Ce volume présente, en ordre chronologique 37 articles sur la
politique rédigés pour une revue de jeunes. On y voit Guardini
devenir de plus en plus concret à partir des idées thomistes sur le
pouvoir et le bien commun. L'homme fait partie d'un ordre provenant
du Dieu transcendant dont toute autorité tire sa légitimité et ses
limites. Beaucoup de catholiques étaient hostiles à la politique
des partis de Weimar et prônaient l'idée d'une autorité forte comme
dans l'Église. R.G. manifeste lui-même une attitude ambiguë sur le
sujet. Mais l'ordre social doit respecter la liberté humaine. Pour
Guardini, la personne et l'ordre entre les personnes sont deux
points cardinaux à l'image de la Trinité. Toute obéissance doit
être consciente, libre et accordée à l'autorité légitime. La limite
à tout abus de pouvoir doit venir de la conscience de chacun. Aux
jeunes déçus par le parlementarisme, il veut rendre le goût de la
politique parce que notre vie humaine en dépend. C'est à travers
l'État que le peuple devient capable d'agir et d'exister dans la
liberté, l'honneur et le respect de la morale. Contre le nazisme
naissant, il affirme que l'État n'est pas la valeur suprême comme
le voulait Hegel. Chacun doit participer activement au destin
commun et l'État doit s'occuper des personnes qui le composent. Il
faut dépasser l'individualisme et favoriser la démocratie en
gardant un esprit critique envers le pouvoir. Les droits de Dieu
limitent ceux de César et Jésus est notre seul sauveur. Ce n'est
qu'en 1952 que Guardini parlera, avec quelques réserves, de la
responsabilité de tous les Allemands dans la question juive.
Après la guerre, R.G. se déclare «démocrate catholique», c.-à-d.
qui reconnaît des valeurs absolues et des autorités objectives
n'émanant pas du peuple. Le pouvoir provient du droit et d'un ordre
supérieur à respecter. Il donne alors les caractéristiques d'une
vraie société démocratique. Le pouvoir doit être au service de
tous, dans le respect de la justice. Par ailleurs, l'homme a besoin
d'utopie comme anticipation d'un monde idéal vers lequel il nous
faut tendre, en sachant nous sacrifier, au besoin, pour le service
de la vérité et de la justice ou en nous dressant contre un pouvoir
injuste. Ces notations jettent un peu de lumière sur les idées
politiques de Guardini. On aimerait savoir comment il a pu passer à
travers la tourmente nazie et si c'est sa seule renommée qui l'a
protégé. -- B. Clarot sj