Continuant d'«ouvrir la Bible comme un livre» (cf. NRT 122 [2000]
464; 126 [2004] 465; 128 [2006] 102; 130 [2008] 321; 131 [2009]
304) dans la foulée d'Abraham, Isaac et Jacob puis de Moïse, de
David et Salomon jusqu'aux Maccabées, Jacques Cazeaux en arrive aux
origines de ce qu'on appellera l'Église. Les Actes des apôtres
tracent la route du peuple d'Israël vers l'annonce du Royaume de
Dieu. C'est davantage une prophétie qu'une histoire, mais la
tradition ecclésiale a souvent confisqué cette route en faisant de
Paul «l'apôtre des Gentils» et en évinçant Israël. Il en va de
même, affirme l'A. dans son liminaire, pour l'Apocalypse. Ainsi
dénonce-t-il le caractère partial d'une lecture des Actes
exclusivement missionnaire de type expansionniste pour mettre
l'accent sur la dimension pénible et onéreuse de «l'évangélisation»
tant en terre d'Israël qu'en diaspora. C'est ce qu'il appelle
l'oubli ou le gommage réducteur de la «Passion du Serviteur»
qu'évoque son sous-titre: le martyre d'Étienne et l'épreuve de la
mission de Paul, rappelée par Luc en Ac 14,22. La mission n'est en
rien une marche triomphale… Aussi, à nouveau frais, J. Cazeaux
procède à une lecture naïve, modeste, des Actes afin de «donner à
penser» au lecteur contemporain: des questionnements surgissent du
texte, dévoilant un humour caché habillé en prophétie. Telle est,
en gros, l'hypothèse de l'A.: «cet ouvrage bâtit à partir des
destins de Pierre puis de Paul une théorie prophétique mettant en
tension les deux pôles, la conversion de chacun devant la Passion
du Serviteur selon Israël et l'expansion» (p. 15). Et plus loin:
«la longue réflexion authentifiant la Résurrection de Jésus est là
pour envelopper la Passion de sa vraie lumière. La Résurrection
n'est pas l'issue heureuse d'un malheur. Elle donne son éclairage
de lien absolu au mystère de l'homme devant Dieu, dont la porte
étroite est la confession par chacun qu'il est meurtrier, qu'il est
le premier Caïn…» (p. 61).Ainsi l'A. se fait-il iconoclaste d'un
Paul imaginé qu'on emprunte - ou accapare - en lisant le second
volume de Luc à la manière d'un militant d'action catholique ou
d'un missionnaire conquistador. Il prend les Actes comme un livre
marqué par une sourde unité que l'on garde secrète comme une peur
maléfique capable de déstabiliser notre foi souvent «folie des
grandeurs dissimulée sous un manteau royal miteux». «Pour conclure,
Paul s'immobilise dans sa maigre location, nous laissant
heureusement entre le Royaume de Dieu et l'absence du roi César: le
mirage d'une grande entrée dans l'Histoire qui a égaré l'Église
s'est dissipé» (p. 352).L'A. nous laisse sur cette réflexion que
tout commentateur ou lecteur des Actes devrait faire sienne au
moment où il s'interroge sur l'enjeu de ce second ouvrage de Luc au
coeur même du Nouveau Testament, entre l'évangile de Jean et la
lettre de Paul aux Romains. Un livre qui questionne et stimule. -
J. Radermakers sj