Le monde comme histoire de Dieu. Foi et raison dans l'oeuvre de Wolfhart Pannenberg

Olivier Riaudel
Teología - reviewer : Paul Lebeau s.j.
Ce volume de 430 pages que nous offre un théologien dominicain, enseignant en théologie fondamentale à l'Université catholique d'Angers, constitue la première étude - en tous points magistrale - consacrée en français à l'ensemble du projet théologique de W. Pannenberg, tel qu'il s'est déployé au cours des publications issues de son enseignement universitaire à Wuppertal, Mayence et Munich, de 1958 à 1993. Ce projet est celui d'une Offenbarungstheologie, d'une théologie ne connaissant d'autre source pour parler de Dieu que sa révélation elle-même. Et «l'histoire n'est révélation que dans la mesure où Dieu agit en elle» - ce qui correspond d'ailleurs au témoignage de l'Écriture. Telle est la première thèse de Offenbarung als Geschichte.
«Dieu agit dans l'histoire, même après le Christ, mais il ne s'y révèle pas autrement qu'il ne s'est déjà révélé en lui». Et notre théologien de faire appel, pour préciser ce qu'il entend par la fonction de récit de la parole, à l'analyse de Ebeling, selon lequel «une des caractéristiques du langage est de rendre présent ce qui est caché, en particulier ce qui est caché et ce qui est à venir».
Dans une seconde section, l'A. étudie les conséquences des thèses de Pannenberg au sujet de la Révélation sur sa définition de la théologie. Il situe d'abord sa position dans le débat sur la nature scientifique de la théologie protestante de langue allemande, en se référant successivement à Troeltsch et à Harnack, puis au débat de K. Barth avec H. Scholz. Selon Pannenberg, la scientificité de la théologie est directement liée à sa définition comme science de Dieu, à partir d'une analyse des deux sources de la notion occidentale de vérité: l'une, grecque, l'autre hébraïque. L'interprétation des liens entre ces deux sources reçues par la pensée occidentale moderne pourrait bien être, estime l'A., «le résumé de la façon dont Pannenberg conçoit les relations entre philosophie et théologie, entre pensée humaine et Révélation» (p. 121). Et c'est par l'objectivité de la Révélation qu'il soutient l'accord entre la théologie et les formes modernes de rationalité - ce qui lui permet de situer la théologie dans la catégorie des sciences humaines, ainsi que Troeltsh le suggérait (p. 129), mais «ne s'oppose pas pour autant à l'idée de la théologie comme science de Dieu» (p. 133).
Il est d'ailleurs symptomatique à cet égard que Pannenberg critique certaines affirmations de Luther sur le péché originel, «qui corromprait à ce point la nature de l'homme que celui-ci ne pourrait aucunement le connaître, sinon par la foi» (p. 181).
Le chap. III développe avec précision cette réflexion sur les relations entre philosophie et théologie. Mais l'A. le précise - et c'est sans doute l'apport le plus original de ce livre aux références multiples et rigoureusement situées: «Cette réflexion sur les relations entre philosophie et théologie ne se ramène pas à une relation entre métaphysique et théologie: il s'agit d'une relation à trois termes: religion, théologie, philosophie» (p. 193). Soulignons à cet égard cette remarque de l'A.: «Cette réflexion de Pannenberg sur la philosophie de la religion et son rôle en théologie se réfère principalement à deux tendances: la première est issue de la réflexion de Schleiermacher et inclut également des auteurs tels que Harnack et Troeltsh; la seconde est représentée par Barth. Ces deux tendances ne sont d'ailleurs pour lui que deux moments d'un même processus… la réaction barthienne contre une tendance anthropocentrique de la théologie est un épisode dans un mouvement plus large, au cours duquel le concept de religion prend une place de plus en plus décisive» (p. 252).
Le IVe chapitre, Trinité et histoire, confirme cette cohérence des éléments de la théologie de Pannenberg à partir de sa théologie trinitaire qui, souligne l'A., se développe à partir d'une théologie de la Révélation. Il en mentionne quelques repères historiques, notamment la manière dont K. Rahner entendait répondre à cette question en formulant la thèse de l'identité de la Trinité économique et de la Trinité immanente (p. 288). On l'aura compris: cet ouvrage constitue désormais une référence incontournable pour l'histoire de la théologie occidentale. - P. Lebeau sj

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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