Fasciné dans son enfance par la démonstrative dévotion polonaise à Notre Dame, l'A. prend le parti de casser cette image doucereuse des pèlerins catholiques qu'il a connus. Ainsi dresse-t-il le portrait de «sa» Marie, qui prend sa place dans la galerie de tableaux que peintres, sculpteurs, enlumineurs de toutes les époques ont fait de Marie de Nazareth au cours des siècles, plus vraie, pense l'A., que toutes les autres, «marquées par l'ignorance de l'histoire d'Israël à laquelle Miryem appartenait» (p. 295).
Aussi l'A. s'ingénie-t-il à rendre palpable l'atmosphère de résistance, lourde, étouffante, qui devait exister certainement à Jérusalem en ce temps-là, et aussi sans doute en Galilée, où les femmes pacifistes prennent un rôle de compassion et de vérité qu'on dirait évangélique. À ce titre, le roman est intéressant, car il retrouve les évocations de Flavius Josèphe dans La guerre des Juifs. Si nous sommes loin de la Marie des évangiles, disons que la Marie de Marek Halter impose le respect par sa dignité de mère et de femme pieuse, mais de bon sens. C'est toute la Pologne juive persécutée et sauvagement massacrée que l'A. fait parler dans ce livre, et qui se confond avec la vieille Polonaise qu'il trouve dans une maison branlante de Varsovie, et dont le fils Jésus est mort à Auschwitz. Une belle figure, au demeurant, qui nous rappelle la noblesse de la Judith biblique. - J. Radermakers sj