La crise de l'origine. La science catholique des Évangiles et l'histoire au XXe siècle

François Laplanche
Sagrada Escritura - reviewer : Bernard Joassart s.j.
Lecteur pressé, abstiens-toi: le récit n'est pas parfaitement rectiligne (ce qui n'est pas un reproche), et surtout tu perdras un réel plaisir si tu te hâtes! Et si malgré tout se manifestent quelques velléités d'en savoir rapidement quelque chose, on ne peut que recommander de commencer en parcourant les p. 605 à 653 où se trouvent rassemblées 75 notices biographiques relativement développées de savants (un ensemble qui aurait sans doute pu être complété par la présence de notices d'autres acteurs qui interviennent largement dans l'ouvrage) qui ont trempé, souvent d'assez près, dans un débat qui n'est nullement anodin, puisqu'il s'agit de la compréhension des Évangiles et conséquemment de toute la Bible, source première de la foi catholique.
Dans un précédent volume - La Bible en France entre mythe et critique, XVIe - XIXe siècle, chez le même éditeur, en 1994 -, Fr.L. s'était intéressé de près à l'histoire de l'exégèse jusqu'à l'émergence du modernisme. Mais enfin, en dépit de «son effort synthétique, avec tout ce qu'[elle] off[rait] d'ingénieux», pour reprendre une expression de Mgr Duchesne, la condamnation du «rendez-vous de toutes les hérésies» par l'encyclique Pascendi était loin d'avoir résolu tous les problèmes (sauf sans doute pour ceux qui n'en voyaient pas ou plus): les objections se pressaient au portillon et les anathèmes n'étaient guère de bonnes médecines.
Qu'en advint-il donc après 1907 (pour faire court) et comment en est-on arrivé au discours libératoire d'un Vatican II, qui appelait d'ailleurs à d'incessants développements? Les grandes étapes sont relativement bien connues. Mais la trame fut loin d'être une autoroute parfaitement rectiligne et lisse, et les grandes haltes de ce périple, notamment les documents magistériels, ne furent pas que des havres de paix: Divino afflante Spiritu, Humani generis et Dei Verbum, pour ne prendre que quelques crêtes, n'étaient pas tous de la même encre.
Grand mérite de l'ouvrage: avoir suivi pas à pas cette longue route, en essayant de répérer tout ce qui l'a faite. Et là, on doit dire que la curiosité de l'A. s'est dirigée tous azimuts. Le modernisme ne fut pas une affaire purement interne au catholicisme. L'après-modernisme ne le fut pas plus, loin de là. Bien des savants extérieurs au catholicisme ont apporté leur pierre au débat, souvent importante - qu'on pense à la compréhension de l'histoire par un Aron relayée par un Marrou -, et pas uniquement dans le sens d'une opposition sytématique au dogme catholique, même si un Renan demeura longtemps pour beaucoup comme un ange tutélaire.
Là où l'ouvrage donne une «leçon» tout aussi importante, au-delà d'une exploration minitieuse, c'est qu'il s'agit précisément d'une «histoire», qui touche aux fondements de la foi. En une époque où l'Écriture Sainte (re)trouve toute sa place dans la vie de foi et dès lors dans la recherche théologique, on ne peut que se féliciter de voir comment on en est arrivé là. Et, dans la foulée, à lire l'ouvrage, on ne peut qu'être convaincu, une fois encore, que pour faire une bonne théologie, l'histoire est absolument indispensable, à moins d'être adepte de l'anachronisme ou du monolithisme éthéré . Mais tous les responsables en sont-ils persuadés: ce n'est pas sûr!
Les questions ou les regrets se feront certainement jour. Pour ma part, je dirai que je regrette de ne pas avoir trouvé quelques pages sur l'exégèse contemporaine non savante. Quoi qu'on puisse penser du Jésus de Jacques Duquesne ou de L'avorton de Dieu d'Alain Decaux, ils n'en ont pas moins la prétention de s'abreuver à l'exégèse savante et, à tout le moins, ils ont été largement répandus.
Et pour terminer, un souhait. Un tel ouvrage me semble mériter d'avoir un petit frère dans une collection du genre «Que Sais-Je?». Non que je voudrais céder à la tentation de ce l'A. lui-même dénonçait en son temps comme étant de l'histoire «prêt-à-porter», qui résume et simplifie à tout crin, et finit par énerver. Mais n'y aurait-il pas un immense service à présenter pour le plus grand nombre une page majeure de l'histoire du catholicisme contemporain, d'autant plus qu'il s'agit aussi d'une bonne part de l'histoire intellectuelle en général? - B. Joassart sj

newsletter


the review


La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

contact


Nouvelle revue théologique
Boulevard Saint-Michel, 24
1040 Bruxelles, Belgique
Tél. +32 (0)2 739 34 80