Reprendre à zéro les procès de Jeanne d'Arc (1412-1431), voilà une
gageure que l'A., prêtre du diocèse de Namur, a voulu entreprendre
et dont il nous livre le résultat, après dix ans de recherche dans
la littérature johannique. OEuvre d'historien et de théologien, cet
ouvrage donne à comprendre l'aventure spirituelle de la Pucelle. Le
procès en inquisition qui conduisit Jeanne d'Arc au bûcher voulait
en effet prouver que sa «voix» était diabolique. L'A. détermine
avec acribie qu'elle doit au contraire être rangée dans le genre
prophétique: une vision imaginative à caractère prophétique, sans
image, selon les catégories augustiniennes et thomistes déterminant
les genres de révélations. C'est la principale originalité du
travail de R. Le deuxième acquis de ce travail est de dégager la
mission de Jeanne d'une vision moderne qui empêcherait de juger
correctement ce destin singulier en omettant de le replacer dans
l'univers de la religion populaire médiévale. La voix de Jeanne
s'est appuyée sur un tel substrat, comme la grâce s'appuie sur la
nature. En démonstration de cette thèse, une analyse du contexte
historique décrit la jeunesse de Jeanne d'Arc et son enracinement
familial et social à Domremy - comme si on y était! -, avant que ne
débute l'épopée qui la conduirait de Vaucouleurs et Chinon à
Compiègne et Rouen. Avant d'être la Pucelle d'Orléans, Jeanne était
une enfant et, comme les gamins de son âge, déjà conduite par son
ange, son «prud'homme» (p. 68), et vivant dans la familiarité des
saintes, Marguerite, Catherine, dont la locution intérieure sera
décisive pour qu'elle comprenne ce que Dieu attend d'elle. Cette
mission serait à comparer avec le phénomène des femmes prophètes
florissant à cette époque, évoqué par l'A. (p. 97-98),
malheureusement sans détail. Il reste alors à reconnaître la force
du caractère de la sainte et sa piété, capables de vaincre tous les
obstacles, en premier lieu elle-même, dans la nécessité qu'elle fut
de comprendre et de réaliser librement le projet de Dieu en elle,
sachant aussi où cette vocation la conduirait, afin que Dieu, son
«Sire», fût «premier servi». - A. Ms. sj