Le lecteur pourrait s’attendre ici à un court traité de pneumatologie, à l’heure où l’Esprit Saint évoque plutôt l’enthousiasme, pour les uns, l’insaisissable ou le grand absent pour les autres. Or, l’ouvrage du P. Nathanaël Pujos, théologien, de la communauté des Béatitudes, constitue une proposition originale de théologie trinitaire relationnelle, susceptible de « parler » à nos contemporains.

L’A. part de la troisième personne de la Trinité – du Dieu « sans visage », citant B. Sesboüé – pour bâtir son développement autour de la donation et de l’analogie de l’amour humain. Ce faisant, le thème de la pudeur, inhérente à tout amour – et propre surtout à l’Esprit –, émerge comme étant particulièrement apte à nous introduire à l’intelligence de ce grand mystère de la foi. La pudeur traduit en effet la « propension » de Dieu « à se dépouiller de sa gloire (…) dans le don qu’Il fait de lui à l’homme, de par la disproportion entre l’offre (…) et l’accueil », entre l’infini qu’Il est et notre finitude (p. 102).

Convoquant théologiens et philosophes, dont Balthasar, Levinas et Jean-Paul ii – et même Sartre –, ainsi que l’Écriture et les Pères, Pujos procède en trois temps. D’abord, la phénoménologie se met au service d’une exploration de la notion de pudeur pour révéler la dynamique à l’œuvre quand on contemple le corps humain, l’être, puis la Croix. La pudeur se dit successivement don et retenue, voilement et dévoilement, épiphanie et kénose.

Une deuxième partie cherche à fonder – avant tout dans l’Écriture – la pudeur comme appropriation de l’Esprit. L’A. présente enfin une image trinitaire autour du triptyque Regard-Désir-Pudeur. Il dit par-là comment le Fils manifeste l’amour divin comme désir, celui-ci ayant comme source le regard d’amour du Père. La pudeur de l’Esprit, quant à lui, joue un rôle à la fois de « pondération » et de diffusion de cet amour, dans ce qu’il a de « disproportionnel ».

La tonalité méditative de l’ouvrage enrichit le propos théologique, qui constitue un bel accès à l’intelligence du mystère trinitaire. Ce dernier se montre capable d’offrir une perspective renouvelée sur l’amitié et l’amour humains. — J.T.