Il y a bien des manières d'aborder la littérature
des Hakhamim (Sages) d'Israël. Vu son étendue,
son caractère exotique et sa complexité pour la majorité des
non-juifs, la porte d'entrée proposée par Hyam Maccoby, aussi
surprenante soit-elle, n'est sans doute pas la plus inepte,
l'humour étant souvent un moyen privilégié de surmonter la
peur de l'inconnu et d'accéder, par des chemins détournés, à des
vérités profondes. Le premier de ces enseignements n'est pas anodin
pour une religion qui refuse l'incarnation du divin (comme le
rappelle Jean-Christophe Attias dans sa préf., p. 9-13). Ainsi,
alors que pour Rabelais « le rire est le propre de l'homme », le
Talmud nous enseigne que Dieu rit aussi (d'où le titre de
l'ouvrage). Cela ne signifie pourtant pas, loin s'en faut, que
cette anthologie de l'humour talmudique - avec tout l'intérêt et
les limites du genre - ne s'en tient qu'au rire de Dieu et à des
considérations mystiques sur son agir. Elle n'est pas dépourvue,
bien au contraire, d'aspects très rabelaisiens, que ce soit quand
elle compare la longueur du pénis de Rabbi Ishmaël ben Yossi avec
celui de Rabbi Eléazar ben Simon (Baba Métzia, 84a) ou
lorsqu'elle décrit les effets du pet de la prostituée sur Rabbi
Eléazar ben Dordaï (Avodah Zarah, 17a). Pour le lecteur
qui manquerait d'humour, des conversations entre
l'A. et son ami écrivain Wolf Mankowitz (sur l'ascétisme, les
voeux, le particularisme juif, les devoirs du mari, la luxure des
femmes, la charité, l'agriculture et les barbares bretons)
s'intercalent entre les récits - dont certains sont censurés dans
les traductions courantes du Talmud - et aident à percevoir la
permanente actualité des réalités les plus triviales. -
D. Luciani