étapes qui ont marqué la vie de l’Église en Italie, en France, en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Pologne, en Hongrie. L’A. rend compte des influences de la politique et de l’évolution des structures religieuses et laïques à travers les différents pontificats. L’analyse laisse apparaître les limites d’une structure verticale, hiérarchique. Une intuition commence à émerger. Elle fait écho à l’« Église en sortie » promue par le pape François, une Église périphérique rythmée par la conversion perpétuelle de ses fidèles. Reprenons les mots de l’A. : « La conversion pastorale, au sujet de laquelle François écrit, n’incite-t-elle pas à introduire une révision des relations entre hommes et femmes dans un cadre communautaire de communion ? (…) L’affirmation de la dimension communautaire, par rapport à la dimension verticale, traditionnelle et masculine, devrait précisément se fonder sur une “alliance” qui rend justice à la réalité des femmes mais aussi à la réalité même de la vie. Cela libérerait des énergies, ouvrirait la voie à une présence plus vraie et plus actuelle de l’Église. Cela correspondrait davantage à l’humanité de notre temps. » L’A. aborde la problématique à partir de la reconnaissance de la dignité de la femme et de la nature communielle de l’Église qui, selon les mots d’Endokimov (cité par l’A.), n’a encore été ni dévoilée ni réalisée, et qui cependant est décisive pour les hommes et pour l’existence du ministère car la « réciprocité de communion » est une ressource d’avenir. « L’Église ne peut pas se crisper dans ses institutions paroissiales, elle ne doit pas tracer de frontières entre l’intérieur et l’extérieur, ce qui revient souvent à s’enfermer dans des structures. Elle doit peupler l’horizon de la ville tout entière de présences ecclésiales multiples, capables de rencontres charismatiques, diversifiées, proches et dialoguant avec les gens (…). Tout cela demande une gestion moins verticale, capable de susciter des initiatives communautaires, charismatiques, laïques et personnelles. Pour dégeler les institutions, il faut sortir de la culture du déclin. Plutôt que de réduire rationnellement les présences au regard du manque de forces, il faut les augmenter en favorisant la créativité des personnes, en multipliant les responsables. Dans ce sens, l’abandon de la perspective verticale au profit d’une dimension communautaire favorise un protagonisme féminin, non pas parce que les femmes sont utiles mais parce qu’elles bâtissent par leur génie, avec les hommes, une réalité plus vaste et plus accueillante, une communion de femmes et d’hommes » (p. 276). Celle-ci se déploie à partir de la gratuité. Cette gratuité, « terrain où grandit la sympathie pour les autres, est le terrain de l’Église dans un monde un peu vieilli, où tout a déjà été vécu et où l’on croit que la nouveauté ne peut qu’être individuelle. Telle n’est pas la voie de l’Église. Sa nouveauté est communautaire, sociale. La gratuité est prophétie, faite de mille choses petites et grandes, d’attitudes, de quotidiennetés et d’entreprises. » Merci à l’A. de témoigner de ces chemins d’avenir. — M.-L. Calmeyn

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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