L'Évangile prêché à Israël. À propos du dialogue judéo-chrétien

A. Santogrossi osb
Religiones - reviewer : Jean Radermakers s.j.
L'A., moine bénédictin en Oregon, est docteur en philosophie de l'Institut Catholique de Paris et spécialiste de Duns Scot. Il réagit ici aux outrances d'un certain dialogue judéo-chrétien qu'il généralise un peu facilement, et il plaide pour un retour à la tradition patristique qu'il estime riche et cohérente à souhait; il en reprend les lignes de force au début son ouvrage, à la suite de la thèse de D. Jurdant: Judaïsme et christianisme, parue en 1969. La question est-elle aussi simple? Si, d'une part, la théologie chrétienne classique a raison d'avoir centré sa réflexion concernant l'un et l'autre Testament sur l'incarnation rédemptrice et la christologie, elle n'a peut-être pas suffisamment approfondi le sens providentiel pour l'Église de la permanence du judaïsme. Or c'est le point sur lequel insiste Vatican II (voir Nostra Aetate), dans le cadre d'un dialogue interreligieux authentique: pour se situer en vérité par rapport à la révélation en Jésus Christ et reconnaître tout ensemble les failles d'une théorie de la substitution ou du peuple-témoin, élaborée par saint Augustin, et suivie par d'autres Pères de l'Église. Il faut bien admettre que si le Verbe fait chair a «une fois pour toutes» racheté l'humanité, nous nous trouvons la plupart du temps dans un Testament encore ancien, car nous ne témoignons pas de la charité qu'il nous a commandée. D'où la nécessité d'un avènement - que nous appelons retour - du Messie dans nos vies.
Or le dialogue judéo-chrétien, malgré quelques dérapages théologiques, a l'incontestable mérite d'essayer de comprendre la cohérence interne du judaïsme avant de lui assener notre théologie, comme on le fit au Moyen âge ou à la Renaissance, méconnaissant une bénéfique influence réciproque entre juifs et chrétiens, bien plus profitable à une saine compréhension mutuelle. Et il faut bien avouer que des Pères de l'Église se montraient injurieux pour les juifs, y compris saint Jean Chrysostome, et même saint Thomas d'Aquin qui, par ailleurs, a largement profité des approfondissements talmudiques. Nous savons gré à l'A. de dénoncer les erreurs de langage de partisans du dialogue ignorants de la théologie chrétienne, mais est-il juste de parler de l'Église comme «nouveau peuple de Dieu» ou «Israël authentique», expressions introuvables dans le N.T.? Certes, les prophéties sont accomplies en Jésus, mais elles ne le sont pas encore en nous. Israël a la «vocation» (plutôt que la mission: p. 26-27) de rappeler au chrétien qu'il ne vit pas encore au diapason de son Sauveur, et l'Église devrait manifester au monde, et spécialement aux juifs, qu'elle a si souvent persécutés, que le commandement de Jésus n'est pas un vain mot. Merci à l'A. de son invitation à un langage théologiquement plus juste et de ses remarques utiles à propos de l'oeuvre salvifique du Christ. À notre tour, nous l'invitons à poursuivre sa réflexion à l'aide des textes de Jean-Paul II, spécialement ceux concernant la repentance de l'Église vis-à-vis du judaïsme et les conditions d'un sain et fructueux dialogue interreligieux. Plutôt que de polémiquer, essayons de vivre ce que le Christ nous a appris, et nous deviendrons crédibles. - J. Radermakers, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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