L'édition de cette thèse importante est établie et présentée par R.
Heyer, dès lors que l'auteur, qui y travailla dix ans, fut emportée
par un mal fulgurant au moment de sa conclusion; elle laissait
hélas inachevée la troisième partie, «après l'habit», où il
s'agissait d'établir que «le religieux de l'habit n'est pas dans
l'habit lui-même». Les deux parties qu'on nous offre ici dépassent
de loin l'ancrage local où l'étude aurait pu demeurer confinée: six
congrégations alsaciennes, témoins de l'adoption, de la
simplification, de l'adaptation, voire de l'abandon, de cette
manière de se vêtir qui disait l'essentiel sans pourtant s'y
réduire. La première partie restitue, sous le titre «l'habit
religieux, signes et fonctions», la phénoménologie d'une
construction de plus en plus «monialisée», «théâtralisée»: l'habit
religieux perpétue l'idéal; il reconstruit la topographie
corporelle des candidates; le voile représente le signal principal
de la nouvelle silhouette; il y a des endo-signes (coupe, façon,
étoffe, couleur…) qui marquent le passage du monde à la vie
religieuse, et des exo-signes (cordelière, chapelet, crucifix…) qui
structurent les diverses étapes de cet engendrement à une vie
nouvelle; plusieurs formes sont en concurrence (à partir des
archétypes de la servante, de la veuve…), jusqu'à ce que Pie xii,
en 1952, impose une simplification générale, marquée par la «ligne
missionnaire», rectiligne, épurée. La deuxième partie s'intéresse à
«l'habit au temps des adaptations», des recommandations de Pie xii
à celles de Vatican II (Perfectae caritatis 17), avec les
impayables consultations de «la base», qui aboutissent au mélange
laine-tergal (toujours proposé aujourd'hui dans les catalogues),
mais surtout, au «post-monial», à la vêture non plus comme
interface entre la consécration des vierges et le mariage
catholique-romain, mais comme tenue identifiable, pratique,
interchangeable - la ritualité s'éloigne donc du corps pour aller
se loger dans d'autres significations: le don de la règle,
l'anneau-alliance (dont l'origine est romaine ou germanique), la
croix marquée du signe propre à l'institut… La question de l'habit
n'était donc pas une affaire de détail, puisque «autour de lui
s'articule tout le discours de la vie religieuse sur le rapport au
monde depuis près de trois cents ans» (p. 269). Demeurent la
question (non étudiée, même si l'habit masculin est parfois évoqué)
du port moderne du pantalon et celle, à peine signalée, du «voile
islamique» (p. 279) en ce temps où «l'habit séculier est
concrètement, non pas dans les textes, devenu l'habit religieux
'ordinaire'». Une enquête historique peut donc se faire théologie.
- N. Hausman scm