Le Christ juif. À la recherche des origines, trad. M. Rastoin, préf. Card. P. Barbarin

Daniel Boyarin
Sagrada Escritura - reviewer : Sébastien Dehorter
L'A., prof. de Talmud à Berkley, s'intéresse depuis longtemps aux rapports complexes entre «christianisme» et «judaïsme» (cf. NRT 136, 2014, p. 196). Ce nouvel ouvrage, plus accessible que les précédents, est une étude sur le Christ, qui fait dialoguer des traditions juives et l'évangile selon S. Marc. L'argument est formulé avec force conviction. La plupart des idées et pratiques du mouvement de Jésus - même celles relatives à la Trinité ou à l'Incarnation - peuvent être considérées comme faisant partie intégrante de celles du judaïsme de cette période, tel que nous le reconstituons. Les évangiles ne sont donc pas des écrits visant à marquer la rupture et «le judaïsme [n'est pas] une religion légaliste obsédée par les règles (…) tellement différent du nouvel enseignement de Jésus sur l'amour et la foi» (p. 124). La nouveauté, par contre, est contenue dans l'affirmation que cet homme- est le Fils de l'homme. La thèse est démontrée dans trois champs christologiques: les titres «fils de Dieu» et «fils de l'homme» (chap. 1-2); Jésus et la kasherut (chap. 3); les souffrances du Messie (chap. 4).
Concernant les titres, l'originalité de l'A. tient dans son audace à affirmer, sur la base de Dn 7 (et de ses reprises en Hénoch et IV Esdras), qu'il y a eu un judaïsme qui cultivait «l'idée d'une seconde personne divine venant sur terre sous forme humaine comme Messie» (p. 128). Cette figure jeune, d'apparence humaine, qui reçoit de l'Ancien des jours domination sur la terre serait devenue la deuxième personne de la Trinité. De plus, elle serait comme une relique de traditions religieuses remontant à Canaan, dans la fusion imparfaite en El et Baal (yhwh). Scrutant ensuite le texte de Mc 7, l'A. montre qu'il témoigne d'une discussion interne au judaïsme, entre une interprétation plus conservatrice de la Torah (celle de Jésus) et les innovations des pharisiens sur les rites de purification. Que seul «ce qui sort de l'homme peut le rendre impur» est absolument conforme à la Torah. Enfin, le récit de la Passion étant construit à la manière d'un midrash, il réaffirme que le christianisme n'est pas une invention nouvelle, mais qu'il est l'un des chemins pris par le judaïsme - un chemin aussi ancien dans ses sources que celui emprunté par les juifs rabbiniques. La présence d'un Messie souffrant dans le Talmud (IV-Ve s.) le confirme encore. Nous ne pouvons que recommander cette lecture! - S. Dehorter

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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