Explorer ces différentes attitudes face au mal est nécessaire, non pas pour argumenter et raisonner contre mais pour mettre au jour les logiques invisibles qui commandent la réflexion. Tout d'abord il faut se déprendre du Dieu extérieur. Dieu a trop été enseigné comme extérieur, un Dieu politique ou un Dieu policier. Nous ne pouvons en parler qu'à partir de notre profondeur comme personne. Il ne suffit pas non plus de mettre l'homme à la place de Dieu pour ouvrir la vie. De l'avoir à l'être, c'est le chemin pour une culture où la personne est en exil. Quand on reproche à Dieu de ne pas intervenir quant à la souffrance des enfants, on oublie souvent la métamorphose nécessaire pour devenir un «Je suis». Naître à nouveau, devenir enfant, revenir à l'innocence. Loin du sentimentalisme facile, c'est là une conversion coûteuse (le combat spirituel dont parle Rimbaud) qui va vers la puissance de la douceur pour laisser la logique du pouvoir et de la dureté. Encore une fois, Dostoïevski a bien vu cela et le montre dans le personnage de Raskolnikof.
En fin de compte, est-ce Dieu qu'il faut mettre en cause et son silence? De quel Dieu parlons-nous? De quel homme aussi? Et surtout de quelle vie? B.V. cherche ainsi sa voie entre un athée qui tue Dieu pour que l'homme vive et un mauvais théologien qui tue l'innocence de l'homme pour sauver Dieu. Livre profond d'un philosophe qui habite le pays de la pensée, mais en même temps d'un spirituel qui n'oublie pas la terre promise. L'A. a sans doute le sens des formules mais, en s'engrenant les unes aux autres, celles-ci donnent parfois l'impression d'un maillage qui enserre la pensée et lui impose une nécessité qu'elle ne réclame pas. - H. Thomas osb