Directeur de la collection, G. Canobbio rappelle que le XXe s. fut
riche en réflexions critiques sur la foi à la suite de profonds
changements culturels. Certains penseurs chrétiens ont eu l'audace
d'explorer des voies inédites pour répondre aux défis de la société
séculière et il faut continuer dans les voies ouvertes par ces
théologiens. Professeur de théologie, A. Franco présente la pensée
de M.-D. Chenu op (1895-1990), un des grands noms de la théologie.
Il distingue deux Chenu: le médiéviste étudiant les débuts de la
scolastique aux XIIe-XIIIe siècles et le penseur réfléchissant sur
les réalités terrestres, la présence de l'Église dans le monde et
la théologie des «signes des temps». Son thème central est
l'Incarnation, celle du Verbe et sa continuation par l'Église dans
le monde. Cette pensée a rendu son équilibre à la théologie comme
«science de la foi» et à l'action pastorale missionnaire pour
construire le Règne de Dieu sans dualisme entre nature et grâce.
Action humaine et intervention gratuite de Dieu font émerger les
attentes de la grâce présentes dans le monde et dans l'histoire
grâce à l'Église invitée à «lire les signes des temps». À côté de
l'orthodoxie, Chenu place «l'orthopraxie» qui vérifie la vérité
chrétienne et la rend intelligible à chaque époque en
réinterprétant la Parole avec l'aide de la communauté chrétienne
inspirée par l'Esprit Saint. Une pensée aussi forte et originale ne
pouvait manquer de lui attirer des ennuis du côté du Saint-Office
et du Père Garrigou-Lagrange op . Dès 1938, Chenu est exclu de
l'enseignement théologique à l'école théologique du Saulchoir, mais
il reste très actif et écrit La théologie du travail. G. Le Bras
l'invite à enseigner à l'École Pratique des Hautes Études. Quoique
précurseur du concile, il n'y est pas invité comme expert, mais y
accompagne un évêque de Madagascar. C'est lui qui lance l'idée
d'une «Adresse du concile au monde» et son influence sera grande
sur le fameux Schéma XIII: Gaudium et spes. Après le concile, il
explicite et prolonge les avancées de celui-ci et élabore son
orthopraxie.
Aujourd'hui nous sommes un peu moins optimistes que lui face à
l'ambivalence de la modernité, et les «signes des temps» nous
paraissent moins clairs. Un Appendice de 35 p. présente en entier
son article prémonitoire de 1935: Position de la théologie où l'on
voit pointer ses grandes intuitions. La bibliographie présente ses
oeuvres et les livres parus sur lui. Excellent travail de Franco
qui nous présente brièvement cette pensée très riche dont nous
restons marqués. - B. Clarot, S.J.