Les dissensions ecclésiales, un défi pour l’Église catholique. Histoire et actualité, préf. B. Barbiche

Pierre-Marie Berthe
Teología - reviewer : Anne-Marie Petitjean a.s.

Cet imposant volume publie la thèse d’un doctorat en théologie et sciences religieuses, spécialité droit canonique, soutenue en 2018 à l’université de Strasbourg. Archiviste paléographe de l’École des Chartes (position de thèse en 2004) et docteur en histoire (Paris-Sorbonne 2008), Pierre-Marie Berthe, prêtre de la Fraternité Saint-Pie x (ordonné à Écône en 2009), continue ici à interroger l’histoire, en se donnant pour objectif de tirer des leçons du passé en vue de résoudre les dissensions du présent, tout particulièrement celle dans laquelle ses choix personnels l’ont engagé. Il distingue fortement ce type de dissension qu’il juge interne à l’Église catholique des ruptures de communion ouvrant le temps des confessions.

L’ouvrage est divisé en quatre parties : (1) « Les disciples de Jésus en quête d’unité (ier -vie siècle) : des choix décisifs pour l’avenir » ; (2) « La priorité de la chrétienté médiévale (vie -xve siècle) : la reductio ad unum » ; (3) « La dynamique tridentine (xvie -xxe siècle) : défense de la foi et reconquête catholique » ; (4) « Un nouveau regard sur l’unité dans l’Église : communion et dialogue ». Chacune comprend sept chapitres et se scelle par une conclusion. La quatrième partie entend tirer des leçons de Vatican ii (événement, corpus et réception) et de la situation œcuménique actuelle. L’A. y stigmatise un souci pastoral qui aurait mis à mal la rectitude doctrinale, à preuve le fruit jugé décevant des dialogues œcuméniques. Ceux-ci occultent par trop le « pas encore » au profit du « déjà-là » d’une « communion [pourtant] imparfaite » ; ils oublient le « lien [nécessaire] entre vérité et charité », ce qui « nourrit le relativisme » car l’A., quand il parle de vérité, est le plus souvent du côté d’une vérité-énoncé et donc d’une langue commune dont le latin est le symbole en liturgie. C’est pourquoi les « ordinariats personnels pour les Anglicans sont vus comme un modèle d’intégration ne nuisant pas à la foi car fidèles à ses énoncés ». Les condamnations de la Fraternité Saint-Pie x que l’A. situe dans l’Église catholique (se démarquant ainsi des communautés « hétérodoxes » relevant du dialogue œcuménique) ont certes été suivies de tentatives de réconciliation, mais celles-ci ont été mises à mal par le résultat du Synode sur la famille, ce qui en appelle au dialogue et à la recherche d’une règle commune.

Des « Considérations conclusives » dressent un panorama des leçons reçues de l’histoire au fil de ces pages. Lire ce final permet de mesurer ces leçons et de situer la vision qu’a Pierre-Marie Berthe d’une réintégration de sa Fraternité dans le giron romain. Trois questions y sont traitées : (1) Comment éviter de nouvelles dissidences ? ; 2) Comment réagir face aux situations conflictuelles ? ; (3) Comment préparer des réconciliations futures ? Il est remarquable que le premier point de la première question invite à des énoncés clairs et à leur transmission dans tous les champs de la pastorale, en ce qui concerne, par exemple le divorce ou l’homosexualité (économie, politique et écologie ne requièrent pas la même exigence car en rapport indirect avec la foi).

Notons encore que P.-M.B. soutient qu’on ne peut réparer les brèches infligées à la catholicité de l’Église-Une par les grandes ruptures du passé (1054-1204, 1517…) qu’en solutionnant d’abord les dissensions nouvelles surgies au sein de l’Église romaine. Une telle thèse interroge et mérite au moins un débat, exercice auquel l’A. convie en finale en rappelant la nécessaire synodalité ecclésiale. Mais le débat peut-il être envisagé si le partenaire appelé à la discussion semble être seul en défaut ? Pourtant cet appel, tout comme la longue relecture historique, soulignant succès et impasses rencontrées au long des siècles par la quête de l’unité, ne vaut pas à l’A. l’estime de tous les milieux intégristes, certains le traitant de néo-moderniste ! La quête de l’unité n’est pas sans souffrance ; Pierre-Marie Berthe rejoint ainsi, mystérieusement, l’expérience de celles et ceux qui sont engagés avec charité et exigence dans le dialogue œcuménique. — Anne-Marie Petitjean a.s.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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