E. Peterson (1890-1960), théologien allemand, converti au
catholicisme en 1930, publie en 1935 une thèse dont l'intention
explicite est de s'opposer au nazisme et d'attaquer la
Reichstheologie, dans laquelle il voit une sécularisation du
royaume de Dieu allant dans le sens d'un renouveau de l'imperium
sacrum. Il y prône, pour des raisons théologiques d'incompatibilité
trinitaire et eschatologique, l'impossibilité d'une théologie
politique chrétienne (telle que l'a proposée son ami, le juriste
Carl Schmitt en 1922). L'Église n'existe que parce que, suite au
rejet du Christ par les Juifs, les apôtres, inspirés par le Saint
Esprit, ont pris la décision de se tourner vers les païens; elle
n'a de sens que par le caractère médiat de l'avènement définitif du
Christ. Bernard Bourdin, dans son éclairante préface, montre
comment cette thèse, théologiquement vraie, est historiquement
fausse: le christianisme n'a cessé de justifier théologiquement des
ordres politiques, tout en les soumettant à sa critique au nom même
de la transcendance de Dieu. Sont inclus dans le présent ouvrage un
traité de Peterson: Qu'est-ce que la théologie? (1925), une
conférence dans laquelle il critique la théologie dialectique de
Barth et de Bultmann; S'y ajoutent sa Correspondance avec Harnack
(1932) dans laquelle il évoque les raisons de sa conversion;
L'Église (1928), condensé d'une ecclésiologie fondamentale qu'il
espérait justifier dans un livre plus important qu'une opposition
tant protestante que catholique l'a fait renoncer à écrire et Le
Christ Imperator (1936) qui, alliant actualité et recherche
historique, propose une critique patristique du culte totalitaire
du Führer. - P. Detienne sj