Marcher dans l'Humilité. Thérèse d'Avila et la théologie de la justification

J.-M. Laurier
Teología - reviewer : G. Navez s.j.
Jean-Marie Laurier, prêtre, théologien, enseigne au stadium N.-D. de Vie (à Vénasque), à l'Université de l'Ouest à Angers, au centre thérésien d'Avila. Il replace admirablement l'expérience et l'enseignement de Sainte Thérèse (1515-1582) dans le débat théologique aigu à son époque, autour du péché, de la grâce et de la justification (rupture de Luther en 1520, clarifications du Concile de Trente en 1545).
Le 1er chapitre (la vie et les premières relations) est un examen de conscience qui répond aux protestations essentielles de la Réforme quant au salut de l'homme: 'abattre toute prétention devant Dieu et sa Gloire', convaincre l'homme de son péché devant Dieu, de sa gravité, tout en obtenant dans la certitude de la foi la paix et la sécurité de la confiance. Mais Trente et Thérèse ne retiennent pas des protestants une série de leurs affirmations problématiques. Notons cependant que depuis 1997 et 1999, la fédération Luthérienne et l'Église catholique sont parvenues à un consensus significatif sur la doctrine de la justification (textes en annexe, p. 346) - C'est un fruit du travail oecuménique qui est loin d'être achevé.
Le deuxième chapitre (le chemin de la perfection) aborde l'oraison, voie de dépassement du péché, la libération de l'amour, croissance et fragilité, croissance en grâce et conscience d'être toujours en dette avec Dieu, magnanimité de l'idéal et humilité de vie (le très peu que nous sommes et le très beaucoup qu'est Dieu). L'équilibre (amour, crainte) de la véritable humilité, crainte paisible et magnanime, insécurité acceptée et levier de progrès.
C'est l'oraison infuse qui rend la foi active. C'est la première collaboration humaine: elle précède, accompagne et suit toute oeuvre bonne et morale (de pénitence, de charité, de repentir, de désir de satisfaction, de vigilance p. ex.). Le combat chrétien sera à la fois sans complaisance illusoire et sans appesantissement sur le péché, sans se braquer sur lui qui n'est pas l'essentiel et sans la légèreté réformée. Il sera vu de façon théologale au delà de tout examen proprement humain parce que fondé sur la fécondité et la puissance régénératrice de la grâce divine, dans une logique de gratuité et de gratitude. Humilité contemplative dans un désir de perfection, dans un amour vrai: plus que personnelle, individuelle, la communion sera fraternelle, élargie à la communauté avec un détachement radical de toute supériorité et de soi-même. L'humilité est considérée non pas comme une conquête, mais comme une force d'attraction de Dieu qui ne méprise jamais un coeur brisé.
Enfin, dernière partie: la géniale définition de sainte Thérèse: l'humilité, c'est monter dans la vérité. Dans le château de l'âme et de l'existence humaine, la véritable humilité allie l'action de grâces et la contrition douloureuse, la confiance ardente et le sentiment d'incapacité , de défiance de soi, d'insécurité. C'est en tout cela que réside la force et l'équilibre de l'humilité thérésienne. Elle corrige le pessimisme excessif de la théologie des réformateurs et du mépris de soi, même si elle répond à leur hantise de la glorification de Dieu.
Elle nous fait comprendre que le salut est dans le coeur de l'homme une réalité certes, mais antinomique. Notre vrai moi, dit Eckhart, n'est pas ce moi enlisé et incertain qui va à la mort, mais Dieu en nous qui nous déborde de toutes parts, nous transforme gratuitement et nous insère dans sa propre vie surabondante et communiquée. - †G. Navez, S.J.

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La NRT est une revue trimestrielle publiée par un groupe de professeurs de théologie, sous la responsabilité de la Compagnie de Jésus à Bruxelles.

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