La liturgie oubliée. La prière eucharistique en Gaule antique et dans l'Occident non romain

M. Smyth
Liturgia y pastoral - reviewer : Bruno Clarot s.j.
Depuis Mabillon en 1687, on édite les rares textes survivants des liturgies gallicanes non romaines d'avant la réforme carolingienne qui, vers 800, imposa dans l'Empire le rite romain. M. Smyth recherche dans ces textes le fonds proprement gallican. Il tente aussi d'exhumer les formules eucharistiques antérieures aux IVe-VIe siècles de la première acculturation grecque de l'Occident latin. Parmi les hypothèses actuelles en ce domaine, il suit les traces des Catalans et en particulier de J. Pinell qui admet un fonds commun occidental très antique influencé par l'Afrique et l'Orient.
La première partie de sa thèse concerne le corpus documentaire jusqu'au IXe s. ayant échappé à la réforme carolingienne. Ce corpus est présent dans l'Europe du Nord depuis l'Irlande jusqu'au Portugal et l'Autriche en passant par la Gaule Cisalpine. Les liturgies y sont très diversifiées et assez différentes du rite romain unifié entre les Ve-VIe siècles, mais elles lui empruntent depuis lors de plus en plus d'éléments. La deuxième partie traite des prières eucharistiques de l'assemblée dominicale (structure, origine, interprétation) et tente un essai de synthèse. Les sacramentaires francs anciens offrent un ordo missae clair et uniforme, avec des prières variées, mais un substrat primitif commun. On y trouve un ordre rigoureux identique depuis la préface. Dans le fonds autochtone, on décèle trois strates: la première, concise et archaïque, est proche des sources des IIe au Ve siècles, où rien n'était encore codifié, mais où la créativité ne concernait guère que les hymnes. La deuxième strate aux VIe-VIIe siècles concerne surtout des pièces pascales avec une hypertrophie rhétorique. La troisième strate se caractérise par des logorrhées euchologiques et des digressions oratoires qui ont probablement motivé la réforme unificatrice carolingienne. On s'aperçoit que la liturgie gallicane reposait sur un petit nombre de « pivots » ou formules fixes venant d'un lointain passé auquel on restait fidèle. La force de la coutume y était pour beaucoup, de même que l'absence de grands créateurs et d'une autorité centrale. Il semble que les sacramentaires iro-gallicans aient beaucoup repris à la liturgie africaine du IIIe s. influencée elle-même par l'Orient au IIe s. Ils plongent leurs racines chez Ignace d'Antioche, Irénée, Justin, Tertullien, Cyprien… Ce fonds gallican est prénicéen, ignore les querelles trinitaires et ne possède pas d'épiclèse.
Ce beau travail qui demande à être prolongé par d'autres chercheurs, est l'oeuvre d'un laïc marié, professeur de liturgie en France et à l'étranger. Dans sa postface, M.S. Gros y Pujol, de l'école catalane, fait l'éloge de cette importante recherche qui renouvelle bien des idées reçues et souligne le rôle de Milan (et de Carthage?) dans les strates primitives. Smyth a aussi mis en lumière la richesse théologique de l'ancienne euchologie gallicane. Ces éloges doivent mettre l'eau à la bouche des liturgistes. - B. Clarot, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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