Dirk-Martin G. a consacré une large part de son activité scientifique à l’étude critique de l’œuvre de Tillich (T.), un penseur qui, se tenant « sur la frontière », l’a toujours fasciné par son souci de conjuguer les démarches philosophique et théologique. Ce vol. rassemble neuf études sur le thème de la révélation, dont une inédite (« Glaube und Wissen bei Tillich. Die Offenbarungserkenntnis als Erkenntnis über die Erkenntnis statt Erkenntnis über die Welt »). Ces textes sont précédés par une longue et précieuse Introduction thématique (p. 4-47) qui les situe dans la cohérence d’un exposé continu. Comme à propos d’autres thèmes de la pensée de T., les continuités et les décalages entre les périodes allemande et américaine fournissent une clé d’interprétation.

Durant la première, la théologie de la révélation s’adosse à une philosophie transcendantale du sujet ; elle connaît ensuite un « tournant » plus anthropologique et existentiel. Le principe de corrélation réfère la réflexion théologique aux questionnements philosophiques tout en dégageant la notion d’expérience de ses contraintes empiristes. T. voit d’ailleurs dans la connaissance mystique une possibilité de dépasser le clivage sujet/objet. Enfin, T. tente de concilier les prétentions de validité des religions et la prétention d’absoluité élevée par la proclamation chrétienne. La figure du Christ, modèle de « renoncement à soi sans perte de soi », lui inspire une « humilité épistémique » : l’absolu ou l’inconditionné ne se laisse pas capter dans nos catégories limitées. C’est à cette lumière qu’il convient de situer T. dans les débats actuels autour de la théologie des religions. Par-delà la présentation de la pensée de T., l’A., qui par ailleurs se sent plus proche de la tradition philosophique anglo-saxonne, propose son examen critique comme une contribution aux débats théologiques sur la révélation et sur les relations entre foi chrétienne et religions. — J. Scheuer s.j.