Lettre au Pape sur le pardon au peuple juif

R. Draï
Teología - reviewer : Albert Chapelle s.j.
Cette lettre ouverte de l'universitaire juif fait écho à la Déclaration de repentance de Drancy (30 septembre 1997) sur l'attitude des évêques de France pendant la guerre et à la Réflexion romaine sur la Shoah (16 mars 1998). Les deux textes sont publiés en annexe (p. 185-203).
La première partie de l'ouvrage rappelle les blessures et les séquelles (p. 21-69) d'une irréparable histoire. Un lecteur catholique sera reconnaissant d'entendre énoncé avec force et clarté «ce que son frère a contre lui», des ombres de Vichy à la Shoah en passant par le Carmel d'Auschwitz et par la tardive reconnaissance de l'État d'Israël, sans oublier les canonisations de M. Kolbe et d'E. Stein.
Dans un deuxième temps (p. 71-124), l'A. salue la repentance à laquelle le pape appelle les chrétiens. Elle ne peut être changement de mentalité (metanoia) si elle ne s'inscrit pas dans une techouva effective. La «culpabilité» n'ajoute que la peine à la création (cf. p. 81), mais la «responsabilité» vise à la réparation pour la poursuite de l'histoire (p. 82). La techouva demandée par le texte romain signifie-t-elle que l'Église «veut retrouver les chemins de la Torah» (p. 90)? R. Draï connaît assez la foi catholique pour reconnaître ce qui sépare et qu'il ne dépend pas de la volonté des hommes de supprimer. Mais il invite à bon droit les chrétiens à reprendre le chemin de leurs origines et à y retrouver la «Torah pérenne» (p. 107). Dans cette «revenance» (p. 90) vers Dieu, le pape peut-il cesser de parler de l'«Ancienne Alliance» (p. 112) sans renoncer à proclamer la nouveauté imprescriptible du Messie? L'expression traditionnelle d'«Ancien Testament» est en tout cas plus précise: elle marque davantage les dispositions historiques que la faveur éternelle, sans repentance, du Dieu unique. L'A. demande aussi d'en finir de toutes les manières avec le mythe délétère du déicide. L'A. l'attend toujours (p. 113-114), car il sait la portée spirituelle de la prière du Crucifié (cf. CEC 598).
La troisième partie du livre veut associer juifs et catholiques dans une entreprise désormais concertée en commun: «l'Humain à la ressemblance divine» (p. 125-181). L'A. assigne une triple tâche au «jubilé chrétien» et au «jovel juif» (p. 163): sauvegarde du vivant au coeur d'une détresse économique «insulte à la présence divine», proclamation de la loi de liberté, paix des familles de la Terre. Ici encore le style étincelant, la foi vive, les souvenirs fraternels (p. 172-175) ne dispensent pas Draï d'une franchise souvent peu partagée (cf. les dénis de mémoire, p. 159; la prédication paulinienne, p. 165). Il marque clairement son refus de l'affirmation de Jean-Paul II: «Jésus-Christ est le nouveau commencement de tout… par cela même il en est l'aboutissement unique et définitif» (p. 177). Peut-être ni le pape, ni les autres chrétiens n'ont-ils encore perçu tout le prix à payer pour la confession de leur foi. Ce livre d'un fidèle de l'unicité divine aide à le comprendre. - A. Chapelle, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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