Évelyne Frank, docteur en théologie protestante, enseignante en collège à Strasbourg nous livre ici une méditation sur la manière de vivre heureux dans des conditions très difficiles, sans sombrer dans la révolte ou l’apathie. Pour cela, le professeur de français et de culture religieuse fait appel à trois témoignages de personnes fort différentes que la fréquentation pleine d’empathie a transformées en « amis pour quand c’est dur » : Rosa Luxemburg, Grand Corps Malade, Mère Teresa. La première, connue comme militante communiste et théoricienne marxiste, qui a passé une grande partie de sa vie en prison et fut assassinée par son propre camp en 1919, apparaît sous un tout autre visage, à travers les lettres écrites en prison : sans nier le drame ou le désespoir du quotidien, elle « dit oui à sa vie jusqu’en sa mort tragique, non dans un acte de résignation, mais dans un acte d’amour » (p. 14). Dans un impressionnant élan de reconnaissance qui vient peut-être de son origine juive, Rosa transforme chaque événement en don et chaque don en occasion de gratitude pétillante : « Je vis perpétuellement dans une ivresse joyeuse » (Lettres de Rosa Luxemburg, p. 207). « Grand Corps Malade » est le nom de scène de Fabien Marsaud (1977-). À la suite d’un plongeon dans une piscine dont le niveau d’eau était trop bas, le slameur, auteur et réalisateur français se retrouve « tétraplégique incomplet » (p. 46). Se fondant sur son livre témoignage Patients qui est devenu un film, Évelyne Frank nous montre une nouvelle figure de résilience qui apprend la patience, la docilité, la bienveillance aussi. Enfin, l’on ne présente pas la sainte de Calcutta. Sans surprise, notre A. se fonde sur ses Écrits intimes et son expérience de la nuit. Elle montre comment Mère Teresa se « maintient elle-même en ces ténèbres » (p. 77) par son amour du Saint Sacrement, son humble prière répétitive du chapelet et son « ouverture aux autres quoi qu’il arrive » (p. 80). Dans une écriture aussi fluide que la parole, voici trois témoignages touchants, voire bouleversants de personnes victimes qui jamais ne sont victimaires. — P. Ide