La saveur de Dieu. L'acédie dans le dynamisme de l'agir

J.-Ch. Nault osb
Moral y derecho - reviewer : Noëlle Hausman s.c.m.
Malgré quelques erreurs d'orthographe ou d'attribution (la Nouvelle Revue Théologique est éditée à Bruxelles, pas à Louvain, 11), la thèse qui nous est présentée par ce beau titre atteint à la perfection sous bien des aspects: une méthodologie rigoureuse, une présentation claire des auteurs nombreux et majeurs retenus, des synthèses partielles à chaque étape, une conclusion générale qui ouvre sur des horizons nouveaux («pour une reprise en compte de l'acédie dans la morale actuelle»), une bibliographie précise, cinq index (dont ceux des mots grecs et latins du texte). Mais c'est l'idée même d'entreprendre un travail «long et important» sur un tel sujet qui doit être saluée, au vu des résultats autant que du parcours: l'acédie, réduite très tôt à l'une ou l'autre de ses composantes apparaît bien comme une réalité fondamentale oubliée (42), depuis Thomas d'Aquin, dont Évagre est cependant l'une des sources, puisque tous deux situent l'acédie au coeur de l'agir chrétien (61). Entre deux, l'originalité de Cassien est d'assimiler l'acédie à l'oisiveté et à la paresse (88), et celle de Grégoire le Grand, de la supprimer de la liste des vices capitaux (101).
Passant sur les auteurs médiévaux, dont Raban Maur - il «sécularise» cette négligence dans le devoir quotidien et la vie spirituelle, sans qu'on puisse identifier l'acédie avec l'aridité spirituelle - on arrive bientôt aux précurseurs de Thomas, notamment le dominicain Guillaume Peyraut (160). Mais dans la Somme théologique, la doctrine sur l'acédie atteint son sommet, puisque l'Aquinate l'entend comme «dégoût de l'agir» et «torpeur de l'esprit», vraie paralysie spirituelle dont il fait un «vice 'théologal'» (285): «péché atteignant le repos amoureux en Dieu» (contre la charité) et qui connaît toute une «progéniture», dont sont analysés le désespoir d'obtenir la béatitude (contre l'espérance) et le choix délibéré du mal (contre la foi). C'est bien de l'acédie que le Christ nous délivre, ainsi que le montre la Somme contre les Gentils, quand elle énonce qu'il convenait que Dieu s'incarnât «pour relever l'espérance de l'homme en la béatitude» (346).
Après Thomas, la fragmentation des disciplines de la théologie, et la séparation entre morale et spiritualité, seront ruineuses pour la morale, qui délaissera l'acédie, et pour la mystique, qui n'y verra plus que mélancolie. Dans une morale d'obligation, que viendrait faire ce risque suprême, où Thomas désignait l'opposé de l'instinctus Spiritus Sancti, parce qu'il se plaçait dans une morale de l'agir excellent (455)? Quelques auteurs contemporains sont évoqués, pour assurer la perspective finale de l'A.: voir dans l'acédie la tentation de sortir de la demeure de l'agir, qui est ecclésiale, et reconnaître dans l'agir excellent, le moyen de retrouver «la saveur de Dieu» (465). - N. Hausman, S.C.M.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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